Le Temps d'un Week-end est le remake américain du film italien Parfum de Femme, réalisé par Dino Risi
et sorti en 1975. Une étude comparative s'impose.
La trame de l'histoire reste
la même d'un film à l'autre: un jeune homme accepte de s'occuper d'un aveugle,
un ancien militaire aigri, aux tendances suicidaires mais amoureux des femmes
(et de leurs parfums). Cependant, les conclusions seront très différentes. Dans
le film de Risi, l'aveugle renonce à ses plans morbides et finit par accepter
l'affection que lui a toujours porté une femme: c'est donc le personnage de
l'aveugle qui a évolué au fil du récit et non son jeune assistant, qui s'avère
plus un spectateur de l'action qu'autre chose. En effet, Parfum de Femme, à l'opposé du Temps
d'un Week-end n'est pas un récit d'apprentissage: la rencontre par le jeune
homme de l'aveugle n'est, pour lui, ni l'occasion d'un passage à l'âge adulte,
ni un évènement destructeur.
Le personnage du jeune
accompagnateur a ainsi quelque peu varié: dans le film italien, le jeune homme
est un soldat en permission alors que dans le film américain, il s'agit d'un
boursier qui étudie dans une université chère et huppée du pays. Charlie, le
garçon dans le remake, est confronté à un dilemme, celui de dénoncer devant le
conseil de discipline de l'école, des camarades qui ont commis un acte de
vandalisme. Alors que face à lui, un "gosse de riche" (interprété par
un jeune Philip Seymour Hoffman) se fait assister par son père, Charlie, le
bousier, se fera assister in extremis par le "colonel". L'aveugle,
père putatif et deus ex machina, viendra critiquer la perte de repères dans le
prestigieux établissement et défendra l'honneur de son poulain (dans un
discours légèrement embrouillé: l'ancien militaire insiste de façon absurde sur
l'argument "un homme, un vrai" pour conclure sur l'intégrité de son
sujet). Ce final annonce étrangement et de façon identique celui de A la rencontre de Forrester (2000) de
Gus Van Sant.
En comparant avec le film
italien, on a l'impression que l'ajout des séquences dans l'université (le film
a été tourné à Princeton) est complètement collé à l'intrigue. En fait, il
permet surtout d' "américaniser" l'atmosphère. De même, le discours
sur la nécessité de préserver les valeurs pour l'éducation des jeunes de
demain, la musique lyrique acidulée de Thomas Newman ainsi que la mise en scène
académique de la part de Martin Brest rendent sa version profondément
américaine. Quand Parfum de Femme
était un film doux-amer, subtil et nostalgique, Le Temps d'un Week-end apparait lui comme plus mélodramatique. Face
à l'heure et demie du film italien, Martin Brest développe son intrigue pendant
une heure de plus. A la comparaison, le film italien s'avère donc plus
satisfaisant.
Il ne faudrait tout de même
pas oublier les séquences supplémentaires du film américain, des scènes
particulièrement marquantes et réussies: notre aveugle se livre ici à une
promenade en voiture mouvementée, à une traversée dangereuse de la Vème avenue
à un gracieux tango. Autre atout du film de Martin Brest: l'interprétation d'Al
Pacino qui remporte alors l'oscar du meilleur acteur, oscar temps de fois
reporté. Le comédien apporte des piques anti-américaines qui nuancent le
consensualisme du film: la franchise et la
langue verte du personnage mettent à mal l'hypocrisie de l'Amérique. Là, le
film américain rejoint le film italien: privés de lumière, les aveugles sont
des voyants lucides des maux de notre société.
03.08.13.