Contrairement à ce que l'on
peut croire, l'acteur américain Andy Garcia n'est pas d'origine italienne mais
d'origine cubaine: sa famille a quitté Cuba après le débarquement de la baie
des Cochons en 1961 pour s'installer à Miami. Avec Adieu Cuba, son unique réalisation, le comédien revient donc sur
ses origines et on sent l'investissement de Garcia, acteur, réalisateur,
producteur et compositeur de la musique (!) du film.
Le film apparaît avant tout
comme un sous-Casablanca. Andy Garcia
joue "Fico", propriétaire "Tropico", le plus élégant night
club de la Havane de 1958, à la veille de la révolution castriste. Habillé
comme Rick dans le film de Michael Curtiz (costume de soirée blanc avec
nœud-papillon noir), le personnage Andy Garcia refuse un temps de s'engager
dans un climat politique délétère mais, sachant que «tôt ou tard, il faut choisir
son camp», il finira par se ranger du "bon côté". Comme Rick, Andy
Garcia est amoureux d'une femme inatteignable, car mariée à une cause politique
(ici, elle est veuve d'un héros de la révolution castriste), et finira se
sacrifier son amour en raison de ses convictions. Dans Adieu Cuba, nul personnage de Sam, Fico joue lui même du piano...
Dans la peinture de la
révolution castriste, Andy Garcia tire évidemment à boulets rouges sur le
régime dictatorial de Batista. Mais la révolution est également et fortement
critiquée: la révolution prive de libertés (pas de saxophone dans l'orchestre:
c'est un instrument impérialiste!), elle instrumentalise la population,
reproduit la violence contre la contestation et retourne les enfants contre
leurs parents (un frère castriste d'Andy Garcia vient réquisitionner la ferme
de son oncle !). Si Fidel Castro n'apparaît que dans des images d'archive, Che
Guevara est lui représenté mais n'est qu'une caricature de lui-même, citant
Marx et mâchouillant un cigare.
Destin amoureux, fresque
historique et politique, Adieu Cuba se
double enfin d'une saga familiale qui vient affirmer le caractère épique du
tableau. La famille de Fico est divisée, comme l'est le Cuba de l'époque.
Ainsi, le film, assez médiocre, aura le mérite de souligner qu'existaient des
oppositions au régime de Batista, autres que la révolution de Castro. Si les
frères de Fico sont des révolutionnaires situés à des bords différents, le
père, interprété par Tomas Milian[1],
est une figure fédératrice mais à bout de souffle. Décidant de fuir le régime
castriste, Fico s'exilera aux Etats-Unis, et c'est cette dernière partie du
film, où l'ancien patron de boite de nuit devient plongeur dans un restaurant,
qui ranime l'intérêt du spectateur.
Dans le scénario (le dernier
écrit par le cubain d'origine Gabriel Infante, auteur de Trois Tristes Tigres et du scénario de Point Limite Zéro), s'ajoutent enfin des personnages secondaires interprétés
par des acteurs cabotins: Bill Murray joue un comédien alcoolique et en culotte
courte, Dustin Hoffman s'amuse dans deux scènes à interpréter le gangster
biélorusse Meyer Lansky. Ceux-ci contribuent à confirmer la vanité de
l'ensemble du film. On sent qu'il y a un gros budget derrière ce film et Andy
Garcia signe un film boursouflé avec des effets de mise en scène pas toujours probants.
Ersatz de Casablanca, vision caricaturale
de la révolution de Castro, fresque épique lourdingue et bêtement patriotique, Adieu Cuba est peut-être un spectacle
qui se laisse voir mais il n'est guère convaincant.
13.04.13.
[1]
Autre cubain exilé, Tomas Milian a quitté l'île de Cuba avec sa famille à l'âge
de 14 ans, trois ans avant la révolution. Milian joue également dans Havana (1991) de Sidney Pollack, qui,
comme le film d'Andy Garcia, a été tourné en République dominicaine.