Chaleur et Poussière est le onzième film du trio formé par le réalisateur
américain James Ivory, le producteur indien Ismail Merchant et la scénariste
Ruth Prawer Jhabvala, une anglo-indienne d'origine allemande qui adapte ici un
de ses romans. Comme de nombreuses productions de Merchant-Ivory, Chaleur et Poussière se déroule en Inde
et explore la confrontation entre l'Orient et l'Occident.
Chaleur et Poussière trouve sa place dans une époque où le cinéma
britannique manifeste un regain d'intérêt pour le passé colonial du pays,
notamment pour son rapport avec l'Inde. C'est en effet à ce moment que Richard
Attenborough réalise sa biographie de Gandhi
(1982) et que David Lean adapte E.M. Forster avec La Route des Indes (1984). A la télévision, The Far Pavilions
(1984) évoque l'époque du Raj alors que The Jewel in the Crown (1984)
est centré sur l'histoire mouvementée de l'Inde à la veille de son
indépendance.
Chaleur et Poussière développe lui une double intrigue et confronte deux
époques: dans les années 20, une jeune mariée, épouse d'un haut fonctionnaire
britannique, brade les interdits et devient la maîtresse d'un prince indien;
dans les années 80, sa petite nièce revient en Inde pour revenir sur les traces
du passé et connait un destin similaire en se laissant séduire par son hôte
indien. Le montage, audacieux, dresse un parallèle constant entre les deux périodes.
Les lieux d'antan existent toujours mais ont perdu de leur superbe, la
différence se traduisant aussi stylistiquement: les images du passé sont comme rêvées
et évanescentes alors que le présent est filmé avec une photographie plus
proche du documentaire.
Le
temps d'un plan, Ivory réunit néanmoins le présent et le passé, rejoints par
une histoire commune, celle de la difficile rencontre entre les civilisations. Anne,
comme sa tante Olivia, va tomber sous le charme de l'Inde et s'émanciper, la
fascination envers le pays semblant se perpétuer à travers les âges. Mais les
barrières sociales et culturelles ont évolué: si Olivia a dû avorter de son
enfant adultérin pour éviter le scandale, Anne, elle, décide de garder son
bébé. Un espoir de fusion entre les deux cultures semble donc plus envisageable
aujourd’hui qu'hier du fait de l’ouverture des cultures et du changement des
mentalités. Si l'empire colonial anglais s'est effondré, c'est surtout parce
que les britanniques sont restés les mêmes sans chercher à véritablement comprendre
leur environnement. Leur monde, tout aussi obsolète que celui fastueux du
Nawab, ne pouvait que s'effondrer.
Observateur
d'une civilisation décadente (le Raj britannique), James Ivory explore les
raisons de cet échec (un refus de comprendre des mœurs locales) et tente d'en
étudier les conséquences dans le monde actuel. Mais comme souvent dans l'œuvre
du réalisateur, plus que la critique, c'est la fascination domine.
02.09.13.