Ancien assistant réalisateur de
François Truffaut et de Jean-Luc Godard, Claude Miller passe à la réalisation
en 1975 avec La Meilleure façon de
marcher. Il transpose ensuite Patricia Highsmith avec Dites-lui que je l'aime (1977) et adapte un auteur britannique de
polars, John Wainwright, avec Garde à Vue.
Grand succès au box office français lors de sa sortie, le film de Miller frappe
par la nervosité de son scénario, le jeu de ses acteurs et son discours engagé
pour une la réforme de la procédure pénale.
Garde
à Vue est un huis-clos policier: la nuit du réveillon, dans un commissariat
de province, un inspecteur de police "cuisine" un notable, placé en
garde à vue parce qu'il est suspecté dans une affaire de viol sur mineurs.
L'unité de temps et de lieu peut paraître théâtrale mais contribue en fait à
renforcer l'impression d'étouffement que ressentent les personnages mais aussi
peu à peu le spectateur.
La lassitude des protagonistes, leur
fatigue apparente, est soutenu par le physique des acteurs, Lino Ventura (le
commissaire) et Michel Serrault (le mis en examen), aux yeux pochés et au
regard hagard. Servis par les dialogues brillants de Michel Audiard, les deux comédiens
fascinent par leurs changements d'émotions et de tons: Ventura paraît tour à
tour compréhensif et ferme alors que Serrault alterne le comportement d'une
victime avec celui d'un coupable.
L'ambigüité sur la culpabilité du
personnage de Serrault persiste jusqu'à la toute fin du film. Garde à Vue se termine en effet par un retournement
de situation surprenant qui pourra agacer certains: alors que le notable avoue
avoir commis les crimes, on découvre des cadavres de jeunes filles dans le
coffre d'une voiture d'un nouveau suspect. Par ce "twist", le
scénario de Claude Miller et du romancier Jean Herman dénonce la garde à vue
comme une procédure dangereuse, qui mène à bout de nerf les inculpés et les
conduit à avouer n'importe quoi.
Sur le plan politique, Garde à Vue étonne: au lieu d'explorer la
saleté de la psyché des policiers à l'instar de The Offence (1973) de Sidney Lumet, il préfère traiter de la
procédure. En effet, les policiers sont dans une certaine mesure
irréprochables: seul l'adjoint du commissaire, un flic interprété par Guy
Marchand, se laisse aller et tabasse le suspect le temps d'un instant, ce qui
lui sera fortement reproché. Les méandres de la psychologie n'en sont pas pour
autant absentes: le comportement d'une épouse haineuse (jouée par Romy
Schneider dans son avant-dernier rôle), perturbe l'objectivité de la situation.
Depuis, la garde à vue à été de
nombreuses fois réformée et la personne mise en examen a le droit d'être
d'assisté par un avocat. Mais la garde à vue demeure un drame psychologique, un
rapport de force où l'homme se retrouve seul face à l'ordre et à ses incriminations.
02.09.2012.