Après l'Angleterre (Match Point, Scoop, Le rêve de Cassandre),
l'Espagne (Vicky Cristina Barcelona)
et la France (Minuit à Paris), Woody
Allen continue son périple européen et plante sa caméra sous le soleil
d'Italie. To Rome with Love met en
scène quatre sketchs dont le seul point commun semble être que l'action est
située à Rome.
Dans la première histoire, on suit
la rencontre entre un vieux couple d'américains qui débarque à Rome pour
rencontrer leur future belle famille, italienne. Comme les beaux-parents de Midnight in Paris qui ne voyaient de la
capitale que le Bristol, le ménage de touristes est pour Allen un prétexte pour
moquer le comportement des américains à l'étranger: l’ethnocentrisme évident,
la peur irréductible du communisme, la recherche systématique du profit. La
mère, une Judy Davis aux allures de Diane Keaton, est psychiatre, le père,
interprété par Woody Allen (de retour à l’écran
pour la première fois depuis Scoop),
est une parodie d'intellectuel new-yorkais: il s'agit d'un metteur en scène
d'opéras avant-gardiste, réputé pour une version du Rigoletto où les comédiens
sont déguisés en souris blanches. Le temps passe mais Woody Allen joue son
personnage de toujours: ronchon, lâche, famélique, bourré de mimiques....
Lorsqu'il découvre que son beau-père
chante merveilleusement bien sous la douche, Allen lui propose de passer une
audition. Intimidé par le public, l'homme à la voix de baryton échoue. Pour
pallier à sa timidité, Allen trouve une parade: l'italien devra toujours
chanter sous sa douche. Le burlesque de la situation est poussé jusqu'au bout !
Ce sketch est de toute évidence le plus
en accord avec l’esprit "allenien" des années 60-70, quand le
cinéaste se posait en héritier de Groucho Marx.
Le second sketch décrit les
tourments amoureux d'un jeune américain étudiant à Rome qui devient attiré par
la copine de sa petite amie. Cette partie fait penser aux récents films d'Allen
où le cinéaste essaye d’insuffler une bouffée d'air frais dans son cinéma avec
des acteurs jeunes et sexys. Ainsi, à côté de Jesse Eisenberg, le Mark
Zuckerberg du Social Network, Ella
Page, alias Miss Juno, joue une
actrice délurée qui attend le rôle de sa vie. Un jour, le candide étudiant
rencontre un architecte interprété par Alec Baldwin, un sage au regard fatigué,
un fin connaisseur des ficelles du jeu amoureux. Dès lors, les scènes de
romance sont interrompues par les discussions fictives du jeune homme avec le
fantôme de l'homme aguerri en amour. On peut y voir une poursuite du dialogue
maitre-élève, à la limite du fantastique, de Play It Again, Sam ? (1972). Bien écrit et interprété, ce
sketch séduit dans l'ensemble.
Dans un troisième sketch, Roberto
Benigni joue un quidam qui devient sans aucune raison une star du jour au
lendemain[1].
Allen critique la super médiatisation de notre société où des personnes
deviennent célèbres sans que l'on sache vraiment pourquoi. On leur demande leur
avis sur tout, même sur des choses bénignes et la gloire, éphémère, peut
s'effondrer en un instant. D'abord agacé par ce jeu absurde, le personnage
finit par regretter ses anciens privilèges, une fois sa célébrité dépassée. Ce
sketch sur les dérives de la notoriété, thématique déjà abordée par le cinéaste dans Celebrity (1998), trouve tout à fait sa
place dans l'humour absurde allenien.
Le quatrième sketch semble être le
seul qui justifie le cadre italien. Dans cette péripétie, un couple d'italiens se
perd dans Rome: le jeune marié fait passer une prostituée pour sa femme devant
sa famille; son épouse finit dans le lit d'un acteur de cinéma mais couche avec
un voleur qui voulait dévaliser la vedette. Quiproquos et théâtre de vaudeville
avec amants cachés dans les placards: le
sketch semble héritier de la commedia dell'arte.
Les sketchs ne se recoupent donc
pas, tant dans les récits que dans leurs sujets. Peut-être que Allen a voulu
recréer l'esprit de l'âge d'or des films à sketchs dans le cinéma italien des
années 60 ? Toujours, est-il que de cette confusion (profusion ?) découle
un regrettable manque d’unité. A ce défaut majeur s'ajoute une vision de Rome,
aussi cliché que l’était celle de Paris dans l'avant dernier film de Woody
Allen. Le film s'appelle tout de même To
Rome with Love, s'ouvre avec Volare
en bande sonore et nous montre la ville touristique que tout le monde connait:
le Colisée, le monument de Victor Emmanuel II, la fontaine de Trevi, la place
d'Espagne... Rome n'est rien d'autre qu'un cadre romantique, un paysage pour les
badinages que nous propose Allen.
To
Rome with Love ressemble beaucoup aux
autres derniers films du new-yorkais binoclard: dans deux sketchs, des
touristes américains se perdent et marivaudent dans une Europe de carte postale
comme dans Vicky Cristina Barcelona
ou Minuit à Paris. Le film est
sympathique mais le spectateur assidu des rites alleniens a vraiment
l'impression de tourner en rond. New-yorkais qui a atteint l’universalité en
croquant une communauté spécifique, Woody Allen est devenu le directeur d’un
cirque ambulant, actuellement en tournée en Europe. Prochaine étape ?
14.08.2012.
[1] Ce sujet est
strictement le même que Superstar de
Xavier Giannoli avec Kad Merad, qui sort bientôt sur nos écrans.