Avec Le Pigeon (1958) de Mario Monicelli ou Le Fanfaron (1962) de Dino Risi, Divorce à l'italienne est souvent considéré comme un des points
d'orgue de cette veine du cinéma italien que la critique a surnommé la comédie
à l'italienne. L'expression même de "all'italiana" vient du titre du film
de Germi. Cependant, malgré cette appellation consacrée, il est toutefois
difficile de cerner les caractéristiques communes aux différents films du
corpus. Attardons-nous donc sur les deux principales spécificités de Divorce à l'italienne : d'un côté,
l'audace de son sujet et des critiques qu'il porte; de l'autre, son humour
particulier, proche du cartoon.
Dans les années 60, le divorce était
interdit en Italie. Il sera légalisé en 1970 à l'occasion du vote d'une loi qui
manqua de briser la démocratie chrétienne. Le film de Germi s'amuse de cette prohibition:
cette condamnation du divorce ne fait donc pas les affaires de Ferdinando
Cefalù, noble sicilien, fatigué de sa vie bourgeoise et de sa femme
envahissante. En effet, il envisage de se remarier avec une jeune cousine dont
il est éperdument amoureux. Ainsi, il fait tout pour que son épouse s'éprenne
d’un autre homme, afin de pouvoir les surprendre ensemble, la tuer et n’avoir
qu’une peine légère pour crime d'honneur.
Divorce
à l'italienne offre un témoignage critique vis-à-vis d'une société
italienne corsetée par les bonnes mœurs. Cefalù est ainsi exaspéré par de
l'omniprésence de sa belle-famille et par la bêtise sa femme bienpensante. Les
siciliens vivent dans un monde arriéré où la culture catholique est
prédominante: le curé dicte ainsi à ses paroissiens le choix de leur vote et
incite à boycotter la sortie de La Dolce
Vita, que les habitants du village, à l'annonce d'un film sulfureux, vont
en fait s'empresser de voir. On se moque des cocus, on compare les belles
femmes à la madone, on croit en l'honneur et on justifie l'usage du crime pour
le sauvegarder. Un couple affilié à la famille de Cefalù apporte un gag
récurrent: l'homme, récemment veuf, doit attendre pour pouvoir se remarier mais
passe son temps à flirter avec sa future épouse. L'hypocrisie règne par rapport
au sexe comme le prouve le père de Cefalù qui a l'habitude de pincer les fesses
de sa bonne sous les yeux mêmes de sa femme.
La Sicile, terre d'une mafia de
pacotille et de traditions risibles, fait donc l'objet de moqueries
audacieuses. Pour ce faire, Germi a recours à la caricature et à un humour noir
proche de celui du cartoon. Comme dans les Bip
Bip et le coyote ou Tom & Jerry,
Divorce à l'italienne narre les
déboires d'un individu prêt à tout pour en tuer un autre. Affublé d'une
moustache, digne du loup de Tex Avery, Marcello Mastroianni joue tout en
rondeur, en grimace: il joue de ses faux airs impassibles, de ses sautes
d'humeur et d'un rictus maladif. Comme dans Infidèlement
vôtre (1948) de Preston Sturges ou comme chez Buñuel, son personnage de
bourgeois fantasme divers assassinats de sa femme: avec un poignard ou une arme
à feu, par noyade... La caractère burlesque du film est aussi renforcé par
l'utilisation d'accélérés. Peut être la légèreté, le cynisme du ton de Divorce à l'italienne étaient-ils
l'enrobage nécessaire pour faire passer la pilule de la critique sociale ?
23.09.2012.