Depuis Titicut Folies (1967), son premier film, Frederick Wiseman n'a
cessé de filmer aux Etats-Unis comme en France la société et ses institutions,
qu'elles soient judiciaires, militaires, administratives, industrielles,
policières, religieuses, culturelles, artistiques, sportives... Dans son
dernier film, le documentariste américain filme le campus de l'université de
Californie à Berkeley.
Axant son film autour du débat
concernant les réductions budgétaires de l'état de Californie et l'augmentation
des droits d'inscription pour les étudiants, Wiseman scrute les signes d'une
démocratie en crise. Le charismatique "chairman", le président de
l'université, a beau garder le sourire, on comprend bien le déclin du prestige
de la vieille université publique qu'est Berkeley et l'on mesure l'atteinte à l'égalité
devant le droit à l'éducation. Bien qu'il n'y ait jamais eu autant d'élèves
issus de milieux défavorisés scolarisés à Berkeley, un malaise social se
révèle: les étudiants de couleur évoquent le racisme de leurs camarades et
chacun craint devoir assumer une certaine représentation sociale en prenant la
parole. A Berkeley, université historiquement liée à la contestation (les
étudiants se réfèrent au free speech movement de Mario Savio dans les années
60), la colère gronde et le doute face au rêve américain s'instaure.
Si Frederick Wiseman détient
un sujet en or pour révéler une Amérique en crise, son modus operandi est plus
discutable. Ayant tourné plus d'une cinquantaine d'heures de film, Wiseman n'en
a gardé que quatre. Mais il faut avouer que la longueur du métrage, malgré les
enjeux intéressants du films, fatigue le spectateur. Wiseman abuse d'une structure
répétitive où il intercale, des plans larges de l'université entre chaque
séquence de parole, comme des plans de coupe pour faire souffler le spectateur.
Mais ce dernier a du mal à suivre l'enchainement continu des réunions dans des
salles de conseil. Les différentes séquences (les réunions d'élèves et les
réunions pédagogiques, les cours et les revendications sociales) se répètent
ainsi inlassablement pour le public à qui Wiseman demande une attention
constante. Si At Berkeley traduit une
démarche utile et intelligente de Wseman, elle n'en est pas moins une œuvre
exigeante.
11.11.13.