Dans
la filmographie de Fukasaku, Police
contre Syndicat du Crime sort après la série des cinq Combats sans code d'honneur (1973-1974) et le crépusculaire Cimetière de la morale (1975). Comme Guerre des Gangs à Okinawa (1971), ce
jitsuroku (film de yakuza moderne) marche sur les pas de Melville et de
Peckinpah.
Au lieu de dépeindre le quotidien
d’un gang, Police contre Syndicat du
Crime décortique les liens que tissent les flics et les mafieux et, dans
une moindre mesure, les hommes politiques (un adjoint au maire est associé aux
yakuzas). Le film met en scène deux amis séparés par la loi: Kuno (Bunta
Sugawara) est commissaire de police alors que Hirotani (Hiroki Matsukata) est
gangster. Kuno est devenu flic après la guerre parce que c'était le seul métier
qui pouvait lui procurer à la fois du pain et une arme. D'emblée, les
motivations initiales qui ont mené Kuno à se ranger du côté de la loi sont
douteuses.
Police
contre Syndicat du Crime ressemble à une variation sur Un flic (1971) de Melville. Selon Fukasaku, les différences entre
policier et gangster sont poreuses: "flic ou yakuza, c'est pareil; seules
les règles changent" déclare un des personnages. Les deux mondes se
connaissent, se respectent et s'apprécient. Ils boivent même ensemble et, dans
un séquence de beuverie, les yakuzas sont ramenés chez eux en voiture de police
! Leurs comportements (violents et impulsifs) sont similaires et mènent à une confusion
des identités. Dès lors, on ne s'étonnera pas de voir un policier déchu passer
du côté de la mafia. Le choix pour interpréter le personnage du flic de
l'acteur Bunta Sugawara, habitué aux rôles de gangsters incontrôlables,
contribue fortement à la théorie principale du film.
Police
contre Syndicat du Crime fait également penser au crépuscule qui est au cœur
du cinéma de Sam Peckinpah. En effet, un jeune inspecteur intègre, tout droit
sorti de l'école, est spécialement envoyé pour lutter contre les gangs: sa
mission le conduit à démanteler la corruption qui sévit dans les forces de
l'ordre. La confusion, le flou entre flic et gangster tend ainsi à disparaître
car Kuno ne parvient plus à défendre son ami. Désormais, il faut choisir son
camp: la police ou le milieu. Il n'y a plus d'entre deux, plus de règles et de
valeurs partagées, une page de l'histoire du crime se tourne.
Ainsi, Kuno finit par abattre Hirotani
en public, devant une foule et des journalistes déchainés. Comme dans Pat Garrett et Billy le Kid (1973), le
final, pessimiste et tragique, constate l'impossibilité de faire perdurer une
amitié dans les temps nouveaux. Comme Pat Garrett, Kuno finira par être
descendu à son tour après avoir donné la mort à son ami.
Fukasaku, qui n'avait jusque là pas vraiment
abordé la police dans ses films, contrevient à cette carence. A mi chemin entre
Melville et Peckinpah, Police contre
Syndicat du Crime reste un jitsuroku exemplaire: un film de genre violent,
peuplé d'êtres sombres et emmené par une musique tonitruante.
07.08.2012.