Après le succès critique de La Sentinelle (1992) et de Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle)
(1996), tous deux présentés festival de Cannes en sélection officielle,
Arnaud Desplechin tourne Esther Kahn,
son premier film en langue anglaise avec des comédiens étrangers. Adapté d'une
nouvelle de 1905 écrite par Arthur Symons, auteur proche du mouvement
symboliste, Esther Kahn relate le
destin d’une jeune anglaise qui veut devenir comédienne à la fin du XIXème
siècle.
Comme plusieurs films de
Desplechin dont La Sentinelle, Esther Kahn est un film qui peut se lire
à plusieurs échelles. Esther Kahn est
peut-être avant tout le portrait d'une fille un peu naïve, mystérieuse et
surtout paradoxale: elle veut devenir actrice mais ne connait rien de la vie.
Son initiation au théâtre se double ainsi d'une découverte de l'amour. Certains
critiques ont relevé l'influence de François Truffaut: la question de
l'éducation, la tendresse portée au personnage principal, la voix off
littéraire ainsi que certains effets (les fermetures à l'iris ou encore la
bande sonore avec des ensembles de corde digne de Georges Delerue). Dans une
approche auteuriste de l'œuvre de Desplechin, Esther Kahn aborde également la thématique de la famille, la jeune
femme délaissant son milieu d’origine modeste (ses parents sont tailleurs)et
juif au profit d'une famille d’adoption, une compagnie de théâtre.
Esther Kahn peut aussi être appréhendé comme un film classique, voire
romanesque tant ses ficelles renvoient à la littérature: récit de la petite
enfance en voix off, film avec une subtile reconstitution (le Londres industriel
de la fin du siècle, éclairé par les éclairages sombres des lampes à gaz et
évoquant les toiles de Walter Sickert), success story et roman d’apprentissage (la
naissance d'une actrice) qui prend presque des airs de film de sport (avec Ian
Holm dans le rôle de l' "entraineur" qui va "coacher"
Esther Kahn). Avec son récit presque académique, Esther Kahn apparaît donc comme un film plus abordable que d'autres
dans la filmographie de Desplechin même si la mise en scène audacieuse du
réalisateur (montage elliptique, longueur du métrage, complexité de la
psychologie des personnages) persiste.
29.09.13.