Ancien
assistant d'Akira Kurosawa, Kihachi Okamoto s'inspire de Yojimbo
(1961) pour apporter
au jidai-geki une ironie nouvelle, assez proche de celle qui traverse le
western-spaghetti, perceptible dans des films comme Samouraï (1965), Le Sabre du Mal
(1966) ou encore Zatoichi contre Yojimbo (1970). Adapté de la même nouvelle que celle qui donnera
naissance à Sanjuro (1962), Kill ! va dans le même sens d'une démystification de cette
figure centrale du cinéma japonais qu'est
le samouraï.
Genta,
le personnage principal de Kill,
interprété par Tatsuya Nakadai, est un ancien samouraï devenu yakuza vagabond.
Il fait la connaissance sur la route d'un paysan un peu crétin (personnage
récurent que l'on aperçoit par exemple dans Les
Sept Samouraïs) qui a quitté son village pour devenir samouraï. Genta va
vivement le dissuader de poursuivre cette voie mais tous deux vont être impliqués
dans la répression d'un attentat politique à l'encontre un dignitaire corrompu.
Genta va se ranger du côté des samouraïs rebelles, retranchés en haut d'une
montagne dans une forteresse, alors que le paysan va être recruté par le
méchant vassal de la région.
Dans
la ligne droite du personnage du Sanjuro, Genta est un samouraï dépité: il
refuse de se livrer aux rites (comme ceux grossiers de la présentation) et son
opportunisme apparent lui apporte la méfiance de ceux qu'il veut vraiement
aider (il est vrai que le fourbe change fréquemment de camp). La société
féodale que présente Kill est en
pleine décomposition: le seigneur local engage des mercenaires pour faire le
sale boulot, lesquels mercenaires préfèrent être rémunérés que d'être adoubés
samouraïs; les samouraïs rebelles (du nombre de sept...) semblent agir pour une
noble cause (défendre les paysans exploités) mais derrière leur idéalisme se
cachent des dissensions qui apparaissent dès qu'est en jeu une femme ou du
saké.
Dans
ce monde de faux semblants, les codes ne sont qu'un farce: le paysan renoncera
finalement à son rêve de devenir samouraï et reprendra la route avec Genta. Comme
Sanjuro, Kill apparait donc comme moins désespéré que Yojimbo et voit une lueur d'espoir dans le refus de la nouvelle
génération à suivre la voie de l'ancienne. Du coté de la morale, Genta est en
réalité un homme bon. On sent donc chez Okamoto un humanisme proche de Kurosawa.
Au
delà de cette vision somme toute convenue de la démystification
du samouraï dans le cinéma nippon des années 60, ce qui étonne dans Kill, c'est le ton d'Okamoto qui alterne
les scènes comiques et tragiques. Le film s'ouvre ainsi par le spectacle des
deux protagonistes affamés (dont on entend les bruits de ventre) et qui courent
après des poules pour les manger; suivra ensuite une scène de combat violent où
l'on verra des bras et des doigts découpés. Cette cruauté s'inscrit également dans
la lignée de Yojimbo et on retrouve
de nouveau une bande-son de Masaru Sato, influencée par les musiques du western
spaghetti (la boucle est bouclée). On l'aura compris, Kill n'est pas vraiment neuf et constitue un jidai-geki
révisionniste gagné par le cynisme d'une époque.
26.10.12.