Le
cinéma canadien ne nous est pas très familier : on sait que quelques
natifs ont fait leurs preuves à Hollywood[1]
et on connaît quelques metteurs en scène anglophones (Bob Clark, David
Cronenberg) ou francophones (Denys Archand, Jean Marc La Vallée ou Xavier
Dolan). Starbuck est le deuxième film de Ken Scott, le scénariste de La
Grande Séduction (2003) de Jean-François Pouliot. Le sujet et le ton, pour
le moins originaux, nous ont séduit.
« Starbuck »
est le pseudonyme sous lequel David Wozniak a donné son sperme pour une
clinique, devenant ainsi malgré lui le géniteur de 533 enfants.
David,
livreur de la boucherie familiale, est un personnage de looser, pathétique et
attachant. Eternel adolescent, ce québécois quarantenaire aux origines
polonaises accumule les mauvais choix, porte des t-shirt de geek, cultive du
cannabis dans son appartement et est poursuivi par des gangsters dont il est
débiteur.
Lorsqu’une
centaine de ses descendants essaye de forcer la clinique de fertilité à révéler
la véritable identité de « Starbuck », David essaye de reprendre sa
vie en main. Quand il reçoit les dossiers des individus en question, il ne peut
résister à la tentation de les survoler pour apercevoir qui ils sont.
Anonymement, il devient leur ange gardien et découvre la diversité des hommes
et femmes à qui il a pu donner vie : un footballer talentueux, un serveur
qui rêve d’être acteur, un maître nageur, un gay, un gothique, une suicidaire,
un handicapé… Il s’invite même en cachette à un week-end organisé par et pour
les « enfants de Starbuck ». Après plusieurs péripéties, David
Wozniak finit par révéler son identité et ce, le jour même où sa petite amie
accouche de leur premier enfant.
Posant
le problème de la difficulté de passer à l’âge adulte, Starbuck n’est
pas éloigné des préoccupations du jeune cinéma américain indépendant. La
comédie de Ken Scott épouse une philosophie similaire à celle des films de Wes
Anderson : on ne quitte l’enfance que quand on devient soi-même
père ; la famille n’est pas soudée par les gênes mais par les liens que
l’on tisse avec ses proches.
Ce
récit d’apprentissage, confiant dans les valeurs de la famille ou la capacité
de chacun à changer et grandir, paraît parfois bien raisonnable. Mais l’absurdité
de la situation initiale est poussée jusqu’à son extrême : l’affaire est
médiatisée, donnant lieu à un procès et à un débat de société. Le scénario est
brillant et l’humour, toujours présent, côtoie des situations plus dramatiques.
De plus, l’originalité du ton est renforcée pour le spectateur français par les accents québécois. Avec Starbuck,
on découvre un Canada bizarre : une société américanisée, un peu
folklorique et peuplée de gens en quête d’une illusoire et inatteignable
normalité.
Partant
d’une idée originale délirante et amusante, Starbuck va jusqu’au bout de
son sujet et ne déçoit pas.
12.07.12.
[1] Citons parmi
eux: Mack Sennett, Allan Dwan, Mark Robson, Arthur Hiller, Norman Jewison,
Sidney Furie, Ted Kotcheff, Roger Spotiwood, Jason et Ivan
Reitman, James
Cameron, Mary Harron ou encore Paul Haggis.