Avec Hokuriku Proxy War (1977), Yakuza Graveyard est l'un des
derniers jitsuroku (film de yakuza moderne) réalisés par Kinji Fukasaku
pour la Toei. Moins désespéré que Le
Cimetière la Morale, Yakuza Graveyard s'inscrit davantage come une variante de Police contre Syndicat du
Crime.
Interprété par Tetsuya Watari, le personnage principal de Yakuza
Graveyard, un flic ripoux qui finit par se ranger du côté des yakuza,
évoque en effet celui de Police contre Syndicat du Crime, film qui
développait déjà la thématique des frontières poreuses entre le
comportement des policiers et celui des gangsters. Ici, la violence du
détective Kuroiwa, interprété par Testuya Watari, est matérialisée par le geste
nerveux du personnage qui frappe régulièrement son poing dans sa main. Comme
dans Police contre Syndicat du Crime, le personnage est devenu flic pour survivre dans le Japon de
l'après-guerre et, face à une police corrompue, il va préférer se lier
"par le sang" à un frère du milieu: cette déviance le mènera
naturellement à sa perte.
Si Yakuza Graveyard peut apparaître comme une redite pour celui
aurait vu Police contre Syndicat du Crime, le film se distingue néanmoins
par quelques éléments. Du point de vue dramatique, le film engage une critique
sociale et met en scène des personnages victimes de discriminations: Kuroiwa,
qui vient de Mandchourie, trouve du réconfort chez une métis d'origine coréenne
(cette romance, plutôt rare chez Fukasaku, fait penser à Okita le
Pourfendeur). Du point de vue de la distribution, on notera la présence de
Meiko Kaji, actrice qui s'est illustrée dans la série des Elle s'appelle
Scorpion et Lady Snowblood. Dans un furtif seconde rôle de chef de
la police, le réalisateur Nagisa Oshima trouve lui parfaitement sa place dans
le cinéma nihiliste et violent de Fukasaku.
Thématiquement, le cinéma de Fukasaku
semble s'essouffler avec Yakuza Graveyard. Le film n'en demeure
pas moins impressionnant, le cinéaste excellant, comme à sa habitude, dans une
mise en scène tonitruante: caméra à l'épaule virevoltante, crudité de la
violence, musique endiablée de Toshiaki Tsushima, sanglant massacre final...
Fukasaku se livre même à une scène lyrique et romantique sur la plage. Ne
boudons pas notre plaisir, Yakuza Graveyard est tout de même un jitsuroku
eiga très convaincant.
04.06.13.