Après Un Conte de Noël (2008), Arnaud Desplechin tourne Jimmy P., Psychothérapie d'un indien des
plaines aux Etats-Unis et en langue anglaise. L'action se situe dans un
hôpital militaire du Kansas en 1948 et se centre sur la relation (véridique)
entre Jimmy Picard, un indien d'Amérique, vétéran de la guerre victime de
vertiges, et son médecin, Georges Devereux, un psychanalyste et ethnologue français
d'origine roumaine.
Desplechin rentre dans le
quotidien d'une psychanalyse: Jimmy Picard raconte ses rêves, son enfance et
ses déboires sentimentales pendant que Georges Devereux prend des notes sur son
carnet. Mais un échange véritable s'installe entre les deux hommes: malgré les
différences culturelles (le "sauvage" mutique et réservé face à
l'occidental bavard et volubile) et physiques (la carrure du comédien Benicio
Del Toro contre l'aspect malingre Mathieu Amalric), une complicité s'instaure
entre ces deux rejetés de la société (l'indien dans la société américaine,
l'intellectuel juif d'Europe de l'Est en Occident). Desplechin expose même l'idée
intéressante que le véritable malade est peut-être le personnage exubérant de Georges
Devereux, fragile physiquement et grimaçant parfois comme un hystérique.
Jimmy P. apparaît comme une manifestation moderne de ce bon vieux
penchant de Hollywood pour la psychanalyse, laquelle résout les problèmes via
la vision et les flash back (de l'enfance, des moments traumatisants...). Si la
psychanalyse séduit le spectateur (même s'il est récalcitrant à la matière de
Freud), c'est parce qu'elle prend la forme d'une enquête: plus le film avance,
plus l'on pense se rapprocher d'une révélation, d'une résolution. Mais là le
film de Desplechin échoue (ou trouble volontairement ?), c'est que l'on reste
sur sa faim: finalement, on n'a pas véritablement compris les maux de Jimmy
Picard et l'on n'est pas sûr de sa guérison... A cela, s'ajoute l'idée que la
véritable souffrance du malade trouve son origine dans son rejet par la société
occidentale, idée développée mais pas pleinement explicitée tout au long du
film.
Comme de nombreux films de
Desplechin, Jimmy P. manque de clarté
dans le traitement du sujet et de ses personnages. Avouons néanmoins que l'acclimatement
du réalisateur aux Etats-Unis bride les effets de style récurrents de sa mise
en scène au profit d'un film plus classique et l'auteur de ses lignes s'en est
réjouit...
07.01.14.