jeudi 1 novembre 2012

Iron Sky (2012) de Timo Vuorensola

 
            Encore inédit en France, Iron Sky a été diffusé dans le cadre de l'Etrange Festival au Forum des Images. Il est vrai que ce film finlandais trouve tout à fait sa place dans cette programmation qui privilégie la bizarrerie. A mi-chemin entre la comédie parodique et le film de science-fiction, Iron Sky surfe sur les élucubrations ésotériques au sujet du nazisme. Il s'inspire en effet d'une "urban mythology" née dès les années 40 et notamment développée par Louis Pauwels dans Le Matin des Magiciens (1960): à la fin de la seconde guerre mondiale, les nazis se seraient enfuis sur la lune où ils se cacheraient pour mieux préparer leur retour sur terre. Ces théories farfelues trouvent leurs fondements dans les spéculation autour de la base secrète de Peenemünde où les nazis produisirent les bombes volantes V1 et V2.
            Inspiré par les "pulp magazines" et la culture du serial, Iron Sky véhicule un style rétro-futuriste assez proche de Sky Captain and the World of Tomorrow (2004) de Kerry Conran. Le film associe en effet un passé vintage années 30-40 (les nazis, les zeppelins et les soucoupes volantes) avec une atmosphère datée de SF années 70: les scènes de bataille entre les vaisseaux spatiaux nazis et américains sont ainsi héritières de Star Wars[1]. Comme dans Sky Captain, l'invasion aérienne de New-York est inspirée par le chaos créé par King Kong. Comme Sky Captain, Iron Sky fait montre d'un amour des engins insolites et relève d'une culture geek. De même que Sky Captain était assez proche d'un jeux vidéo intitulé Crimson Skies, les producteurs d'Iron Sky ont déjà annoncé le développement d'un jeux-vidéo tiré du film. Dans les deux films, le visuel est hérité du comic mais est en fait modernisé par les effets spéciaux.
 
            Rentrés dans la culture populaire, les nazis ne sont plus une menace politique mais des personnages archétypaux de cinéma. Ceux d'Iron Sky sont présentés de façon caricaturale: comme dans les Indiana Jones, les nazis sont des grands méchants par excellence obséquieux, tout de cuir vêtus. Parfois, la musique plagie même Wagner pour bien confirmer le "folklore" nazi établi.
            L'humour d'Iron Sky joue sur le décalage culturel des nazis avec notre temps: ceux-ci sont surpris par l'acceptation des noirs, la culture du sexe, la disparition des grands idéaux... Les nazis ne trouvent pas d'équivalent dans notre société: les seuls individus qui arborent la croix gammée sont des vulgaires punks qui zonent à la sortie des boites de nuit. Les nazis en deviennent même un peu sympathiques à force d'anachronismes.
 
            Plus que les nazis, présentés comme de véritables "stock characters", ce sont les américains qui sont en fait le sujet de moqueries: la Présidente des Etats-Unis, une parodie de Sarah Palin, mise tous ses espoirs de réélection dans l'envoi d'un noir sur la lune, parce que c'est "cool" et que cela n'a jamais été fait. Lorsque le chef de l'état rencontre des nazis arrivés sur terre pour prêcher leur idées, il trouve en eux des excellents conseils pour la propagande. L'annonce de l'invasion nazie la ravit: tous les présidents de guerre ont été réélus ! L'Amérique se trouve donc incarnée et menée par un personnage aussi grossier qu'abject.
            Iron Sky va jusqu'au bout de sa mauvaise blague et se prête même à imaginer un conseil de sécurité de l'ONU réuni pour gérer l'invasion nazie. Ces séquences, proches du Docteur Follamour, sont un prétexte pour critiquer les défauts de chacun: le bellicisme américain, la neutralité pacifiste des pays nordiques, les prétentions douteuses de la Corée du Nord... Derrière la fantaisie apparemment bébête, se cache en fait un film qui brocarde l'Amérique contemporaine et les relations internationales en ce début de XXIème siècle.
 
22.09.2012.
 
 


[1] Timo Vuorensola, le réalisateur, s'est fait connaître grâce à une parodie de Star Strek intitulée Star Wreck.
A propos de Star Wars, notons également la ressemblance entre le costume des Stormtroopers et ceux des soldats la Wehrmacht munis d'un masque à gaz.