Après Les Valseuses (1974), Calmos
(1975) et Préparez vos mouchoirs
(1976), Bertrand Blier poursuit avec Buffet
froid sa veine d'un cinéma provocateur et délirant.
Une dose d'humour noir... Buffet
froid relate la rencontre entre plusieurs assassins: Gérard Depardieu, qui
n'enlève jamais son manteau du film, joue un chômeur tourmenté par des
cauchemars et un possible tueur qui s'ignore; Jean Carmet interprète l'assassin
de la femme de Depardieu mais qui se lie d'amitié avec ce dernier; Bernard
Blier incarne lui un flic bougon qui a une conception douteuse de la loi et de
la justice. Dans le monde urbain et déshumanisé de Buffet froid, la morale est sans dessus-dessous: les coupables sont
laissés en liberté alors que les innocents sont arrêtés. Le film véhicule une
vision paranoïaque et criminelle de la société où chacun est à la fois bourreau
et victime.
...et de surréalisme La succession des assassinats
"gratuits" et l’enchaînement des situations incongrues ou grotesques instaurent
un climat absurde proche du théâtre d'Alfred Jarry et d'Eugène Ionesco,
impression renforcée par l'artifice de l'appartement de Depardieu, un décor de
studio. Mais le film est également fortement empreint de surréalisme et les séquences
de soirées étranges organisées dans de grands hôtels particuliers de province
rappellent le sentiment antibourgeois des films de Luis Buñuel.
Tristesse de la banlieue et solitude urbaine. Filmé dans la
périphérie parisienne (la station de RER de La Défense, les tours de Créteil),
le film s'inscrit dans le cinéma français des années 60/70 qui véhicule une
vision sinistre de la banlieue, sur laquelle plane l'ombre du suicide et du
chômage en ce début de crise économique. Cette modernité glauque et glaçante
est surement la raison principale de la solitude des protagonistes de Buffet froid qui s'assemblent pour se
tenir compagnie: pour eux, le meurtre, soit la mort, est peut-être une façon
rencontrer des gens, soit de retrouver la vie...
17.11.13.