Comme
plusieurs de ses contemporains (Sidney Lumet, Daniel Mann, Martin Ritt, Sidney
Pollack, John Frankenheimer, Arthur Penn, Robert Mulligan ou encore Fielder
Cook), Michael Ritchie est issu d'une
génération de réalisateurs qui ont fait leurs preuves à la télévision. Ritchie
a ainsi tourné des épisodes de séries telles que La Grande Vallée ou The Man
from UNCLE.
La Descente infernale, son premier film de cinéma, frappe par l'originalité
de son sujet (le monde des skieurs de compétition) mais aussi de sa forme.
Rejetant les conventions du film de sport et tentant de surpasser les
possibilités du filmage télévisuel, La
Descente infernale crée un style qui, à la sortie du film, devait paraitre
profondément nouveau.
Dans La Descente infernale, Robert Redford interprète David Chappelet,
un skieur ambitieux de l'équipe américaine qui compte tenter sa chance lors des
jeux olympiques. Le film de Ritchie suit le quotidien du sportif: son
entrainement, sa rivalité avec les autres membres de l'équipe américaine, sa
volonté d'être bien placé, ses disputes avec l'entraineur. Le film pourrait
obéir aux canons du film de sport, véritable genre du cinéma hollywoodien, mais
il n’y souscrit pas, à l’exception du personnage extrêmement stéréotypé du
« coach » exigeant, dur, interprété par Gene Hackman.
Comme dans plusieurs films de sport
de l'époque[1], La Descente infernale se définit
également par son rapport avec les images proposées par la télévision.En mêlant
ses personnages à des évènements ayant réellement lieu (ici les JO de 1968 à
Grenoble), le film de Ritchie insuffle un sentiment de réalité, de vérité que
l'on retrouvera dans Votez McKay
(1972) sur des élections sénatoriales. [2]
Mais rejetant les codes de la retransmission filmée et
du film de sport, La Descente infernale propose
une nouvelle voie. D’un point de vue visuel, Michael Ritchie a recours à des
procédés techniques à la limite de l'expérimental, à la façon de John
Frankenheimer dans Grand Prix (1966):
les effets de mise en scène (dont des ralentis et des caméras subjectives)
viennent ainsi souligner la grandeur, magnifier du geste sportif.
Du point de vue de la narration, le film aborde son
personnage de l’extérieur, comme une personne véritable et non comme un
archétype de l’athlète ambitieux, et évite tout au long du film les dialogues
explicatifs. David Chappelet gagne ainsi paradoxalement en densité: on n’accède
pas à sa pensée, on se contente de regarder leurs actions. Les motivations du
personnage ne sont qu'évoquées que dans une scène où Chappelet retourne dans
son Colorado natal aux côtés d'un père solitaire et maussade: les deux hommes
peinent à se parler et il ressort de leur discussion que l'homme cherche avant
tout à être connu.
La
Descente infernale va plus loin encore et témoigne d’une évidente absence
d'intrigue. Le scénario de James Salter[3]
comprend ainsi une romance sans intérêt du skieur avec une jeune femme (Camilla
Sparv[4])
et l’enjeu du film se réduit donc à cette question: Chappelet va-t-il ou non
gagner ? Mais, comme le film se situe antipodes de la narration hollywoodienne
classique et se rapproche donc des œuvres du Nouvel Hollywood, l’issue du film
n’apparait pas nécessairement, aux yeux du spectateur, comme la victoire. Le
résultat de cette nouvelle dramaturgie créée par James Salter et Michael
Ritchie, c’est que l’échec semble bel et bien jusqu’au dernier moment une
possibilité. Ainsi, bien que David Chappelet accomplisse le meilleur temps de
la course, un rival manque de le battre alors que notre héros fête déjà sa
victoire. Chappelet a remporté la course mais l la gloire, ne tenant qu'au
hasard, est éphémère. Avec ce final entre deux, le film s’avère donc un
film-charnière entre l’ancien Hollywood et le nouvel Hollywood.
18.08.2012.
[1]
D'autres "films de ski" suivront La
Descente infernale: citons parmi eux The
Snow Job (1972) de George Englund avec Jean-Claude Killy ou encore The Ultimate Thrill (1974) de Robert
Butler.
Beaucoup de films de
Michael Ritchie tournent autour du sport: The
Bad News Bears (1976) et The Scout
(1994), le baseball; Semi Tough (1977)
et Wild Cats (1986) et The Positively True Adventures of the Alleged
Texas Cheerleader-Murdering Mom (1993), le football américain
(1977); Diggstown (1992), la boxe. Par
ailleurs, le personnage du politique joué par Robert Redford dans The Candidate (1972) se retrouve
également dans un climat de compétition.
[2]
La photographie est signée par le britannique Brian Probyn, le directeur de la
photo de The War Game (1965) de Peter
Watkins.
[3]
James Salter est un ancien militaire reconverti dans l'écriture. Son roman The Hunters (1956) sur l'aviation
américaine pendant la guerre de Corée a donné lieu au film Flammes sur l'Asie (1958) de Dick Powell avec Robert Mitchum et
Robert Wagner. En plus du scénario de La
Descente infernale, il a écrit celui de The
Appointment (1969) de Sidney Lumet. En 1969, il a également réalisé un long
métrage intitulé Three, un film avec
Charlotte Rampling sur un ménage à trois.
[4]
Camilla Sparv, actrice d'origine suédoise, fut mariée un court temps au
producteur Robert Evans. Elle joue dans le Matt Helm The Murder's row (1966) d'Henry Levin, The Troubles with Angels (1966) d'Ida Lupino, Un Truand (1966) de Bernard Girard ou encore L'Or de Mackenna (1969) de Jack Lee Thompson.