Stallone,
un has been ? Après Copland
(1997) de James Mangold, Sylvester Stallone enchaine les échecs commerciaux
avec des films comme Driven (2001) de
Renny Harlin ou Get Carter (2001) de
Stephen Kay. La cinquantaine passée, l'ancienne star des années 80 sort de sa
traversée du désert en réalisant en 2006 un nouvel opus de Rocky baptisé Rocky Balboa.
Stallone, acteur-réalisateur-scénariste, enchaîne avec un nouveau Rambo (2008) puis connait un autre
succès avec Expendables (2010).
Ce film ressuscite les recettes du cinéma d’action des
années 80, proposant séquences de baston sur séquences de baston et mettant en
scène une ribambelle de vedettes has-been du genre. Cette surenchère dans la
castagne et le choix d’un « all-star-cast » traduit la volonté de
doper le cinéma d’action traditionnel. Et elle s’accompagne d’une nostalgie et
d’une ironie pour cette forme qui parait aujourd’hui bel et bien dépassée. La
suite, dirigée non plus par Stallone en personne mais par Simon West, le
réalisateur du Mechanic (2011), avec
Jason Statham, ressert le même cocktail que le premier opus.
Les
héros sont de retour. Dans le premier Expendables,
Stallone dirigeait une bande de mercenaires parmi lesquels on trouvait déjà des vétérans du film d'action
comme Eric Roberts, Dolph Lundgren, Jet Li, Mickey Rourke, Gary Daniels, mais
aussi des nouveaux visages comme Randy Couture, Jason Statham, Terry Crews, ou
Steve Austin, qui pouvaient faire figure d’héritiers de la génération de
Stallone et de ses amis. Bruce Willis et Arnold Schwarzenegger, qui se
cantonnaient à une brève apparition dans le premier volet, trouvent des rôles
plus conséquents dans le second. Le casting de la suite est quelque peu modifié:
le départ de quelques acteurs (Eric Roberts, Steve Austin et Mickey Rourke) est
compensé par l'arrivée de deux légendes du cinéma d’action, Chuck Norris et de
Jean-Claude Van Damme.
Comme dans le premier Expendables, Stallone propose un film
viril: les héros sont réunis par une fraternité indéfectible, un amour des
flingues et des motos, et un relent de misogynie. L’ensemble des mercenaires ne
doivent pas dépasser le QI d’un lycéen, ils échangent de leurs voix épaisses
des vannes stupides et ils affichent des biscotos de bodybuilders confirmés. Bref,
les « expendables » sont des hommes, des vrais, des durs, des
tatoués, sans qu’il puisse y avoir de doute à ce sujet.
De l’action
à foison. Les personnages n’existent
que dans l’action. Rarement film aura présenté autant d’explosions, de
destructions. Les combats d’Expendables
témoignent de changements notables depuis les années 80. Tout d’abord, elles
fonctionnent sur une logique héritée du jeu vidéo, où la vitesse et le
mouvement sont essentiels et où, comme dans un « niveau » de jeu
de shoot, les protagonistes zigouillent des adversaires pour progresser vers un
lieu ou un « boss » final. Les personnages s’exfiltrent ainsi sur une
tyrolienne au début du film et dézinguent à tout va des ennemis tout en étant
suspendus à un fil. Plus tard, ils saccagent un aéroport pour enfin accéder au
face-à-face avec le chef des méchants.
Ensuite, les effets spéciaux permettent de condenser,
à moindre frais, des dizaines de séquences ultra-spectaculaires dans un seul film.
Les techniques « à l’ancienne » subsistent tout de même, comme le
rappelle la mort d’un cascadeur durant le tournage. Dans ces films barbares
emmenés par une BO dopée par un rock volontiers « oldies », le sang
coule à flot, les têtes giclent, et les méchants sont abattus par centaines à
l’arme lourde. Mais le spectacle est d'une violence tellement outrancière et
grotesque qu'un sentiment d'irréalisme s'empare du public. Les Expendables ne sont pas bien sérieux: il
s'agit plus d'une BD à feuilleter pour s’amuser que d’un film captivant, dont
on suivrait en haletant chacun des développements.
La
tentation du sérieux. Mais n’est ce vraiment qu’un divertissement
gratuit ? Dans le deuxième volet de la série, les mercenaires de Stallone
doivent récupérer le plan de mines de plutonium en Albanie, tombé entre les
mains d'un méchant français, opportunément nommé Vilain (!), interprété par
notre JCVD national. Vilain exploite la population locale et force même femmes
et enfants à participer à l'extraction. L’équilibre du monde est mis en danger
par ces substances atomiques et la bande de Stallone va remettre bon ordre dans
tout cela, libérant de l’esclavage les peuplades opprimées de l'Europe de l’Est,
manifestement imaginées par les cinéastes comme appartenant au tiers-monde.
Derrière le déluge de balles et la
succession d’explosions, le film, comme jadis l’expédition afghane de Rambo III, présente les Américains comme
les « good guys » éternels, sauveteurs de la veuve et de l’orphelin
dans un monde obéissant à une géopolitique aussi dépassée et périmée que le
genre cinématographie que ressuscite le film. Le film trahit un penchant pour
le registre pathétique qui traverse la filmographie de Stallone. Celui-ci n’a
jamais eu peur de se prendre au sérieux. A la mort de sa jeune recrue, un
vétéran de guerre d’Irak, Stallone élucubre ainsi sur le sens de la Vie:
pourquoi les gens biens meurent-ils ? Pourquoi les méchants survivent-ils ?
Un adieu
humoristique. Mais le lyrisme
affligeant du discours laisse bientôt la place à l’autoparodie joyeuse.
Stallone explique ainsi ses intentions pour venger cette perte : :"le
plan est le suivant: traquer Vilain, le trouver, le
tuer". En fait, là où Expendables
II convainc vraiment, c'est lorsque l'humour est volontaire. Expendables II cultive le second degré:
on se moque de Dolph Lundgren en lui demandant s'il sait lire ; Chuck
Norris apparait, comme dans La Fureur du
Dragon, au son du Bon, La Brute et le
Truand et énonce quelques « facts » ; Schwarzenegger et Willis s’échangent des répliques et Stallone
déclare, en clin d'œil à Indiana Jones,
que sa place à lui et ses copains, c'est dans un musée (du film d'action).
Ce film bête et méchant remet une dernière fois en
scène des héros qui ont conscience de leur âge (Stallone a 66 ans) et des
attentes du public (un film de bastos, rien de plus). Une des ultimes séquences
voit Stallone saluer de la main la caméra qui s’éloigne. Bye bye, les héros que
nous aimions. Expendables 2 a des
airs de dernière séance.
27.08.2012.