mercredi 30 mars 2011

La Strada (1954) de Federico Fellini




         Avec La Dolce Vita et Huit et demi, il s’agit d’un des films les plus célèbres de Fellini. Quatrième film du réalisateur italien après Les feux du Music-hall (déjà sur le monde du spectacle), Le Courrier du Cœur (comédie fantaisiste) et Les Vitelloni (son premier grand succès, tant critique que public), La Strada a conforté la carrière de Fellini et lui a valu son premier oscar du meilleur film étranger.

         L’œuvre illustre pour Fellini la transition entre le néo-réalisme (vision misérabiliste et documentaire de l’Italie d’après guerre) et une vision plus féérique et onirique du monde. Le film est centré sur un trio : Gelsomina, une simple d’esprit (Giuletta Masina, la femme de Federico) assiste un forain brutal dénommé Zampano (Anthony Quinn) qui présente un spectacle de briseur de chaines. Le tandem va de ville de ville jusqu’à ce que leur route croise un clown funambule (Richard Basehart) qui propose à la jeune fille de quitter son maître…
         La Strada peint avec attendrissement et subtilité des marginaux qui ne savent pas exprimer leur amour. Bien qu’elle soit attardée, Gelsomina se pose de vraies questions existentielles, s’interrogeant sur sa propre utilité. « Si un caillou sert à quelque chose, je dois bien servir à quelque chose moi aussi » ne cesse-t-elle de se répéter. Manifestement attirée par le clown, elle préfèrera cependant rester auprès de Zampano qui a besoin d’elle. La brute au cœur d’or va la rejeter et ne se rendra compte que trop tard de son erreur. Quant au clown, il a l’air gentil, vraiment amoureux mais on le devine aussi un peu intéressé, voire salace.
         Au premier abord, on discerne dans La Strada un mélodrame légèrement tire-larmes. Pourtant, le film se révèle être un véritable road movie en ce sens que le périple spatial des personnages trouve un écho dans leur trajectoire morale. Au terme de la route, le rêve de solitude de Zampano s’avérera une illusion. Fellini nous offre donc une métaphore de la vie comme une route (la strada du titre), une errance sans fin, marquée par des spectacles répétitifs et grotesques, scandée par les rires et par les pleurs. Dans La Dolce Vita, Fellini gardera le même propos pessimiste mais changera d’image : il comparera la vie à une fête délirante sans cesse renouvelée malgré des lendemains douloureux.

         Quand on voit les films suivants de Fellini (La Dolce Vita, Huit et Demi, la Cité des Femmes), on peut se demander si leur mélancolie n’est pas la nostalgie de la pureté de la Strada que Fellini rêverait de retrouver. Avec La Strada, naissait l’essence du cinéma fellinien : des mouvements de caméra gracieux, la musique lyrique de Nino Rota, le jeu chaplinesque de Giuletta Masina. A l’heure où tant de films anciens font hâtivement figure de classique, voilà un film qui mérite ce titre.

30.03.2011