mercredi 24 avril 2013

The Deadly Companions / New Mexico (1961) de Sam Peckinpah

D'abord assistant de Don Siegel (sur Riot in Cell Block 11, Private Hell 36, An Annapolis Story, Invasion of the Body Snatchers et Crime in the Streets), Sam Peckinpah commence dès 1957 sa carrière à la télévision, en travaillant sur des séries western. Il contribue notamment à la création d'une série, The Westerner, dont il reprend la vedette Brian Keith pour son premier film de cinéma, The Deadly Companions. Ce petit budget, tourné en toute indépendance des grands studios[1], contient de nombreux éléments caractéristiques de l'œuvre à venir de « Bloody Sam », permettant une lecture auteuriste de ce premier opus du cinéaste.
 
Le sujet de The Deadly Companions est particulièrement sombre, crépusculaire avant l'heure: un ancien officier tue accidentellement dans une fusillade le fils d'une entraineuse et aide celle-ci à aller enterrer son garçon dans un dangereux territoire indien. Le ton est donné dès le premier plan où l'on voit un homme pendu dans un saloon. «Yellow Leg», le personnage principal, lui sauve la vie en éliminant sommairement ses agresseurs. Dès les premières minutes, on est donc frappé par la violence de l'action et par son efficacité. Cette violence culminera évidement dans le final, l'incontournable séquence du règlement de comptes.
 
Peckinpah nous propose alors de suivre des individus du mauvais côté de la loi. Yellow Leg, ex officier de l'Union mû par une longue quête de vengeance (un sudiste l'a scalpé), est un personnage las et fatigué qui annonce celui de Robert Ryan dans La Horde sauvage ou celui de James Coburn dans Pat Garrett et Billy the Kid. Mystérieux (on ne saura jamais son nom), il s'associe avec la canaille à qui il a sauvé la vie ainsi qu'avec son partenaire pour braquer une banque: le premier est un vieux fou qui veut dominer un monde dont il serait le roi, le second est un gunfighter instinctif. Ensuite, Yellow Leg s'attache à la prostituée dont il a tué l'enfant. Cette dernière fuit la ville où elle «exerçait », excédée par le regard méprisant de ses concitoyens[2]. La bande des Deadly Companions est donc une horde sauvage avant l'heure, un groupe d'outlaws, de marginaux rejetés par la société.
 
En plus des personnages caractéristiques du cinéma de Peckinpah car profondément individualistes, on retrouve dans The Deadly Companions d'autres obsessions du cinéaste. On aperçoit notamment ce plan récurrent sur ces enfants cruels qui annoncent dès le début la violence des adultes. Dans The Deadly Companions, Peckinpah nous montre déjà un Ouest sale et peu glorieux, sans foi ni loi, où pointe déjà la modernité, qui s'illustre ici par l'apparition d'une ombrelle annonçant les automobiles et les mitrailleuses des films à venir. Par ailleurs, un manteau de fourrure de trappeur (celui porté par Chill Wills) et une messe célébrée dans un saloon (faute d'église) viennent apporter une touche d'excentricité et d'insolite propre au cinéma de Peckinpah.
 
Premier film, The Deadly Companions est loin d'être sans défaut: la mise en scène n'est pas très impressionnante, le film sent bon le petit budget, et la musique (avec accordéon !) est plutôt ratée. De plus, le récit lorgne vers la fin du côté du Trésor du pendu (règlement de comptes dans une ville fantôme pour un dérisoire butin entre des bandits qui se disputent une femme) et se conclue par une fin optimiste un peu factice (le rédemption de Yellow Leg passe par la renonciation à la violence). Mais la noirceur du film en adhésion avec l'œuvre à venir de Peckinpah distingue le film.
 
27.03.13.
 


[1] Le film est produit par Charles B Fitzimons, le frère de Maureen O'Hara, lequel voulait relancer la carrière de l'actrice qui avait décliné suite à un scandale: un journal l'accusait d'avoir eu des relations sexuelles au balcon d'un cinéma.
[2] François Causse, dans Sam Peckinpah, la violence du crépuscule (Dreamland, 2001), souligne le fait que la fiction rejoint la réalité. L'actrice Maureen O'Hara, comme son personnage, rejette les médisances dont elle est victime et souffre d'un sentiment d'injustice.