Vincent Price, vedette de
films d'horreur, a toujours eu l'ambition d'être un grand comédien. Déjà, dans La Tour de Londres (1962) de Roger
Corman, il cabotinait dans le rôle de Richard II suave: il accentuait par une
prononciation suave et des mimiques grotesques des dialogues lointainement
inspirés de Shakespeare. Mais, le comédien, outrancier, est demeuré durant
toute sa carrière un histrion sans retenue.
Dans l'excentrique Théâtre de Sang, Vincent Price incarne
un acteur de théâtre, spécialisé dans la tragédie shakespearienne. Las d'être
éreinté par la critique, il orchestre un faux suicide pour mieux assassiner
ceux qui ont détruit sa carrière. Chaque meurtre est conçu en référence aux
épisodes morbides des tragédies de Shakespeare: douze coups de poignard comme
dans Jules César, incitation au crime
passionnel comme dans Othello,
dégustation des êtres aimés comme dans Titus
Andronicus, noyade comme dans Richard
III...
Le film d'horreur, volontiers
trash, se mélange donc avec la comédie macabre, et la révision didactique de
l'œuvre du célèbre dramaturge anglais. Le choix de Vincent Price dans le rôle
d'un mauvais acteur décidé de prendre sa revanche s'avère tout à fait approprié.
L'interprétation de Price ainsi que les éléments horrifiques grossiers de Théâtre de Sang sont dans le ton pour
revigorer le théâtre granguignolesque de Shakespeare.
Malicieux, le film de Douglas
Hickcox questionne la qualité du jeu comique en nous offrant le spectacle d'un
acteur qui vit pleinement son rôle, confondant fiction et réalité. Au fond, le
pathétique acteur ne devient-il pas meilleur juste en apportant un soupçon de vérité
irrémédiable, non simulée: des cris, de la violence et du sang. Certes, l'acteur
demeure cabotin et tient trop à cœur son rôle de méchant mais lorsque l'on sait
qu'il tue, il nous effraye véritablement au lieu de nous faire rire.
Avec ce questionnement amusant
et ses références lettrées, Théâtre de
Sang transcende ainsi le simple film d'horreur. Plusieurs critiques ont
d'ailleurs relevé la comparaison entre le film d'Hickox et L'Abominable Dr. Phibes (1971) de Robert Fuest, autre film tourné
par Vincent Price en Angleterre: on y retrouve l'idée d'un protagoniste supposé
mort qui prend sa revanche et tuant plusieurs victimes en référence à des morts
de fictions (ici, il s'agit des plaies de l'Egypte dans la Bible). L'esthétique
seventies, un peu "camp" et influencé par la télévision, semble
également assez similaire.
25.10.12.