mardi 8 juillet 2014

Die Monster Die ! / Le Messager du Diable (1965) de Daniel Haller



Directeur artistique sur la plupart des adaptations d'Edgar Poe par Roger Corman, Daniel Haller passe à la mise en scène en 1965 avec Die Monster Die !, d'après une nouvelle de H.P. Lovecraft, romancier héritier de l'œuvre de Poe. Pour l'AIP (American International Picture), la société de Roger Corman, il s'agit, en passant de Poe à Lovecraft[1], d'amorcer une sensible modernisation de la production des films d'horreur en soulignant une transition du film gothique vers le film de Science-fiction.

Du film gothique...  Alors que l'action de la nouvelle de Lovecraft (La couleur tombée du ciel datant de 1927) se situait dans une ferme rurale, celle du film se situe dans un manoir[2]: la demeure, aristocratique et recluse, crainte par les villageois, apparaît comme le cadre classique de l'univers gothique. Le décor du château[3], entre des intérieurs surchargés (on se croirait au musée de Cluny !) et des sous-sols poussiéreux, s'inscrit dans la lignée de l'esthétique du cycle des adaptation de Poe. 

Les personnages sont tout autant archétypaux: le maître de maison, incarné par la (vieille) star du film d'horreur Boris Karloff, se déplace en fauteuil roulant, accompagné d'un serviteur inquiétant; il se méfie de son jeune gendre lequel, par amour pour sa fille, entend sauver la famille de l'emprise d'un père dominateur. Les schémas narratifs du gothique se répètent: déambulation du héros (réveillé par des cris dans la nuit) à la lueur d'une chandelle dans les couloirs du château, tentative de résolution du mystère de la malédiction familiale, destruction par le feu de la maison hantée. 

au film de Science-fiction. Bien que l'action se situe à l'époque contemporaine, tous les éléments susmentionnés laissent penser que Die Monster Die constitue un énième film gothique héritier de la littérature du XIXème siècle. Le dernier quart d'heure du film engendre néanmoins une transformation vers la SF. Le personnage de Boris Karloff est celui du scientifique fou dont le péché d'hubris lui sera fatal: il souhaite créer un monde meilleur à partir de la substance d'une étrange météorite dont les effets sont radioactifs. 

Le décor du cratère où est atterrie la météorite évoque des films comme The Monolith Monsters / La Cité pétrifiée (1957) de John Sherwood alors que les expérimentations réalisées dans la serre (constitution de fruits et de plantes de taille disproportionnée) et la transformation finale de Boris Karloff en une sorte de zombie phosphorassent évoquent ainsi L'invasion des profanateurs de sépulture (1958) de Don Siegel, autre film marqué par la peur du nucléaire. 

Die Monster Die constitue ainsi une subtile variante du film d'horreur gothique comme AIP en produisait à la chaine dans les années 60. Il ne s'agit pas pour autant d'un film original mais le film peut séduire les aficionados des productions de Corman, amoureux d'un cinéma naïf et coloré.  

08.07.14.



[1] La Malédiction d'Arkham (1963), qui s'inscrit dans le cycle Poe, était déjà une adaptation de Lovecraft. En 1970, Daniel Haller allait signer The Dunwich Horror, une autre adaptation de Lovecraft  pour AIP.
[2] Le scénariste de Die Monster Die, Jerry Sohl, a participé à l'écriture d'épisodes de la Twilight Zone: les épisodes de lu cycle Poe étaient signés par Richard Matheson et Charles Beaumont, les scénaristes attitrés de la série TV  de Rod Serling.
[3] Comme auparavant Le masque de la Mort rouge et Le Tombeau de Ligeia, Die Monster Die  a été tourné en Angleterre au studios Shepperton. Le film comporte également des comédiens anglais qui étaient apparus dans des films de la Hammer: Suzanne Farmer, la fille du châtelain (Boris Karloff), a joué dans The Devil-Ship Pirates (1963) et Raspoutine, le moine fou (1966) de Don Sharp, ainsi que dans Dracula, Prince des Ténèbres (1966) de Terence Fisher alors que Freda Jackson, l'épouse de châtelain, tenait un rôle dans The Brides of Dracula (1961) de Terence Fisher et The Shadow of the Cat (1961) de John Gilling. La vedette masculine, Nick Adams, est un acteur venu de la TV qui s'est illustré dans la série western The Rebel.

lundi 7 juillet 2014

L'Immortel (2010) de Richard Berry

 
Richard Berry, vedette du polar dans les années 80 (Le Grand Pardon, La Balance, Spécial Police), se lance dans la mise en scène au début des années 2000. Après La boite noire (2005), thriller psychologique avec José Garcia, Richard Berry signe L'Immortel, un polar sur la mafia marseillaise, produit par EuropaCorp, la société de production de Luc Besson.
 
