Cette année, le prolifique Steven
Soderbergh a sorti deux films et révélé deux comédiens. Le premier, Piégée, propose une énergique version
féminine de Jason Bourne avec Gina
Carano, une athlète d'arts martiaux. Le second, Magic Mike, s'inspire du passé de l'acteur Channing Tatum, qui
était strip-teaseur dans sa jeunesse.
Eclectique, Soderbergh avait déjà
abordé des "sujets de société" aussi variés que la drogue (Traffic, 2000), le scandale des eaux
empoisonnées et cancérigènes (Erin
Brokovich, 1999) ou encore la prostitution de luxe (The Girlfriend Experience, 2009). Ici, le strip-tease n'est pas un
sujet de comédie comme dans The Full
Monty (1997, Peter Cattaneo) mais s'apparente davantage à un drame social:
en suivant l'initiation d'un jeune homme au strip-tease, le spectateur découvre
un monde qui lui est plutôt étranger et se forge peu à peu une opinion.
Au premier abord, le strip-tease est
tout simplement un spectacle qui excite les femmes bien qu'il puisse mettre mal
à l'aise les hommes. En effet, les shows paraissent souvent de mauvais goût: la
mise en scène, la sur-sexualisation, les costumes grotesques (pompiers,
soldats...). Mais l'univers du strip-tease semble libre: le sexe y est
normalisé, omniprésent certes, mais sans complexe.
L'envers du décors, c'est que le
strip-tease est le fruit d'un travail. En effet, il s'agit d'un business
sérieux et rentable, organisé par des professionnels qui savent comment danser pour
plaire aux femmes, entretenir leur désir sans pour autant leur succomber. L'une
des règles déontologiques est d'ailleurs la suivante: ne jamais embrasser de
cliente.
Le strip-tease est donc un un monde
en soi avec des règles et des professionnels mais s'agit-t-il pour autant d'un
secteur d’activité comme les autres ? Le revers de la médaille a de quoi dégouter. Au monde diurne aux teintes
sépia (le jaune est la couleur de l'indécision, d'un monde plus complexe) Soderbergh
oppose le monde factice de la nuit, filmé avec des couleurs bleues et
artificielles. Les motivations d'Adam, le jeune homme qu'initie Mike, sont ainsi
superficielles: l'enrichissement, la célébrité, la vie facile. L'univers de la
nuit, c'est aussi un monde interlope, de drogue et de vie dissolue.
Magic
Mike s'avère donc un film très moralisateur. Comme la boxe, le métier de
strip-teaseur est une activité du prolétaire qui donne son corps parce que
c’est pour lui le seul moyen de gagner de l’argent. Le danger est alors celui
de l'aliénation. C'est ce que comprend
Mike qui finit par renoncer à sa vie nocturne: à la horde de femmes déchainées,
il préfère la vertueuse sœur d'Adam, pale et fragile. En déclarant que ce qu'il
fait ne conditionne pas ce qu'il est, Mike décrédibilise son travail.
Vendre son corps est une chose, être
quelqu'un en est une autre. Le soir, Mike fait rêver les femmes mais ne
parvient pas à développer une relation sérieuse avec une fille et ne sait même
plus quelles études elle fait. C'est pourquoi Mike, déjà trentenaire, envisage autre
chose: il rêve d'être un entrepreneur, de monter une boite de vente de meubles.
Il est temps pour Mike de se reconvertir, de construire du vrai à défaut de
faire rêver à partir du faux.
22.08.2012.