Centré sur la rencontre entre
deux authentiques musiciens de l'époque de Louis XIV (Marin Marais et Monsieur
de Sainte-Colombe), Tous les Matins du
Monde a contribué, lors de sa sortie, à un regain d'intérêt certain pour la
musique baroque.
On pourrait penser que le film
de Corneau s'inscrit dans un genre conventionnel, le films en costume, genre
dans lequel excelle le cinéma français de l'époque qui se plait à reconstituer
le Grand Siècle[1].
Néanmoins, l'action du film, bien que située au XVIIème siècle, n'insiste pas
sur le faste de la Cour du Roi Soleil.
En effet, le film de Corneau
montre la fascination de Marin Marais, prestigieux musicien de la Cour, pour
son maitre de viole Monsieur de Sainte-Colombe, un vieil homme, veuf et
misanthrope, qui s'est retiré de la vie publique et joue dans le noir d'une
cabane installée dans le jardin de sa demeure. Les sympathies du réalisateur vont
envers la vie austère mais sincère du janséniste Sainte-Colombe. Dès lors,
Versailles ne nous est que très peu montré, le film insistant sur la vie rurale
et champêtre de Sainte-Colombe.
Visuellement, le film
recherche également l'ascèse et s'inspire des natures mortes du peintre Lubin
Baugin (présenté dans le film comme un ami de Sainte Colombe) ainsi que des
toiles en clair-obscur de Rembrandt ou De La Tour où des pièces ne sont
éclairées que par la lumière d'une faible bougie. Ce traitement visuel rejoint
la conception musicale de Monsieur de Sainte-Colombe qui recherche l'absolu et
le recueillement dans son art. L'idée est simple: la musique n'est pas à la
Cour du Roi, la musique se trouve dans les profondeurs du cœur du musicien qui,
par son instrument, parvient à communiquer sa douleur.
Stylistiquement épuré, centré
sur un nombre restreint de personnages et délaissant les enjeux politiques de
l'époque, Tous les Matins du Monde se
consacre entièrement à son sujet principal qui est la musique. La viole de
gambe, instrument archaïque (ancêtre du violoncelle), peut parfois paraître
ennuyeux mais force est de reconnaître que la beauté de ses sonorités reste
intacte. Elle est la manifestation de l'idée majeure du film qui consiste à
allier la beauté avec la sobriété.
25.04.13.
[1]
Le césar du meilleur film de l'année 1991 revient à Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau; le césar de l'année 1992
à Tous les Matins du Monde de
Corneau, également avec Gérard Depardieu; le césar de l'année 1997 à Ridicule de Patrice Leconte. Dans
la même veine, on recensera L'allée du
Roi (1995) de Nina Companéez, Saint-Cyr
(2000) de Patricia Mazuy, Vatel
(2000) de Roland Joffé, Le Roi danse
(2000) de Gérard Corbiau.