Jacky le mat. L' "immortel", c'est Charly Matteï, incarné par Jean Reno, gangster à la retraite inspiré par Jacky le mat, truand qui régna sur la cité phocéenne dans les années 1970. Adapté d'un roman de Franz-Olivier Giesbert, le film préfère transposer l'action à l'époque contemporaine.[1] Laissé pour mort dans un parking avec 22 balles dans le corps, l'ancien hors-la-loi refuse de mourir et met en place sa revanche contre le parrain de la ville qui fut jadis un ami d'enfance. Les thématiques de L'Immortel sont très convenues: vengeance et trahison, incapacité du criminel à tourner la page de son passé, la violence engendre la violence...
 
Un Parrain à Marseille. Richard Berry, pour la représentation de la mafia, semble s'inspirer de Francis Ford Coppola: le méchant parrain (Kad Merad en gangster corse !), reçoit ses visiteurs dans la pénombre de son bureau, les sanglants règlements de compte sont montés en parallèle avec une séquence de cérémonie familiale (le mariage du fils du patron) et l'opéra (Puccini et Verdi) illustrent musicalement la tragédie sanglante de l'histoire. Jean-Pierre Darroussin, en avocat de la famille, fait office de Tom Hagen, en ayant le crâne tout aussi dégarni que Robert Duvall. D'autres poncifs complètent le scénario balisé[2] de L'Immortel: le parrain, maniaque de la propreté, répugne par sa froide violence, son appartement opulent et ses collusions avec un monde politique corrompu; l'immortel bénéficie de l'aide d'une flic alcoolique, bien décidée à coffrer celui qui est responsable de la mort de son mari.
 
Un exemple de production d'EuropaCorp. La mise en scène de Richard Berry illustre les traits caractéristiques des productions de la société de Luc Besson[3]: Pour souligner l'émotion, le ton s'avère lyrique (musique d'opéra, amples et fluides mouvements de caméra) et les scènes d'action (poursuite en voiture, fusillades) sont "boostées" par un montage énergique et une bonne dose de violence. Le film lorgne parfois vers la publicité: dans une séquence grotesque, la caméra tourne autour de Jean Reno, lequel discute avec son chien au bord de la mer, accompagné d'un plat de pates, le tout sur air de Pavarotti...
 
Un scénario convenu, de l'action et de belles vues de Marseille sont les recettes de L'Immortel, une production EuropaCorp qui apparaît comme une série B en dépit de l'importance de son budget (17 millions d'euros). Le divertissement, à défaut de l'originalité, est tout de même au rendez-vous.
 
08.07.14.



[1] D'autres polars français préfèrent faire le pari de la reconstitution: Sans haine ni violence (2007) de Jean-Paul Rouve sur l'affaire Spaggiari, le dyptique de Jean-François Richet sur Mesrine (2008), Les Lyonnais (2011) d'Olivier Marchal sur le gang des Lyonnais ou encore bientôt La French (2014) de Cédric Jimenez sur l'assassinat du juge Pierre Michel
[2] Le scénario est signé par le tandem Alexandre de la Patellière (fils de Denys) et Matthieu Delaporte qui avait écrit les scénarii des Parrains (2005) de Frédéric Forestier, Renaissance (2006) de Christian Volckman et surtout Le Prénom (2012) qu'ils ont eux même réalisé.
[3] Notons cependant que le film est produit par Pierre-Ange Le Pogam.

samedi 1 février 2014

La Trilogie de la Vie de Pier Paolo Pasolini


Il Decamerone / Le Décaméron (1971)
I Raconti di Canterbury / Les Contes de Canterbury (1972)
Il fiore delle mille e una notte / Les Mille et Une Nuits (1974)

