mercredi 7 août 2013

Cuisine et Dépendances (1993) de Philippe Muyl

Un film d'origine théâtrale. Adaptation d'une pièce de théâtre écrite par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, Cuisine et Dépendances est le film qui va lancer le duo d'auteurs/comédiens qui collaboreront par la suite avec Cédric Klapisch (Un Air de Famille) et Alain Resnais (Smoking/No Smoking; On connait la chanson). Une séquence inaugurale, avec des mouvements de caméra, tournée dans le BHV ainsi qu'une mise en scène mobile parviennent dans une certaine mesure à aérer le huis-clos théâtral. En effet, le film ne se déroule pratiquement que dans la cuisine d'un appartement parisien où un couple de bourgeois a invité des amis de jeunesse à diner pour des retrouvailles[1]. Du théâtre, on retrouve donc une unité de temps (une soirée) et de lieu (le décor de la cuisine, reconstitué en studio) ainsi qu'un nombre limité de protagonistes (les convives, les hôtes, le frère de la maîtresse de maison et un ami de la famille).
 
Une satire de la bourgeoisie parisienne. Cuisine et Dépendances repose donc essentiellement sur ses comédiens et sur ses dialogues savoureux. Ces deux éléments contribuent à donner de la vie et de la justesse à la peinture de la société bourgeoise et parisienne de nos jours. La maîtresse de maison est une mère au foyer dépressive; son mari s'est lui enfermé dans une routine; l'ami de la famille est un bougon asociale alors que le frère est un éternel trentenaire irresponsable, amoureux de "pépées" et de poker. Face à eux, les invités symbolisent la réussite: le mari, absent de l'écran, brille néanmoins de tout son éclat bien que sa femme soit souvent par conséquent délaissée. Jaoui et Bacri excellent dans la description des travers de leurs pairs: l'égoïsme de chacun, la difficulté à écouter les autres, la patience fragile et les illusions perdues. Ce sont toutes ces amertumes qui mèneront le sympathique diner en ville à "dégénérer". Car derrière la comédie, on décèle la satire et la critique. Derrière le rire perce l'amertume.
 
11.07.13.


[1] Le diner en ville devient un cliché du cinéma français: Le Diner de cons (1999) de Jacques Weber, L'invité (2007) de Laurent Boutnik, Le Prénom (2012) d'Alexandre de la Patellière...