José Giovanni est un homme au parcours peu conventionnel. Résistant (ou collaborateur ?) pendant l'occupation, gangster après la Libération, condamné à mort puis gracié, le corse d’origine devient auteur de romans basés sur ses expériences personnelles. Son intrusion dans le monde de l’écriture lui ouvre ensuite les portes du cinéma : après avoir longtemps été scénariste et adaptateur de ses propres ouvrages (pour Jean-Pierre Melville, Claude Sautet, Jean et Jacques Becker, Jacques Deray, Robert Enrico ou encore Henri Verneuil), Giovanni réalise son premier film La Loi du survivant en 1966 d’après son livre Les Aventuriers qui sera de nouveau porté à l’écran l’année suivante par Robert Enrico. Le Rapace, son film suivant, d’après une série noire de John Carrick, s’apparente à un film d’aventures exotiques flirtant avec le western spaghetti et le film politique.Le « rapace » du titre est un tueur à gages surnommé aussi « le rital ». Il doit assassiner l’actuel président d’une république latino-américaine dans la fin des années 30. On lui impose comme acolyte Miguel Juarez, jeune idéaliste convaincu par la nécessité d’une révolution qui est vite dégouté par son cynisme. Le rapace le surnomme Chico par dérision en raison de sa juvénilité et de sa candeur.
C’est Lino Ventura qui campe ledit rapace. José Giovanni retrouve alors l’acteur qui avait déjà été l'interprète d'adaptations de ses romans : Classe tous risques (1960) de Claude Sautet, Le Deuxième Souffle (1966) de Jean-Pierre Melville, Les Grandes Gueules (1966) et Les Aventuriers (1967) de Robert Enrico. Leur collaboration se poursuivra ensuite avec Dernier Domicile connu (1970) puis Le Ruffian (1983).
Le Rapace joue sur l’exotisme des révolutions mexicaines déjà exploré par le cinéma américain. En effet, le film a été entièrement tourné au Mexique avec des acteurs locaux. Les paysages sont donc magnifiques d’un bout à l’autre du film qui jouit en fait d’une formidable authenticité. Il en est de même pour l’envoutante musique de François de Roubaix, fidèle collaborateur de Giovanni[1], qui a fait appel au groupe péruvien « Los Incas ».
Le Rapace fait aussi penser à un western spaghetti. Le rapace est en effet un personnage archétypal du western transalpin : celui de l’ange exterminateur aux motivations ambigües qui part aussi vite qu’il est arrivé. La mort le guette à tout moment et son cynisme ainsi que sa cupidité sont encore des caractéristiques communes entre les deux personnages. De plus, l’harmonica et la guimbarde de la musique de Roubaix ne sont pas sans rappeler les partitions d’Ennio Morricone.
Cependant, le rapace n’est pas un personnage amoral comme dans le western spaghetti. Certes, le rapace est très sarcastique mais, malgré son apparence laconique, il détient un certain nombre de valeurs. Le rapace a tout d’abord un véritable respect envers les femmes. De plus, il est persuadé que la révolution ne mène à rien puisqu’un système dictatorial ne peut être remplacé que par une autre dictature, les hommes politiques étant toujours des manipulateurs avides de pouvoir.

Ainsi, Le Rapace se transforme en film politique façon El Chuncho / Quien Sabe ? de Damiano Damiani sorti un an auparavant. Le Rapace nous montre en effet progressivement un face à face entre Chico, le jeune idéaliste plein d’espoirs, et le rapace, vieux baroudeur désabusé et à tout jamais désillusionné. Finalement, le film de Giovanni penchera plutôt pour le camp du pessimiste rapace.
Ce qui différencie aussi le rapace du vengeur violent du western spaghetti, c’est que le rapace est en réalité un homme de cœur. En effet, ce n’est pas parce qu’il ne prend pas part à la révolution à laquelle il semble se désintéresser, qu’il n’est pas pour autant un homme sans cœur. Rappelons la citation de Dostoïevski à l’ouverture du film: « Mais, mon ami, on ne peut pas vivre absolument sans pitié ». En fait, Le Rapace nous offre aussi une histoire d’amitié virile entre Chico et le tueur à gages, comme les aime bien José Giovanni.
Cependant, le personnage de Ventura reste complexe et ambigu. L’argent semble en effet ne pas être une véritable motivation du tueur à gages. En fait, le rapace erre sans but tel un fantôme. Il se retrouve toujours dans des situations qui ne le concernent pas et tourne autour de la mort, tel un rapace autour des cadavres.
Très méconnu par le public et trop souvent négligé par les critiques, Le Rapace est pourtant un film admirable qu’il faut découvrir. En effet, José Giovanni a signé un film très réussi en montrant qu’il était capable de manier aussi bien l’action que la réflexion.
Deux ans après Le Rapace, Giovanni retrouve Lino Ventura pour Dernier Domicile connu, film policier qui est sans aucun doute son film le plus célèbre.
12.12.07.

