Auteur de Rain Man, oscar du meilleur film de l'année 1989, Barry Levinson
enchaîne les succès populaires dans les années 80-90. Bénéficiant d'une belle
distribution, Sleepers dénonce les
violences sexuelles dans le système carcéral.
Une modernisation des films des Dead End Kids. La première partie
de Sleepers, chronique des années de
jeunesse d'adolescents délinquants dans le Hell's Kitchen des années 60,
apparaît comme une modernisation des Anges
aux Figures Sales ou d'autres films avec les Dead End Kids, populaires dans
les années 30. Les protagonistes, quatre jeunes copains, font les quatre cent
coups: ils s'éclaboussent avec les bouches incendies dans la rue, zieutent en
cachette les filles se déshabiller et bronzent au soleil sur le toit des
immeubles. Mais la bande va plus loin, aide les gangsters locaux et vole des
hot dog au marchand ambulant. Robert De Niro, dans le rôle du père Bobby, remplace
Pat O'Brien dans la figure du prêtre bienveillant qui échoue à remettre dans le
droit chemin des gosses perdus, en proie à la criminalité. Vittorio Gassman
joue lui un vieux mafieux à la retraite qui fascine les gamins et qui écoute du
Dean Martin dans son restaurant.
L'action de cette première
partie est située dans les années 60, évoquées principalement grâce à la
bande-son (les Four Seasons, les Beach Boys, Donovan...). Barry Levinson, qui
adapte le récit autobiographique de Lorenzo Carcaterra, se sent à l'aise dans
cette période, ayant lui même également signé une série de films à caractère
autobiographique sur sa jeunesse dans les années 50 à Baltimore (Diner, 1982; Tin Men, 1984; Avalon,
1990 et Liberty Heights, 1999).[1]
Un film engagé contre les dérives du système carcéral doublé d'un film
de procès. La seconde partie de Sleepers
est consacrée à la dure incarcération des délinquants juvéniles dans une maison
de redressement. Les enfants connaissent un châtiment bien plus cruel que celui
qu'ils méritaient et font l'objet de tortures et de viols par les gardiens.
Cette partie, particulièrement sombre et violente, est le cœur du film qui
entend dénoncer ces pratiques qui auraient existé mais que renie catégoriquement
l'administration pénitentiaire. En ce sens, Sleepers
est un film à thèse, un film engagé: la violence qu'a subi les garçons conduira
la moitié d'entre eux à la récidive alors que tous resteront à jamais détruits
et traumatisés par cette expérience horrible.
La troisième et dernière
partie de Sleepers s'apparente au film
de procès: les gamins ont grandi et deux d'eux d'entre se vengent en tuant un
ancien geôlier. Les deux derniers (dont un est devenu procureur) orchestrent leur
revanche et retournent la situation en dirigeant le procès à l'encontre des
gardiens. Le père Bobby viendra témoigner en leur faveur et sacrifier un temps
sa foi par un parjure au profit de la rédemption des anges déchus.
Le récit, coupé en trois
temps, repart donc à plusieurs reprises dans des directions différentes et on a
parfois l'impression que le film manque d'unité dramatique. Par plusieurs
aspects (modernisation d'une forme du cinéma des années 30, mise en scène
classique, reconstitution soignée) Sleepers
est un film conventionnel mais on retient néanmoins sa noirceur, sa violence
ainsi que son propos engagé.
28.04.13
[1]
Levinson privilégie en effet les films faisant l'objet de reconstitution: Le Secret de la Pyramide (1986) se
déroule dans le Londres des années 1880,
Le Meilleur (1982) dans les années 20, Bugsy
(1991) dans les années 30, Good
Morning Vietnam dans les années 60.