Après un passage à Hollywood
clôturé par Paycheck (2003), Les Trois Royaumes marque le retour de
John Woo au cinéma asiatique. Le réalisateur hongkongais accepte de collaborer
avec le gouvernement chinois et signe un film épique inspiré des textes
légendaires nationaux.
Un film épique asiatique... Les
Trois Royaumes est centré sur un conflit du IIIème siècle qui mena à la
tripartition de l'empire chinois. S'opposant au premier ministre de l'Empire du
Nord, des seigneurs dissidents du Sud refusaient de prêter à allégeance, ce qui
conduisit à la guerre. Certaines langues ont critiqué John Woo de s'accommoder
avec le gouvernement chinois (avec cette adaptation d'un grand classique de la
littérature du pays) mais l'on se doit de constater que le réalisateur se range
du côté des dissidents, opposant à un régime autoritaire mené par un empereur
faible et mal conseillé.
Reconstitution moyenâgeuse, réunions
sur les tactiques de guerre, scènes de batailles terrestres ou maritimes,
combats au corps à corps, présentation du champ de bataille détruit et enfumé
après le conflit sont les éléments caractéristiques de ce film épique. Comme il
se doit, le film de John Woo se voit doté d'un budget conséquent (il s'agit du
film le plus cher de l'histoire dans le cinéma chinois) et d'une durée non
négligeable (2h25 dans sa version raccourcie et occidentale). Impressionnant,
le film bénéficie d'une grande figuration et d'effets numériques. On a parfois
le sentiment de regarder un jeux vidéos comme la série des Shoghun Total War ou une version chinoise du Kagemusha de Kurosawa, l'aspect tragique, shakespearien en moins.
Ou occidental ? Bien qu'il s'agisse d'un film du cinéma asiatique,
le spectateur occidental a néanmoins l'impression de regarder un film épique
américain ou réalisé par Ridley Scott: une scène de débarquement, transposition
de celle du Soldat Ryan, annonce
l'absurde (historiquement) invasion de l'Angleterre par les Français dans Robin des Bois alors que les formations
des troupes en tortue semble une réminiscence des batailles romaines dans Gladiator. La mise en scène stylisée et
lyrique (ralentis et mouvements de caméra aériens) ressemble tout à fait à
celle de Ridley Scott mais s'avère en accord parfait avec le passé de John Woo
dans le cinéma hongkongais.
On pense également à Troie (2004) pour l'aspect mythologique:
inspiré d'une légende chinoise, Les Trois
Royaumes met en scène des personnages héroïques usant de la ruse (celui
avec une barbiche connaît tous les mystères de la météo...) et quasi-invincibles,
presque des demi-dieux. De plus, comme dans le récit de la guerre de Troie, on
suggère qu'une femme très convoitée serait à l'origine du conflit. Comme dans
le film de Wolgang Petersen, John Woo fait le choix audacieux de se ranger du
côté de la rébellion, retranchée dans ses positions. Quelques héros de la
bataille, très typés (par exemple une sorte d'ogre, barbu et géant), laissent
eux supposer une possible influence du Seigneur
des Anneaux...
Spectaculaire, Les Trois Royaumes apparaît comme une
tentative de faire du Ridley Scott en Chine et le film n'a rien à envier aux
films épiques américains qu'il entend imiter.
19.07.13.