Encore inédit en France, Iron Sky a été diffusé dans le cadre de
l'Etrange Festival au Forum des Images. Il est vrai que ce film finlandais trouve
tout à fait sa place dans cette programmation qui privilégie la bizarrerie. A
mi-chemin entre la comédie parodique et le film de science-fiction, Iron Sky surfe sur les élucubrations
ésotériques au sujet du nazisme. Il s'inspire en effet d'une "urban
mythology" née dès les années 40 et notamment développée par Louis Pauwels
dans Le Matin des Magiciens (1960): à
la fin de la seconde guerre mondiale, les nazis se seraient enfuis sur la lune où
ils se cacheraient pour mieux préparer leur retour sur terre. Ces théories
farfelues trouvent leurs fondements dans les spéculation autour de la base
secrète de Peenemünde où les nazis produisirent les bombes volantes V1 et V2.
Inspiré par les "pulp
magazines" et la culture du serial, Iron
Sky véhicule un style rétro-futuriste assez proche de Sky Captain and the World of Tomorrow (2004) de Kerry Conran. Le
film associe en effet un passé vintage années 30-40 (les nazis, les zeppelins
et les soucoupes volantes) avec une atmosphère datée de SF années 70: les
scènes de bataille entre les vaisseaux spatiaux nazis et américains sont ainsi héritières
de Star Wars[1].
Comme dans Sky Captain, l'invasion
aérienne de New-York est inspirée par le chaos créé par King Kong. Comme Sky Captain,
Iron Sky fait montre d'un amour des
engins insolites et relève d'une culture geek. De même que Sky Captain était assez proche d'un jeux vidéo intitulé Crimson Skies, les producteurs d'Iron Sky ont déjà annoncé le
développement d'un jeux-vidéo tiré du film. Dans les deux films, le visuel est
hérité du comic mais est en fait modernisé par les effets spéciaux.
Rentrés dans la culture populaire, les
nazis ne sont plus une menace politique mais des personnages archétypaux de
cinéma. Ceux d'Iron Sky sont
présentés de façon caricaturale: comme dans les Indiana Jones, les nazis sont des grands méchants par excellence
obséquieux, tout de cuir vêtus. Parfois, la musique plagie même Wagner pour
bien confirmer le "folklore" nazi établi.
L'humour d'Iron Sky joue sur le décalage culturel des nazis avec notre
temps: ceux-ci sont surpris par l'acceptation des noirs, la culture du sexe, la
disparition des grands idéaux... Les nazis ne trouvent pas d'équivalent dans
notre société: les seuls individus qui arborent la croix gammée sont des
vulgaires punks qui zonent à la sortie des boites de nuit. Les nazis en
deviennent même un peu sympathiques à force d'anachronismes.
Plus que les nazis, présentés comme de
véritables "stock characters", ce sont les américains qui sont en
fait le sujet de moqueries: la Présidente des Etats-Unis, une parodie de Sarah
Palin, mise tous ses espoirs de réélection dans l'envoi d'un noir sur la lune, parce
que c'est "cool" et que cela n'a jamais été fait. Lorsque le chef de
l'état rencontre des nazis arrivés sur terre pour prêcher leur idées, il trouve
en eux des excellents conseils pour la propagande. L'annonce de l'invasion
nazie la ravit: tous les présidents de guerre ont été réélus ! L'Amérique se
trouve donc incarnée et menée par un personnage aussi grossier qu'abject.
Iron
Sky va jusqu'au bout de sa mauvaise
blague et se prête même à imaginer un conseil de sécurité de l'ONU réuni pour
gérer l'invasion nazie. Ces séquences, proches du Docteur Follamour, sont un prétexte pour critiquer les défauts de
chacun: le bellicisme américain, la neutralité pacifiste des pays nordiques,
les prétentions douteuses de la Corée du Nord... Derrière la fantaisie apparemment
bébête, se cache en fait un film qui brocarde l'Amérique contemporaine et les
relations internationales en ce début de XXIème siècle.
22.09.2012.
[1]
Timo Vuorensola, le réalisateur, s'est fait connaître grâce à une parodie de Star Strek intitulée Star Wreck.
A propos de Star Wars, notons également la
ressemblance entre le costume des Stormtroopers et ceux des soldats la
Wehrmacht munis d'un masque à gaz.