Comme d'autres réalisateurs polonais
(Roman Polanski, Andrzej Wajda ou Krzysztof Kieslowski), Andrzej Zulawski est
associé à la France. Après des études cinématographiques à Paris (IDHEC), Zulawski
retourne en Pologne et devient l'assistant de Wajda (sur Samson et sur Cendres).
Sa deuxième réalisation, Le Diable
(1972) est interdite par la censure polonaise en raison de la violence de
certaines scènes. De retour en France, il signe L'important c'est d'aimer, une histoire passionnelle portant un
regard sombre sur le métier de comédien.
Le début de L'important, c'est d'aimer frappe fort: Romy Schneider tient le
rôle de Nadine, une médiocre actrice de cinéma érotique, incapable de dire
"Je t'aime" à un partenaire couvert d'hémoglobine et ce, malgré les
invectives d'une réalisatrice dictatoriale. Un paparazzi parvient à
photographier la détresse de son visage rempli de larmes: à force de jouer des rôles,
Nadine n'est plus personne, ne sait plus où elle en est: elle est complètement
paumée. Et, quoi qu'elle en dise, Nadine, la cinquantaine passée, ne parvient
pas à nous convaincre qu'elle a encore trente ans.
Le monde des acteurs et du show
business que nous montre Zulawski est sordide. Nadine joue dans une adaptation avant-gardiste
de Richard III dirigée par un metteur
en scène capricieux, une caricature de "folle". Un autre membre de la
troupe, interprété par Klaus Kinski, inquiète par son physique dérageant, ses
convulsions systématiques et son comportement emporté. Sur scène, il est
grandiloquent mais, le soir, il se réveille la nuit hors du lit où il a couché
avec deux inconnues pour aller pleurer nu devant la fenêtre.
La mise en abyme du cinéma au début
du film ainsi que l’insistance sur la douleur, sur l’ angoisse de ceux qui
vivent de cet artfont penser au Mépris.
La musique du film de Zulawski est également signée par Georges Delerue et
ressemble beaucoup à celle du film de Godard. Le personnage de Jacques le
cinéphile, le mari de Nadine, semble lui aussi se rappeler du film de JLG: dans
une scène, il retrouve Nadine dans un café et lui demande si elle le méprise. L'important c'est d'aimer ressemble à un
Mépris inversé où ce serait l'homme
qui laisserait volontairement un autre rentrer dans son couple et le laisserait
le détruire.
La perdition et la fragilité de
Nadine vont nous être révélées à travers ses hésitations sentimentales. D'un
côté, elle est mariée à Jacques (Dutronc!), un être tendre dont elle sent
redevable car il l'aurait sorti d'une grave dépression. Néanmoins, Jacques a un
comportement fantasque et enfantin: il fuit les réalités de la vie à travers
une passion fanatique pour le cinéma. La vision amusée d'une cinéphilie
maladive est proche de celle avancée par Bertolucci dans Le Dernier Tango à Paris quand il peint le personnage du jeune
réalisateur. On sous-entend aussi dans plusieurs scènes que Jacques est
impuissant.
De l'autre côté, Nadine est attirée
par le photographe, le beau et grand Servais, interprété par le gigantesque
Fabio Testi. Nadine est intriguée par ce beau gosse qu'elle ne laisse pas
indifférent mais qui se refuse à lui. En effet, Servais hésite et ne sait
comment s'y prendre avec Nadine, actrice dépressive à qui il veut apporter plus
qu'un réconfort sexuel, plus qu'un instant de tendresse.
Centré sur ce trio, L'important c'est d'aimer développe une
narration elliptique, mystérieuse, et le spectateur peine parfois à comprendre
les relations complexes entre les personnages. Nadine, femme de toutes les
convoitises, paraît insaisissable car seul son malheur est perceptible.
Peut-être que L'important c'est d'aimer refuse
de rationaliser, d'expliquer le sentiment amoureux. Derrière le titre niais du
film, se cache une vérité plus dure: on a beau aimer une personne, la
comprendre en est une autre. Ainsi, les motifs du suicide de Jacques ne sont
pas clairement établis: est-ce qu'il se sacrifie ? Ou bien refuse-t-il le fait
que Nadine ne l'aime plus ? Ou bien simplement n'a-t-il plus confiance en elle
?
La complexité des relations
amoureuses est de surcroit renforcée par l’abondance des histoires annexes et
des personnages secondaires. Comme dans Le
Dernier Tango à Paris, le photographe rend visite à l'ancien mari de sa
femme car ce dernier semble l'un des seuls à pouvoir le comprendre. Militant de
gauche déçu, l'ancien amant est devenu alcoolique. La vie du photographe est par
ailleurs éclairée par ses rapports avec deux figures paternelles: son père
biologique, un cinquantenaire pathétique, vient constamment lui réclamer de
l'argent alors que sa mère vit avec un escroc cynique qui photographie en
secret des soirées bourgeoises décadentes. Endetté, Servais aura finalement affaire
aux sbires de son beau-père, véritable gangster.
L'important
c'est d'aimer intrigue. Si la mise en scène mobile de Zulawski et le jeu
subtil des acteurs convainquent, le spectateur peine à tout comprendre: le
récit se perd parfois dans des intrigues annexes et les relations entre les
personnages ainsi que les dialogues demeurent complexes.
20.08.2012.