Après Chicago (2002), Mémoires
d'une Geisha est le deuxième film de Rob Marshall, ancien metteur en scène
de musicals à Broadway. Comme les futurs Nine
(2009) et Pirates des Caraïbes et la
fontaine de la Jouvence (2011), Mémoires
d'une Geisha est marqué par le passé de Marshall qui signe des films dominés
par la musique, la couleur et le mouvement.
Mémoires d'une Geisha narre la vie d'une geisha dans le Kyoto des
années 1930-1940. Le film exploite complètement le mythe de la geisha dans
l'imaginaire collectif: la geisha n'est pas une vulgaire prostituée mais une
courtisane distinguée. Comme le montre le film, les geisha sont souvent élevées
dès leur plus jeune âge (elles sont vendues par leur famille, souvent
provinciale) à devenir de "vraies" femmes. Adapté d'un roman réputé pour
le sérieux de sa documentation, le film rentre également dans les détails de la
vie de la geisha: elle habite dans une maison dite "okya" et perd sa virginité
lors d'une mise en enchère de sa défleuraison dite "mizuague". En ce
sens, le récit de Mémoires d'une Geisha est
initiatique.
La première partie du film de
Marshall est donc consacrée à la "création" de la geisha, qui apprend
à se tenir, à danser, à se maquiller ou à faire la conversation. Dans les
dialogues, on rappelle l'étymologie du mot geisha qui signifierait
"artiste". La geisha participe à la création d'un monde merveilleux,
beau et artificiel, idée soulignée par la reconstitution très hollywoodienne et
en studios du Japon de l'époque.
La seconde partie du film voit
la geisha tomber amoureuse d'un notable. Mais l'amour et les sentiments sont
interdits pour la geisha. De plus, la guerre vient séparer les protagonistes et
vient mettre fin, un temps, à la vie de geisha du personnage principal. Il
s'agit donc pour l'héroïne de retrouver ses talents et de conquérir l'homme
qu'elle aime. La guerre, évènement historique et dramatique, apparaît comme le
cadre d'une fresque épique où le destin individuel se confond avec celui d'une
nation: l'ampleur de l'histoire (qui se déroule sur plus de 20 ans), la durée
(2h30) et le budget du film ainsi que la mise en scène mouvante de Rob Marshall
contribuent également à l'élaboration d'un récit épique, d'une fresque
grandiose.
Visuellement, le film est un
véritable bijou et on sent que chaque décor, chaque kimono a été travaillé.
Aidé par des effets spéciaux, Mémoires
d'une Geisha reconstitue un Japon paradoxalement vériste (l'histoire est
documentée) et inventé (reconstitution en studio du Japon de l'avant-guerre).
Marshall a fait appel à des actrices chinoises pour interpréter les geishas: on
est d'ailleurs plus proche visuellement d'un cinéma hongkongais sur-esthétisé
que du cinéma japonais. L'artifice hollywoodien est donc total et le mythe de
la geisha, réactivé.
13.04.13.