La Bataille de Solférino est le premier long métrage de fiction de
Justine Triet, réalisatrice issue du cinéma documentaire. Avec Antonin
Peretjatko, Guillaume Brac, Sébastien Betbeder ou encore Vincent Macaigne,
Justine Triet fait partie d'une génération de jeunes cinéastes français,
bricoleurs et décomplexés, mise en avant par les Cahiers du cinéma en
avril 2013 et révélée au festival de Cannes de la même année.
La Bataille de Solférino, en confrontant le temps d’une journée un
destin individuel (un couple de divorcés qui se dispute la garde des enfants) à
un destin collectif (l'élection de François Hollande le 6 mai 2012), dresse en
fait un pont entre la fiction et le documentaire. Comme Menaces... (1939) d'Edmond T. Gréville où les évènements
d'actualité de la conférence de Munich étaient incorporés au jour le jour dans
le scénario, La Bataille de Solférino est
une chronique en temps réel de l'élection présidentielle, avec tout ce que le
hasard historique implique (Sarkozy pouvait aussi être réélu...). Et la mère,
Laetitia, la journaliste qui couvre l’annonce de la victoire socialiste rue de
Solférino, a elle créé l'illusion devant les militants qui l'ont vraiment prise
pour une reporter de télévision...
Si les personnages de La Bataille de Solférino ne parlent
jamais de politique et si le film n'est en aucun cas un film engagé, la
politique n'en est pas moins absente. En effet, l'élection de François Hollande
sert de cadre révélateur d'un climat de tension sociale qui règne dans la
société française envisagée sous l'angle d'un microcosme (la famille): cette
réunion optimiste puis festive des militants rue de Solférino révèle une
aspiration au changement, une volonté de retrouver une cohésion et une unité
suite aux violents clivages sociaux sous l'aire polémique de Nicolas Sarkozy.
S'inscrivant dans un héritage
du film social dans le cinéma français, flirtant avec le cinéma documentaire, La Bataille de Solférino recherche la
justesse et le trivial. Le spectateur se reconnait aisément dans l’histoire ou le
quotidien de ce couple de trentenaires divorcés, aussi hargneux que
pathétiques. Mélangeant le tragique et le comique, l’historique et l’intime, La Bataille de Solférino se refuse à donner
raison à l'un ou l'autre membre du couple. Plutôt que de juger les personnages,
plutôt que de choisir son camp, il préfère l'empathie: cette journée du 6 mai
2012 a été une folle journée tant au point de vue individuel qu'au niveau
collectif. La Bataille de Solférino est
là pour nous le rappeler.
19.09.13.