Après l'adaptation de l'Ancien Testament (L'évangile selon Saint Matthieu, 1964) et de mythes antiques (Oedipe Roi en 1967 et Médée en 1970), Pasolini poursuit sa relecture des textes fondateurs avec la trilogie de la Vie. 
Retour aux textes premiers. Pour Pasolini, revenir aux grands récits de la littérature, c'est retourner aux fondements de la culture et de l'histoire. Ces classiques nous frappent aujourd'hui par leur audace subversive, leur violence première et leur crudité intacte. Les contes proposés par Le Décaméron, Les Contes de Canterbury ou Les Mille et Une Nuits se présentent ainsi comme des histoires simples et triviales, accessibles à tous[1]: on y énonce des moralités élémentaires et universelles (la dénonciation de l'injustice, de l'avarice, du pouvoir), on se moque des puissants (les autorités religieuses, le pouvoir politique) et on y prône la vie, l'humour et le désir. 
Le sexe et l'art comme moteurs de la vie. Le sexe, thématique récurrente de la trilogie, apparaît comme le moteur de cette vitalité, le sang indispensable à la vie. L'art apparaît lui aussi comme un élément nécessaire pour réinventer notre vie et notre quotidien: l'idée est portée par Pasolini lui même  qui incarne dans ses films deux personnages d'artistes (l'écrivain Chaucer dans Les Contes de Canterbury et le peintre Giotto dans Le Décaméron). Les trois films de la trilogie forment donc bien un corpus cohérent bien que chacun se différencie par des éléments singuliers: Le Décaméron revient régulièrement sur la thématique de la duperie, Les Contes de Canterbury se distingue par son sens du grotesque (scatologie et vision de l'enfer) alors que Les Mille et Une Nuits séduit par son exotisme et peut être par un érotisme plus assumé que dans les deux autres films. 
La reconstitution selon Pasolini. Dans la lignée de son travail sur Oedipe Roi et Médée, Pasolini réinvente le film à reconstitution. Pasolini participe à un double mouvement: d'un côté, il rompt avec le péplum en nous montrant une vision réaliste et brute du passé (on y voit des animaux, des basses-cours, des vêtements cousus à main ou déchirés, des corps nus); de l'autre, il procède en même temps à une stylisation extrême de certains costumes ou décors. En faisant renaître le passé avec du neuf, en procédant à un bricolage syncrétique, un mélange des différentes cultures et nationalités, Pasolini produit une sorte d'esthétique "new age". Ainsi, dans Le Décaméron, un roi est coiffé d'une toque russe et ses soldats sont armés de hallebardes de taille démesurée, dans Les Contes de Canterbury, un sketch avec un clochard débrouillard renvoie aux muets de Chaplin, dans Les Mille et Une Nuits, une armure en toc évoque moins le Moyen-âge qu'un robot de Science-fiction... 
Après la sortie des Les Mille et Une Nuits, Pasolini renie la trilogie de la Vie car il considère les films comme trop convenus. Il se lance alors dans une "trilogie de la mort", initiée par Salo ou Les 120 jours de Sodome en 1975 mais qui restera inachevée en raison de la mort du cinéaste la même année.
 
06.01.14.


[1] Avec la trilogie de la Vie, qui se caractérise par un regard décomplexé sur le sexe et la nudité, Pasolini trace la voie pour un genre spécifique de la comédie populaire italienne qui est la "sexy comedy" dans les années 70.

dimanche 26 janvier 2014

Un Roi sans Divertissement (1963) de François Leterrier



L'auteur provençal Jean Giono est adapté à plusieurs reprises dans les années 30 par Marcel Pagnol (Regain, La Femme du Boulanger, Jofroy ou encore Angèle). En 1960, le romancier passe lui-même à la mise en scène en réalisant Crésus avec Fernandel. Avec la société de production "Les Films Jean Giono", il se lance dans le projet d'une adaptation de son propre son roman Un Roi sans Divertissement, écrit en 1947, et dont il confie la réalisation à François Leterrier, auteur d'une adaptation des Mauvais Coups de Roger Vailland en 1960. 

Giono revu par Giono. En adaptant son propre texte, Giono se livre à l'exercice de faire du neuf avec de l'ancien. Il remodèle alors complètement le récit de son roman: il rajeunit les personnages (dont celui de Langlois, donnant ainsi une dimension de récit d'apprentissage), en supprime quelque uns ou les condense. L'ordre de succession des différentes séquences est modifié et Giono se concentre sur la première partie de son roman, le pastiche d'intrigue policière focalisée sur la poursuite d'un assassin dans un petit village enneigé du Sud. Les tours de force stylistiques du roman (multiplication des narrateurs avec un jeu sur les champs lexicaux, un art de la digression) disparaissent donc dans le film au profit d'une attention envers le sujet véritable de l'œuvre: l'ennui qui mine les hommes et la tentation du crime, divertissement suprême, pour y contrevenir. En ce sens, les dialogues du texte sont bien plus explicites que dans le roman et le personnage du procureur, interprété par Charles Vanel, qui ne cesse de commenter l'action, peut être vu comme un double de Giono, exégète de sa propre œuvre. 

