L'influence qu'exercent les films de
Jean-Pierre Melville est considérable sur le cinéma français mais aussi sur le
cinéma étranger. Elle s'étend même au cinéma asiatique comme le prouvent
certaines œuvres de Kinji Fukasaku ou de John Woo. Pour son polar Vengeance, Johnnie To avait ainsi proposé
le rôle principal à Alain Delon. Mais suite au refus de ce dernier, le
réalisateur hongkongais a fait appel à une autre icône française, Johnny
Hallyday[1].
Notre Johnny national incarne ainsi un
français qui débarque à Macao pour venger sa fille (Sylvie Testud), victime
d'une triade mafieuse. Il s'appelle Costello, comme Delon dans Le Samouraï (1967), et engage un trio
d'assassins locaux pour liquider les coupables. Froid et silencieux, le
solitaire Costello est un ancien tueur à gages, affublé d'un feutre et d'un vieil
imper, un personnage dans la droite ligne de ceux que propose le cinéma de Melville.
Avec son histoire banale, Vengeance s'apparente à une série B qui
flirte parfois avec le nanar. Le film s'ouvre directement sur l'agression de la
famille de Costello pour laquelle le spectateur n'a pas eu le temps de
développer une véritable affection. Mutique, Johnny Hallyday convainc parfois
en vieux lion vengeur mais sombre dans le ridicule lorsqu'il s'agit pour lui
d'exprimer la moindre émotion. Vengeance
s'enfonce même gravement dans le grotesque lorsque Johnny-Costello prie sur une
plage et voit apparaitre les fantômes de sa famille décimée. Johnny a une tête
de crétin fini et cela ne s'arrange pas par la suite, surtout lorsque son
personnage perd la mémoire, devenant robotique, l'ombre de lui-même. Pourquoi
se venger lorsqu'on n'a plus de mémoire ? La question n'était pourtant pas
idiote.
Comme The Killer (1989) de John Woo, autre film hongkongais inspiré par l'œuvre
de Melville, Vengeance est
esthétiquement plus proche du cinéma de Douglas Sirk que de celui du
réalisateur du Cercle rouge. Johnnie
To accumule les scènes hyper-stylisées, alternant des scènes dominées par un
bleu glacial avec des séquences imprégnées d'un rouge chaud. Johnnie To se
livre à un véritable exercice de style et, comme souvent dans le cinéma
hongkongais, privilégie le lyrisme accentué par la musique et les ralentis.
Vengeance
regorge de bonnes idées scénaristiques et visuelles et certaines scènes sont
remarquables. On se souvient plus particulièrement d'une scène de règlements de
comptes de nuit dans une forêt irréaliste de studio mais aussi d'un
affrontement aux allures "médiévales" dans une décharge où les
gunfighters se réfugient derrières des meules de détritus alors que le vent
fait virevolter les déchets. Dans une autre séquence, Costello, perdu dans une
foule et sous la pluie, tente de retrouver ses alliés en faisant coïncider
leurs portraits photos avec le visage des passants. Plus tard, pour aider
Johnny l'amnésique, on a soigneusement mis des stickers sur la veste du méchant
et inscrit son nom sur son flingue.
Malgré ses qualités esthétiques et
scénaristiques, le Vengeance de
Johnnie To frise souvent le nanar en raison du jeu pathétique de Johnny
Hallyday et du premier degré constant du film. Dommage car il y avait vraiment
de bonnes idées.
30.08.2012.
[1]
En 2008, Johnnie To a également émis le souhait de réaliser un remake du Cercle rouge (1970). Le projet semble
être depuis tombé à l'eau.