Directeur artistique sur la
plupart des adaptations d'Edgar Poe par Roger Corman, Daniel Haller passe à la
mise en scène en 1965 avec Die Monster
Die !, d'après une nouvelle de H.P. Lovecraft, romancier héritier de
l'œuvre de Poe. Pour l'AIP (American International Picture), la société de
Roger Corman, il s'agit, en passant de Poe à Lovecraft[1],
d'amorcer une sensible modernisation de la production des films d'horreur en
soulignant une transition du film gothique vers le film de Science-fiction.
Du film gothique... Alors
que l'action de la nouvelle de Lovecraft (La
couleur tombée du ciel datant de 1927) se situait dans une ferme rurale,
celle du film se situe dans un manoir[2]:
la demeure, aristocratique et recluse, crainte par les villageois, apparaît
comme le cadre classique de l'univers gothique. Le décor du château[3],
entre des intérieurs surchargés (on se croirait au musée de Cluny !) et des
sous-sols poussiéreux, s'inscrit dans la lignée de l'esthétique du cycle des
adaptation de Poe.
Les personnages sont tout
autant archétypaux: le maître de maison, incarné par la (vieille) star du film
d'horreur Boris Karloff, se déplace en fauteuil roulant, accompagné d'un serviteur
inquiétant; il se méfie de son jeune gendre lequel, par amour pour sa fille,
entend sauver la famille de l'emprise d'un père dominateur. Les schémas
narratifs du gothique se répètent: déambulation du héros (réveillé par des cris
dans la nuit) à la lueur d'une chandelle dans les couloirs du château,
tentative de résolution du mystère de la malédiction familiale, destruction par
le feu de la maison hantée.
au film de Science-fiction. Bien que l'action se situe à l'époque
contemporaine, tous les éléments susmentionnés laissent penser que Die Monster Die constitue un énième film
gothique héritier de la littérature du XIXème siècle. Le dernier quart d'heure
du film engendre néanmoins une transformation vers la SF. Le personnage de
Boris Karloff est celui du scientifique fou dont le péché d'hubris lui sera
fatal: il souhaite créer un monde meilleur à partir de la substance d'une
étrange météorite dont les effets sont radioactifs.
Le décor du cratère où est
atterrie la météorite évoque des films comme The Monolith Monsters / La Cité pétrifiée (1957) de John Sherwood
alors que les expérimentations réalisées dans la serre (constitution de fruits
et de plantes de taille disproportionnée) et la transformation finale de Boris
Karloff en une sorte de zombie phosphorassent évoquent ainsi L'invasion des profanateurs de sépulture
(1958) de Don Siegel, autre film marqué par la peur du nucléaire.
Die Monster Die constitue ainsi une subtile variante du film
d'horreur gothique comme AIP en produisait à la chaine dans les années 60. Il
ne s'agit pas pour autant d'un film original mais le film peut séduire les
aficionados des productions de Corman, amoureux d'un cinéma naïf et coloré.
08.07.14.
[1]
La Malédiction d'Arkham (1963), qui
s'inscrit dans le cycle Poe, était déjà une adaptation de Lovecraft. En 1970,
Daniel Haller allait signer The Dunwich
Horror, une autre adaptation de Lovecraft
pour AIP.
[2]
Le scénariste de Die Monster Die,
Jerry Sohl, a participé à l'écriture d'épisodes de la Twilight Zone: les épisodes de lu cycle Poe étaient signés par
Richard Matheson et Charles Beaumont, les scénaristes attitrés de la série
TV de Rod Serling.
[3]
Comme auparavant Le masque de la Mort
rouge et Le Tombeau de Ligeia, Die Monster Die a été tourné en Angleterre au studios
Shepperton. Le film comporte également des comédiens anglais qui étaient
apparus dans des films de la Hammer: Suzanne Farmer, la fille du châtelain
(Boris Karloff), a joué dans The
Devil-Ship Pirates (1963) et Raspoutine,
le moine fou (1966) de Don Sharp, ainsi que dans Dracula, Prince des Ténèbres (1966) de Terence Fisher alors que
Freda Jackson, l'épouse de châtelain, tenait un rôle dans The Brides of
Dracula (1961) de Terence Fisher
et The Shadow of the Cat (1961) de John Gilling. La vedette
masculine, Nick Adams, est un acteur venu de la TV qui s'est illustré dans la
série western The Rebel.