Après
The Big Boss (1971) et La Fureur de Vaincre (1972), La Fureur du Dragon est le troisième film de Bruce
Lee en vedette. Pour l’occasion, le comédien se fait scénariste,
réalisateur et producteur pour la première fois de sa brève carrière. Considéré
comme un grand classique du film de kung fu, le film ne nous a pas vraiment
convaincu.
Contrairement
aux autres films de Bruce Lee, La Fureur du dragon adopte un ton
résolument comique. Et il faut dire que ce choix représente un handicap pour le
film. Bruce Lee joue un jeune
hongkongais qui arrive à Rome pour aider le propriétaire d'un restaurant
chinois assailli par la mafia. Le personnage de Bruce Lee est un idiot
fini : il gargouille du ventre, demande constamment où sont les toilettes
et ne pense qu’à manger. Ce paysan ne comprend rien aux mœurs locales et est
sensé susciter l’hilarité à ses dépends.
Le film s’attarde dans le registre comique et retarde
malicieusement l’arrivée de l’action.
Dans sa seconde moitié, La Fureur du
Dragon accumule les séquences de bagarres. La prédominance de l’action et
la sottise sans appel du scénario[1]
donnent au spectateur un sentiment d’abrutissement. La récurrence des mêmes
décors kitsch (le bureau du méchant, l’auberge sordide où bosse Bruce Lee et
l’appartement de sa copine) n’est même pas contrebalancée par les plans tournés
en décors naturels, peu nombreux et privilégiant une Rome de carte postale.
Si le film s’amuse de l’inadaptation de son héros,
incapable de saisir l’attrait des jardins romains ou les comportements des
italiens, La Fureur du dragon véhicule surtout un refus de l’Occident. Le grand méchant,
américain, est un patron capitaliste caricatural, lui-même affublé d’un sbire
chinetoque jouant la grande folle. Les autres américains sont soit les hommes
de main du méchant, gros bras sans cervelle[2], soit
des touristes naïfs. A la vilenie des gangsters répond la pureté du personnage
principal, corollaire de sa simplification et comparable à celle d’un enfant.
Le film se clôt par une citation du héros prônant la loi du fort. Face à un
Occident cupide et décadent, la Chine a trouvé le prophète de son avènement
futur : Bruce Lee !
Restent alors les scènes action, plutôt spectaculaires (les
ralentis ainsi que le physique et le talent de Bruce Lee y contribuent) mais
assez « assommantes ». Le final confronte Bruce Lee à Chuck Norris
dans un décor bidon de Colisée et- s’achève bien évidemment par la victoire de
l’asiatique. Dans cette séquence (entre autres), le film subit l’influence du
western spaghetti : gros plans sur les yeux à la façon de Sergio Leone et
plagiat de la musique d’Il était une fois dans l’Ouest (guitare
dissonante et chœurs de femmes) sont de rigueur pour filmer le personnage de
Chuck Norris.
Oscillant entre un humour nigaud et une action débile, La
Fureur du dragon de Bruce Lee relève clairement du cinéma bis. Mais, comme
souvent, si le divertissement est bête, il n’est pas sans charme. On
préfèrerait voir Opération Dragon,
destiné au marché américain et que l’on dit délesté du comique bas de gamme.
06.07.12.
[1] A la fin, l’oncle de la copine de Bruce Lee, le cuisinier du restaurant, se retourne contre le dieu du kung fu car il préfère que son restaurant ferme : il pourra ainsi obtenir une prime de licenciement ! A ce retournement de situation, le spectateur ne sait s’il faut rire ou pleurer.
[2] Pour
vaincre Bruce Lee, le méchant fait appel à deux experts du kung fu : si le
premier, joué par Chuck Norris, est un américain, le second, sans surprise, est
un japonais, représentant d’une nation ennemie séculaire de la Chine.