Du sang sur la neige. Si des spécificités du roman disparaissent lors de l'adaptation, celle-ci frappe par ailleurs par sa puissance visuelle. Le roman de Giono, obsédé par l'image du sang sur la neige, était déjà proprement visuel. Les images du film de Leterrier, "film en couleurs sans couleurs" (à l'exception du sang donc) pour reprendre les mots de ses auteurs, impressionnent. Les décors naturels et les villages de l'Aubrac (dans le massif central) fascinent: le plan inaugural où une tache noire (le cavalier Langlois) se détache péniblement du blanc de la neige évoque le western (des films postérieurs comme Le Grand Silence ou Pale Rider). Les descriptions purement psychologiques des personnages par Giono sont traduites à l'écran par des images nouvelles: la fascination de Langlois pour un lustre de verre comme révélateur de sa fascination pour un mal froid, tranchant mais grandiose; la reprise du lacet du tueur par Langlois pour suggérer sa déviance vers le crime... L'image et la musique (splendide complainte de Jacques Brel qui explicite le récit), les comédiens et les décors: tous les outils du cinéma sont pleinement au service de l'adaptation de l'un des grands romans de la littérature française du XXème siècle.
 

24.12.13.

Un Cœur gros comme ça (1961) de François Reichenbach

Metteur en scène de courts-métrages et de films documentaires, François Reichenbach réalise son premier long métrage avec L'Amérique insolite, reportage sur les Etats-Unis, produit par Pierre Braunberger (son cousin) avec un commentaire de Chris Marker et une musique de Michel Legrand. Il tourne ensuite Un Cœur gros comme ça, un film pseudo-documentaire sur un jeune sénégalais qui arrive à Paris pour tenter sa chance en tant que boxeur. Après Moi un noir (1958) de Jean Rouch et On n'enterre pas le dimanche (1960) de Michel Deville,  Un Cœur gros comme ça est récompensé par le prix Louis-Delluc, décidément sensible à la question de la représentation de la population noire dans le cinéma français.
 
Le film de Reichenbach montre la découverte naïve (et touchante) de Paris par Abdoulaye Faye: le jeune boxeur n'a jamais vu de neige, découvre la fumée créée par le froid et visite les musées de la capitale (dont les mannequins des généraux de la colonisation au musée de l'armée aux Invalides...). Candide, il écoute avec intérêt les conseils d'une voyante ou de ses compagnons de voyage dans un train qui lui expliquent comment séduire les femmes (lui est amoureux de Michèle Morgan...). Comme dans On n'enterre pas le dimanche, le jeune noir vit dans une petite chambre de bonne sous les toits et connait angoisses et déceptions. Parfois confronté au racisme, il impose qu'on l'appelle par son prénom et évite de créer des problèmes (il craint les accidents de voiture car on le rendrait à tort responsable).
 
Tourné avec une caméra clandestine et des micros cachés, le film frappe par son naturel mais s'écarte du cinéma-vérité au profit de séquences poétiques (dont une ballade en barque au bois de Boulogne) ou d'une vérité aménagée (emploi d'une voix-off). Le film se présente véritablement comme un portrait: les séquences de boxe sont rares et n'arrivent qu'à la fin du film. Reichenbach préfère filmer les réactions (violentes) des spectateurs (dont Belmondo !) que le match lui-même. D'ailleurs, Abdoulaye finit par perdre le combat. Mais tel le futur Rocky, le boxeur accepte avec humilité la défaite, "petite sœur de la victoire".
 
15.01.14.

Rysopis / Signes particuliers: néant (1964) de Jerzy Skolimowski


Après avoir scénarisé un film de Wajda (Les innocents charmeurs, 1960) et de Polanski (Le couteau dans l'eau, 1962), Jerzy Skolimowski, issu de l'école de Lódz, réalise son premier long métrage, Rysopis / Signes particuliers: néant, en 1964. Le film inaugure une série de films à caractère autobiographique, mettant en scène Andrzej Leszczyc, personnage d'éternel « adulescent », double attachant du réalisateur (joué par Skolimowski lui-même dans trois films sur quatre). 

