jeudi 12 juillet 2012

Adieu Berthe, l’enterrement de Mémé (2012) de Bruno Podalydès

Le plaisir que procure la vision des films de la fratrie Podalydès vient du fait que Bruno et Denis nous tendent le miroir de nos existences familiales très communes. Dieu seul me voit (1998) et Liberté Oléron (2001) dressaient avec tendresse le portrait d’un père de famille quarantenaire dépassé par la vie et par ses responsabilités. Le dernier film en date du duo, Adieu Berthe, l’enterrement de Mémé, présente des personnages et des situations d’une banalité similaire, et traduit une plaisante continuité.

Dans Adieu Berthe, Denis Podalydès est Armand, un pharmacien de Chatou, dans les Yvelines. Un rien lunaire, le crâne dégarni, il parcourt la ville en trottinette électrique. Il échoue à communiquer avec son geek de fils ainsi qu’avec son père (amusant Pierre Arditi), un malade d’Alzheimer qui ne pense qu’à boire. Le cœur d’Armand est partagé entre deux femmes : d’un côté, il ne veut pas quitter son épouse (touchante Isabelle Candelier) parce qu’il l’aime encore et parce qu’il vit au crochet de sa belle famille ; de l’autre, il a une maîtresse fantasque et envahissante (Valérie Lemercier, toujours aussi épatante). Incapable de prendre une décision, cet éternel adolescent vit dans le compromis mais se réfugie dans des illusions. La mort de Berthe, sa mémé, va bouleverser son quotidien et mettre en péril l’équilibre de cette double vie. 
Les frères Podalydès, auteurs d’un cinéma subtil, fait de détails, jettent un regard ironique sur le trivial, s’amusant des emmerdes d’Armand et riant de ses textos. Bien sûr, ils moquent le débat récurrent dans notre société entre incinération et enterrement mais surtout, ils s’en donnent en particulier à cœur joie pour tourner en dérision l’univers sordide des pompes funèbres et le caractère grotesque de ces moments douloureux que sont les enterrements. Les Podalydès critiquent la marchandisation de la mort : « dead line » pour l’achat de pierres tombales, revente de cercueils sur ebay, urnes qui ressemblent à des thermos, enterrements cheap ou cérémonie de luxe avec bières « high tech » et éclairages « twilight » spectaculaires. Michel Villermoz, coutumier de bande Podalydès, use de son physique et de sa diction étrange étranges pour incarner un grand maître de la mort, tout de noir vêtu.
Derrière la comédie d’humour noir, Adieu Berthe recèle des interrogations plus profondes. Que laisse un individu à sa mort ? Que savons-nous de nos ascendants ? Cachottière, Mémé Berthe emporte bien des secrets dans sa tombe. Mais, au terme de ces quelques jours drolatiques de préparation de l’enterrement, Armand retient une leçon de sa vieille grand mère : il faut ré-enchanter la vie, donner à chaque jour un peu de magie. Berthe, en son temps, avait espéré partir avec un prestidigitateur. Armand, lui, fait des tours de magie pour épater la fille de sa maitresse et tient probablement cette passion de son aïeule.   Acceptant d’illusionner (et de s’illusionner), Armand refusera finalement de choisir entre ses deux amours et promettra, en un brillant tour de passe-passe, à chacune de revenir… La vie, un peu absurde, souvent grotesque, doit être transformée par l’illusion, nous dit Adieu, Berthe. Comme dans un tour de magie, il faut briller avant de disparaître. Il faut faire de son cercueil une malle des Indes.

Toujours très juste, Adieu Berthe, l’enterrement de Mémé émeut par son regard tendre et moqueur. Il touchera d’autant plus le spectateur si celui-ci a déjà vécu la mort d’un proche et l’embarras d’un enterrement.

26.06.12.