samedi 25 août 2012

Kenkei tai soshiki boryoku / Police contre Syndicat du Crime (1975) de Kinji Fukasaku


            Dans la filmographie de Fukasaku, Police contre Syndicat du Crime sort après la série des cinq Combats sans code d'honneur (1973-1974) et le crépusculaire Cimetière de la morale (1975). Comme Guerre des Gangs à Okinawa (1971), ce jitsuroku (film de yakuza moderne) marche sur les pas de Melville et de Peckinpah.
 

            Au lieu de dépeindre le quotidien d’un gang, Police contre Syndicat du Crime décortique les liens que tissent les flics et les mafieux et, dans une moindre mesure, les hommes politiques (un adjoint au maire est associé aux yakuzas). Le film met en scène deux amis séparés par la loi: Kuno (Bunta Sugawara) est commissaire de police alors que Hirotani (Hiroki Matsukata) est gangster. Kuno est devenu flic après la guerre parce que c'était le seul métier qui pouvait lui procurer à la fois du pain et une arme. D'emblée, les motivations initiales qui ont mené Kuno à se ranger du côté de la loi sont douteuses.
            Police contre Syndicat du Crime ressemble à une variation sur Un flic (1971) de Melville. Selon Fukasaku, les différences entre policier et gangster sont poreuses: "flic ou yakuza, c'est pareil; seules les règles changent" déclare un des personnages. Les deux mondes se connaissent, se respectent et s'apprécient. Ils boivent même ensemble et, dans un séquence de beuverie, les yakuzas sont ramenés chez eux en voiture de police ! Leurs comportements (violents et impulsifs) sont similaires et mènent à une confusion des identités. Dès lors, on ne s'étonnera pas de voir un policier déchu passer du côté de la mafia. Le choix pour interpréter le personnage du flic de l'acteur Bunta Sugawara, habitué aux rôles de gangsters incontrôlables, contribue fortement à la théorie principale du film. 

            Police contre Syndicat du Crime fait également penser au crépuscule qui est au cœur du cinéma de Sam Peckinpah. En effet, un jeune inspecteur intègre, tout droit sorti de l'école, est spécialement envoyé pour lutter contre les gangs: sa mission le conduit à démanteler la corruption qui sévit dans les forces de l'ordre. La confusion, le flou entre flic et gangster tend ainsi à disparaître car Kuno ne parvient plus à défendre son ami. Désormais, il faut choisir son camp: la police ou le milieu. Il n'y a plus d'entre deux, plus de règles et de valeurs partagées, une page de l'histoire du crime se tourne.
            Ainsi, Kuno finit par abattre Hirotani en public, devant une foule et des journalistes déchainés. Comme dans Pat Garrett et Billy le Kid (1973), le final, pessimiste et tragique, constate l'impossibilité de faire perdurer une amitié dans les temps nouveaux. Comme Pat Garrett, Kuno finira par être descendu à son tour après avoir donné la mort à son ami. 
 

            Fukasaku, qui n'avait jusque là pas vraiment abordé la police dans ses films, contrevient à cette carence. A mi chemin entre Melville et Peckinpah, Police contre Syndicat du Crime reste un jitsuroku exemplaire: un film de genre violent, peuplé d'êtres sombres et emmené par une musique tonitruante.

07.08.2012.