Inédit en salles en France
mais succès critique aux Etats-Unis, The
Messenger peut être vu comme une extension d'une des scènes inaugurales d'Il Faut sauver le soldat Ryan (1998) de
Steven Spielberg, lorsque la famille du soldat apprend la mort de trois de
leurs fils.[1] Dans le
film de Moverman, Will, sergent fraichement revenu de la guerre en Irak, et
Tony, vieux capitaine bourru, sont les "messengers" , chargés
d'annoncer aux familles le décès des victimes tombées au combat.
Le sujet, singulier et jamais
traité au cinéma, s'avère particulièrement fort et éprouvant. Chaque famille
réagit de façon différente: certains frappent les soldats, d'autres
s'effondrent, d'autres encore, silencieux et calmes, paraissent désœuvrés. Mais
quelque soit le comportement adopté, la douleur, elle, est toujours présente.
Les soldats souffrent de leur impuissance et de leur immixtion terrible dans la
vie d'autrui. Moverman, le réalisateur, privilégie les plans séquences et la
caméra à l'épaule, proche des protagonistes, pour retransmettre le sentiment de
réalité et la gravité des situations.
Parallèlement à la description
de ce corps d'armée singulier, The
Messenger, sans rentrer dans un débat sur l'opportunité de la guerre en Irak,
dénonce les conséquences destructrices de la guerre sur les combattants. Will,
le vétéran, vit seul et se réfugie chez lui pour écouter du hard-rock. Son mal
être est manifeste. La douleur et les pleurs rentrés du personnage trouvent une
métaphore dans son besoin médical de mettre une lotion sur ses yeux. Ses pairs
vivent un retour similaire, caractérisé par un sentiment d'extranéité à leur
environnement d'antan. Les soldat sont obnubilés par l'idée que leurs épouses
soient parties avec un autre et le calme quotidien qu'ils trouvent n'a aucun
rapport avec l'horreur qu'ils ont vécue au front. La description de la difficile
réadaptation des soldats à la vie civile fait penser à certains films sur
l'après Vietnam tel que Rolling Thunder
(1977) de John Flynn, Voyage au Bout de
l'Enfer (1978) de Michael Cimino ou encore Le Retour (1978) d'Hal Ashby.
Il en résulte donc un film
pacifiste à défaut d'être antimilitariste. On voit tout de même à un moment les
familles des victimes s'opposer à l'embrigadement des jeunes américains dans
les supermarchés. Will est un être détruit alors que Tony, le capitaine bourru,
n'est qu'un militaire de parade qui n'a jamais vraiment combattu. Le duo, au
début incompatible (la sensibilité du sergent s'oppose à la rigueur du
capitaine), se rapproche finalement au fil des missions et des bières. C'est sur
une note ouverte mais positive (le sergent aide une veuve et son jeune enfant à
déménager) que se clôt ce film particulièrement émouvant.
01.01.13.
[1]
Mark Gordon, l'un des producteurs de The
Messenger, avait par ailleurs participé à la production du film de
Spielberg.