La légèreté du film de Skolimowsvki semble inspirée par le cinéma de Nouvelle Vague française. Centré sur les mésaventures d'un jeunesse qui peine à trouver sa place dans la société, Rysopis adopte un ton doux-amer: Andrzej est un étudiant qui n'a toujours pas fini ses études (ou plutôt les avait-il déjà commencées ?) et qui a fui le service militaire (ce détail fait écho au statut de déserteur de Doisnel dans Baisers volés de Truffaut; la critique se plaît souvent à comparer la série Doisnel avec les films de Skolimowski). Il s'enlise dans une relation amoureuse qui ne semble guère lui convenir, s'occupe de son chien enragé et passe la plus part de son temps à flemmarder... Andrzej Leszczyc apparaît donc comme un véritable antihéros, un looser sympathique guetté par l'anonymat, le néant (suggéré par le titre du film). 

Disposant de peu de moyens, Skolimowski dynamise constamment sa mise en scène par des trouvailles. Il multiplie ainsi les plans séquences et les expérimentations visuelles: un emploi de la caméra subjective, une discussion entre des protagonistes dont on ne voit que les ombres, un plan étrange sur le reflet des clients dans la glace d'une table de café... Skolimowski confirme son statut de cinéaste jeune mais déjà audacieux, qui n'hésite par à dresser un portrait peu positif de la Pologne: on voit dans Rysopis des paysages tristes, des accidents de tramway, des soldats qui défilent au loin comme des automates et des vieux vétérans de la guerre qui radotent leurs exploits alors que leurs blessures furent causées par la vie civile... 

Après ce début prometteur, Skolimowski développera ces thématiques (le portrait de la jeunesse et la peinture de la société polonaise des années 60) dans ses films suivants tel que Walk-over (1965, davantage autobiographique, évoquant le passé de boxer et l'amour du jazz du réalisateur) La Barrière (1966, sa réflexion la plus aboutie sur la question de la jeunesse) et Haut les mains (1967, son film le plus critique envers le régime communiste). 

15.01.14.

 


Rampart (2011) de Oren Moverman

Après The Messenger (2009), remarquable film sur les soldats chargés d'annoncer aux familles le décès des victimes tombées au combat, Oren Moverman aborde de nouveau un sujet douloureux avec Rampart qui parle des violences commises par la police.
 
Coécrit avec le romancier James Ellroy, le film de Moverman se centre sur Dave Brown, membre de la LAPD, la police de Los Angeles. L'officier Brown, raciste et violent, est poursuivi par la justice après avoir brutalement molesté un suspect, la bavure ayant été enregistrée par une caméra de surveillance. Faisant référence aux scandales de la police de LA dans le quartier de Rampart à la fin des années 90, le film évoque également l'affaire de Rodney King: Ellroy, habitant et chantre des histoires noires de la "cité des anges", évoquait déjà l'affaire dans son scénario (original) de Dark Blue (2002), réalisé par Ron Shelton. En décrivant le quotidien sordide la LPDA, Ellroy devient l'héritier de Joseph Wanbaugh, l'auteur des Nouveaux centurions.
 
Rampart dresse un portrait sans concession: le personnage du policier, les nerfs à vif sur son crâne chauve, répugne le spectateur. La froideur du flic empêche toute assimilation au personnage et le film refuse toute fascination ambigüe que peuvent engendrer certains films comme L'Inspecteur Harry. S'éloignant des archétypes des films centrés sur des policiers, le film accorde un place plus importante que d'habitude pour développer la difficile vie familiale du flic: ici, il peine à trouver sa place dans une famille étrange, où il vit avec deux sœurs, qui ont été tour à tour ses épouses.
 
Le pathétique du personnage qui s'enfonce peu à peu dans la folie et la solitude émeut: Rampart n'est pas un film policier avec des scènes d'action (le film refoule d'ailleurs de façon étonnante toute manipulation et théorie du complot, qui ne naissent que de la névrose du personnage) mais s'avère bien un film psychologique sur un homme égaré et malade. Le film se démarque des autres films sur Los Angeles en ne montrant que la ville de jour et de façon réaliste. Le film baigne constamment dans une lumière âpre, à l'image de son personnage principal, nu dans sa folie, seul dans son errance.
 
13.01.14.