vendredi 30 août 2013

Deux comédies musicales de la Warner des années 30


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42nd Street / 42ème rue (1933) de Lloyd Bacon

Footlight Parade / Prologues (1933) de Lloyd Bacon


Initiateur du cinéma parlant avec Le Chanteur de Jazz (1927) d'Alan Crosland, la Warner innove également participant au développement de la comédie musicale. Réalisé par Lloyd Bacon, 42ème rue (sorti en février 1933) inaugure une série de films musicaux chorégraphiés par Busby Berkeley et établissant les composantes d'un genre naissant, le "backstage musical", où l'intrigue se resserre autour de la construction d'un spectacle musical. Suivront, dans la foulée, Gold Diggers of 1933 (Mervyn LeRoy, mai 1933) et Footlight Parade (Lloyd Bacon, octobre 1933). 
 

Une équipe qui marche. Les musicals de la Warner, produits comme "à la chaîne", réunissent la même équipe de tournage: Lloyd Bacon à la mise en scène, Busby Berkeley pour la chorégraphie, Sol Polito pour la photographie, le duo de compositeurs talentueux, Harry Warren (musique) et Al Dublin (paroles), pour les chansons. De nombreux acteurs sont récurrents et campent des personnages archétypaux du genre: Warner Baxter et James Cagney sont des metteurs en scène autoritaires et investis dans leur travail, Dick Powell tient le rôle du jeune premier, Ruby Keeler joue la star montante de la troupe de danseuses, Ginger Rogers incarne souvent une de ses amies, Guy Kibbee interprète le mécène ou le producteur du show (souvent libidineux), Allen Jenkins et Frank McHugh se relayent tour à tour pour le rôle du stage manager, le sidekick comique du metteur en scène. Dans Prologues, Joan Blondell interprète une secrétaire forte en caractère, personnage récurrent du cinéma américain des années 30. 

Le backstage musical, un genre codifié. L'intrigue du backstage se centre donc autour de l'organisation du spectacle, le "show", qui se dévoile peu à peu sous les yeux du spectateur, jusqu'à représentation du grand numéro final. Les péripéties sont souvent les mêmes: marivaudage des danseuses de la troupe qui hésitent entre plusieurs prétendants, problèmes économiques ou matériels pour monter le numéro, empêchement ultime de la star qui conduit un comédien méconnu à monter sur scène afin de devenir la nouvelle vedette... 

Le backstage musical, un genre engagé. Les backstages contiennent un sous-texte politique certain: dans l'Amérique de la Dépression, l'union du peuple s'établit par un effort commun et une volonté de persévérer malgré les embuches et les tours du destin. L'optimisme trouve son sommet dans le succès tant attendu du spectacle, réussite qui devient alors la métaphore du rétablissement de la prospérité en Amérique. Non seulement la Warner reconnait et évoque l'existence de la crise économique (cf. des numéros comme We're in the Money ou Remeber my Forgotten Man) mais elle entend montrer comment la vaincre. La Warner souligne ainsi son engagement auprès de l'administration de Roosevelt et sa politique du New Deal en faisant dresser un portrait géant du président à la fin de Prologues. 

Le style Busby Berkeley. Fort de son passé de combattant pendant la Première Guerre mondiale, Busby Berkeley se serait inspiré de la grandeur et de la précision des parades militaires pour ses numéros. Les chorégraphies de Berkeley impressionnent, le metteur en scène bénéficiant d'un budget confortable, ce qui implique un grand nombre de danseurs et des décors monumentaux. Busby Berkeley brille surtout par ses audaces techniques: une élaboration de formes géométriques complexes, un montage et des transitions inventifs ainsi que des mouvements de caméras gracieux, sur rail ou avec grue. Le chorégraphe expérimente la caméra sous-marine, a recours au cinéma d'animation et innove en cadrant en plongée totale avec une prise de vue verticale à 90°. Baignant dans un style art déco, servis par les jazz entrainants d'Harry Warren et faisant la part belle aux jambes des danseuses, les numéros de Berkeley créent un monde élégant et luxueux. Une "symphonie d'une ville" américaine dans 42ème Rue et un numéro exotique (Shanghai Lil) dans Prologues constituent ainsi "le clou du spectacle" des deux films. 

Du rythme et de l'audace. Alternant le drame et la comédie, les musicals de la Warner se déroulent à une vitesse endiablée grâce à des comédiens énergiques comme James Cagney ou Ruby Keeler. Efficaces et modernes, les musicals de la Warner évoquent l'actualité (la crise et la fin des films parlants au début de Prologues) et frappent par leur audace. Sortis avant l'instauration du code de censure, les films mettent en scène des personnages de gigolo (George Brent dans 42ème rue et Dick Powell dans Prologues), regorgent de blagues salaces et prennent un malin plaisir à montrer des danseuses dénudées ou sans sous-vêtement (un numéro érotisant de Prologues montre un bain de jeunes femmes...). L'agent chargé de la censure du spectacle dans Prologues fait à ce titre l'objet de moqueries, celui-ci se révélant libertin et donc hypocrite.
 

Fort du succès de 42nd street, Gold Diggers of 1933 et de Footlight Parade, Busby Berkeley et son équipe de la Warner reprendront la syntaxe et la sémantique ainsi établies du backstage musical avec Fashions of 1934 (1934) de William Dieterle, Wonder Bar (1934) de Lloyd Bacon, Dames (1934) de Ray Enright, Gold Diggers of 1935 (1935) réalisé par Busby Berkeley lui-même, Gold Diggers of 1937 (1937) de Lloyd Bacon...

13.08.13.