[1] François de Roubaix a signé la partition de tous les films réalisés par José Giovanni de La Loi du Survivant (1966) à La Scoumoune (1972) inclus, soit presque jusqu’à sa mort tragique en 1975. En effet, François de Roubaix est mort accidentellement lors d’une plongée sous-marine aux Canaries.

Metropolis est avant tout un film au tournage pharaonique de plus d’un an. Il a nécessité 36 000 figurants, 620 km de pellicule et le budget est passé de un à six millions de marks… Pour l’occasion, la UFA construit de gigantesques décors et engage les meilleurs techniciens : la photographie est confiée au talentueux Karl Freund
De plus, Lang expérimente beaucoup de techniques cinématographiques comme la surimpression, la caméra placée sur une balançoire ou encore le montage parallèle. Des recherches originales sont aussi effectuées au niveau des cartons. Le projet de Lang est donc très ambitieux du point de vue artistique.
Ensuite, Metropolis rappelle l’héritage chrétien de la civilisation européenne : la réunion des ouvriers dans des souterrains comme les chrétiens dans les catacombes, la très sainte Maria qui prie pour la paix et attend la venue d’un médiateur (le messie) et qui s’oppose à l’Eve tentatrice, son double en robot, qui finira par être brulée sur le parvis d’une cathédrale comme une sorcière, ou encore le cauchemar de Freder qui aperçoit la Mort avec sa faux, accompagnée des sept péchés capitaux.







De même, Le Grand Couteau montre comment le système hollywoodien détruit la vie d’un couple mais aussi comment il brise tout simplement la vie d’un homme puisque le personnage de Charlie en vient même à se suicider en s’ouvrant les veines. Hollywood a réussi à ébranler les illusions de Charlie Castle. L’acteur regrette sa gloire d’antan, se lamente sur son sort et le seul refuge qu’il trouve est l’alcool. En effet, dès l’impressionnant générique de Saul Bass où l’on voit en gros plan le corps nu d’un Jack Palance se lamentant sur un fond noir, le ton du film est nerveux et l’atmosphère malsaine. Ce générique instaure de nouveau l’univers oppressant et dérageant que l’on trouvait déjà dans En quatrième Vitesse (1955). En fait, Le Grand Couteau est une tragédie comme le prouvent les nombreuses références faites à Shakespeare ou encore le destin final de Charlie. Aldrich veut nous faire comprendre que l’industrie hollywoodienne est synonyme de mort.










La Nouvelle Vague a toujours été très littéraire. Ainsi, beaucoup de réalisateurs de ce mouvement font souvent référence à Balzac qu’ils adaptent même parfois. Leur point commun est d’ailleurs d’avoir été des critiques. Eric Rohmer, qui fait partie de ceux-là, est un ancien professeur de philosophie et de lettres. Il avait déjà adapté Kleist avec La Marquise d’O (1976), Chrétien de Troyes avec Perceval Le Gallois (1978). Dans L’Anglaise et le Duc (2001), il s’inspirait du journal de Grace Elliot, une britannique qui résida en France lors de la Révolution. De même, Le Genou de Claire (1970) s’apparentait à une réécriture déguisée de Marivaux, transposée à l’époque contemporaine. Il vient maintenant de s’attaquer à L’Astrée d’Honoré d’Urfé, écrit entre 1607 et 1624. L’œuvre d’Urfé est emblématique de la pastorale, genre précieux du XVIIème siècle qui mettait en scène les intrigues amoureuses de bergers raffinés au langage très soutenu dans un cadre champêtre idyllique. Si l’œuvre d’Urfé, découpée en quatre grandes parties, faisait plus de 5000 pages et était réputée pour sa longueur et ses lenteurs, le film de Rohmer, Les Amours d'Astrée et de Céladon, lui, frappe par sa simplicité et son épure.
Ce contraste a pour but de montrer la rédemption de Jim, le personnage principal de notre histoire. « Jim Wilson, nom très commun, n’est-ce pas ? » dit-il d’ailleurs lorsqu’on lui demande de répéter son nom. S’apparentant à un antihéros, Jim est un homme seul, dont le métier de policier résume la vie. En effet, son seul ami semble être l’enfant qui habite dans son voisinage et qui joue de temps en temps avec lui car son unique mérite est celui d’avoir été champion de football américain dans sa jeunesse. Mais Jim est un être pitoyable et pathétique : c’est un flic dangereux et violent qui accumule les bavures.



