Après Le Président (1960) et Mélodie
en sous-sol (1962), Un Singe en Hiver
marque la troisième collaboration du trio formé par le réalisateur Henri
Verneuil, le comédien Jean Gabin et le scénariste Michel Audiard. Le film
marque également la rencontre entre deux générations de comédiens: d'un côté, Jean
Gabin, célèbre représentant du cinéma dit de la "qualité française",
et de l'autre, Jean-Paul Belmondo, jeune visage de la Nouvelle Vague.
Plus qu'une confrontation, la
réunion se transforme en une sorte d'osmose, Belmondo s'inscrivant dans la
filiation du jeu confiant et parfois cabotin de Gabin. Bebel, toréador perdu
loin des arènes de Madrid, et Gabin, ancien soldat de la légion étrangère
reconverti en hôtelier dans une petite ville balnéaire, se lient d'amitié lors
de soirées très arrosées. Mais le film, adaptation d'un roman d'Antoine
Blondin, écrivain hussard et alcoolique notoire, est moins l'histoire
d'ivrognes que la réunion mélancolique de vieux baroudeurs qui rêvent de leur
gloire passée.
A l'image de la musique de
Michel Magne (un blues à l'harmonica qui suit une musique chinoise,
réminiscence du passé de Gabin), Un Singe
en Hiver peut être aussi drôle que triste, amer: dans le morne village de
Normandie, on boit pour oublier, on rêve de Chine et d'Espagne, de jonques et
de corridas. Comme ailleurs n'existe plus, nos deux compagnons de boissons se
lancent dans une dernière aventure, une dernière farce, une grande explosion
sur la plage. Le plan final du film sera celui d'un Jean Gabin délaissé, seul
sur un quai de gare, avant qu'il ne reprenne sa vie moribonde. Derrière la
comédie, le film de Verneuil décèle en réalité un drame, celui du singe en
hiver, c'est-à-dire l'histoire de l'homme qui n'est plus de son temps.
10.11.13.