samedi 8 septembre 2012

Expendables II: Unité spéciale (2012) de Simon West


            Stallone, un has been ? Après Copland (1997) de James Mangold, Sylvester Stallone enchaine les échecs commerciaux avec des films comme Driven (2001) de Renny Harlin ou Get Carter (2001) de Stephen Kay. La cinquantaine passée, l'ancienne star des années 80 sort de sa traversée du désert en réalisant en 2006 un nouvel opus de Rocky baptisé Rocky Balboa. Stallone, acteur-réalisateur-scénariste, enchaîne avec un nouveau Rambo (2008) puis connait un autre succès avec Expendables (2010).  
Ce film ressuscite les recettes du cinéma d’action des années 80, proposant séquences de baston sur séquences de baston et mettant en scène une ribambelle de vedettes has-been du genre. Cette surenchère dans la castagne et le choix d’un « all-star-cast » traduit la volonté de doper le cinéma d’action traditionnel. Et elle s’accompagne d’une nostalgie et d’une ironie pour cette forme qui parait aujourd’hui bel et bien dépassée. La suite, dirigée non plus par Stallone en personne mais par Simon West, le réalisateur du Mechanic (2011), avec Jason Statham, ressert le même cocktail que le premier opus.

            Les héros sont de retour. Dans le premier Expendables, Stallone dirigeait une bande de mercenaires parmi lesquels  on trouvait déjà des vétérans du film d'action comme Eric Roberts, Dolph Lundgren, Jet Li, Mickey Rourke, Gary Daniels, mais aussi des nouveaux visages comme Randy Couture, Jason Statham, Terry Crews, ou Steve Austin, qui pouvaient faire figure d’héritiers de la génération de Stallone et de ses amis. Bruce Willis et Arnold Schwarzenegger, qui se cantonnaient à une brève apparition dans le premier volet, trouvent des rôles plus conséquents dans le second. Le casting de la suite est quelque peu modifié: le départ de quelques acteurs (Eric Roberts, Steve Austin et Mickey Rourke) est compensé par l'arrivée de deux légendes du cinéma d’action, Chuck Norris et de Jean-Claude Van Damme.
            Comme dans le premier Expendables, Stallone propose un film viril: les héros sont réunis par une fraternité indéfectible, un amour des flingues et des motos, et un relent de misogynie. L’ensemble des mercenaires ne doivent pas dépasser le QI d’un lycéen, ils échangent de leurs voix épaisses des vannes stupides et ils affichent des biscotos de bodybuilders confirmés. Bref, les « expendables » sont des hommes, des vrais, des durs, des tatoués, sans qu’il puisse y avoir de doute à ce sujet.          

De l’action à foison. Les personnages n’existent que dans l’action. Rarement film aura présenté autant d’explosions, de destructions. Les combats d’Expendables témoignent de changements notables depuis les années 80. Tout d’abord, elles fonctionnent sur une logique héritée du jeu vidéo, où la vitesse et le mouvement sont essentiels et où, comme dans un « niveau » de jeu de shoot, les protagonistes zigouillent des adversaires pour progresser vers un lieu ou un « boss » final. Les personnages s’exfiltrent ainsi sur une tyrolienne au début du film et dézinguent à tout va des ennemis tout en étant suspendus à un fil. Plus tard, ils saccagent un aéroport pour enfin accéder au face-à-face avec le chef des méchants.
Ensuite, les effets spéciaux permettent de condenser, à moindre frais, des dizaines de séquences ultra-spectaculaires dans un seul film. Les techniques « à l’ancienne » subsistent tout de même, comme le rappelle la mort d’un cascadeur durant le tournage. Dans ces films barbares emmenés par une BO dopée par un rock volontiers « oldies », le sang coule à flot, les têtes giclent, et les méchants sont abattus par centaines à l’arme lourde. Mais le spectacle est d'une violence tellement outrancière et grotesque qu'un sentiment d'irréalisme s'empare du public. Les Expendables ne sont pas bien sérieux: il s'agit plus d'une BD à feuilleter pour s’amuser que d’un film captivant, dont on suivrait en haletant chacun des développements. 

            La tentation du sérieux. Mais n’est ce vraiment qu’un divertissement gratuit ? Dans le deuxième volet de la série, les mercenaires de Stallone doivent récupérer le plan de mines de plutonium en Albanie, tombé entre les mains d'un méchant français, opportunément nommé Vilain (!), interprété par notre JCVD national. Vilain exploite la population locale et force même femmes et enfants à participer à l'extraction. L’équilibre du monde est mis en danger par ces substances atomiques et la bande de Stallone va remettre bon ordre dans tout cela, libérant de l’esclavage les peuplades opprimées de l'Europe de l’Est, manifestement imaginées par les cinéastes comme appartenant au tiers-monde.
            Derrière le déluge de balles et la succession d’explosions, le film, comme jadis l’expédition afghane de Rambo III, présente les Américains comme les « good guys » éternels, sauveteurs de la veuve et de l’orphelin dans un monde obéissant à une géopolitique aussi dépassée et périmée que le genre cinématographie que ressuscite le film. Le film trahit un penchant pour le registre pathétique qui traverse la filmographie de Stallone. Celui-ci n’a jamais eu peur de se prendre au sérieux. A la mort de sa jeune recrue, un vétéran de guerre d’Irak, Stallone élucubre ainsi sur le sens de la Vie: pourquoi les gens biens meurent-ils ? Pourquoi les méchants survivent-ils ?           

Un adieu humoristique. Mais le lyrisme affligeant du discours laisse bientôt la place à l’autoparodie joyeuse. Stallone explique ainsi ses intentions pour venger cette perte :  :"le plan est le suivant: traquer Vilain, le trouver, le tuer". En fait, là où Expendables II convainc vraiment, c'est lorsque l'humour est volontaire. Expendables II cultive le second degré: on se moque de Dolph Lundgren en lui demandant s'il sait lire ; Chuck Norris apparait, comme dans La Fureur du Dragon, au son du Bon, La Brute et le Truand et énonce quelques « facts » ; Schwarzenegger et  Willis s’échangent des répliques et Stallone déclare, en clin d'œil à Indiana Jones, que sa place à lui et ses copains, c'est dans un musée (du film d'action).  
Ce film bête et méchant remet une dernière fois en scène des héros qui ont conscience de leur âge (Stallone a 66 ans) et des attentes du public (un film de bastos, rien de plus). Une des ultimes séquences voit Stallone saluer de la main la caméra qui s’éloigne. Bye bye, les héros que nous aimions. Expendables 2 a des airs de dernière séance.

 

27.08.2012.