vendredi 30 août 2013

Scent of a Woman / Le Temps d'un Week-end (1992) de Martin Brest

Le Temps d'un Week-end est le remake américain du film italien Parfum de Femme, réalisé par Dino Risi et sorti en 1975. Une étude comparative s'impose.
 
La trame de l'histoire reste la même d'un film à l'autre: un jeune homme accepte de s'occuper d'un aveugle, un ancien militaire aigri, aux tendances suicidaires mais amoureux des femmes (et de leurs parfums). Cependant, les conclusions seront très différentes. Dans le film de Risi, l'aveugle renonce à ses plans morbides et finit par accepter l'affection que lui a toujours porté une femme: c'est donc le personnage de l'aveugle qui a évolué au fil du récit et non son jeune assistant, qui s'avère plus un spectateur de l'action qu'autre chose. En effet, Parfum de Femme, à l'opposé du Temps d'un Week-end n'est pas un récit d'apprentissage: la rencontre par le jeune homme de l'aveugle n'est, pour lui, ni l'occasion d'un passage à l'âge adulte, ni un évènement destructeur.
 
Le personnage du jeune accompagnateur a ainsi quelque peu varié: dans le film italien, le jeune homme est un soldat en permission alors que dans le film américain, il s'agit d'un boursier qui étudie dans une université chère et huppée du pays. Charlie, le garçon dans le remake, est confronté à un dilemme, celui de dénoncer devant le conseil de discipline de l'école, des camarades qui ont commis un acte de vandalisme. Alors que face à lui, un "gosse de riche" (interprété par un jeune Philip Seymour Hoffman) se fait assister par son père, Charlie, le bousier, se fera assister in extremis par le "colonel". L'aveugle, père putatif et deus ex machina, viendra critiquer la perte de repères dans le prestigieux établissement et défendra l'honneur de son poulain (dans un discours légèrement embrouillé: l'ancien militaire insiste de façon absurde sur l'argument "un homme, un vrai" pour conclure sur l'intégrité de son sujet). Ce final annonce étrangement et de façon identique celui de A la rencontre de Forrester (2000) de Gus Van Sant.
 
En comparant avec le film italien, on a l'impression que l'ajout des séquences dans l'université (le film a été tourné à Princeton) est complètement collé à l'intrigue. En fait, il permet surtout d' "américaniser" l'atmosphère. De même, le discours sur la nécessité de préserver les valeurs pour l'éducation des jeunes de demain, la musique lyrique acidulée de Thomas Newman ainsi que la mise en scène académique de la part de Martin Brest rendent sa version profondément américaine. Quand Parfum de Femme était un film doux-amer, subtil et nostalgique, Le Temps d'un Week-end apparait lui comme plus mélodramatique. Face à l'heure et demie du film italien, Martin Brest développe son intrigue pendant une heure de plus. A la comparaison, le film italien s'avère donc plus satisfaisant.
 
Il ne faudrait tout de même pas oublier les séquences supplémentaires du film américain, des scènes particulièrement marquantes et réussies: notre aveugle se livre ici à une promenade en voiture mouvementée, à une traversée dangereuse de la Vème avenue à un gracieux tango. Autre atout du film de Martin Brest: l'interprétation d'Al Pacino qui remporte alors l'oscar du meilleur acteur, oscar temps de fois reporté. Le comédien apporte des piques anti-américaines qui nuancent le consensualisme du film:  la franchise et la langue verte du personnage mettent à mal l'hypocrisie de l'Amérique. Là, le film américain rejoint le film italien: privés de lumière, les aveugles sont des voyants lucides des maux de notre société.
 
03.08.13.