samedi 19 mai 2012

L'Eclisse / L’Eclipse (1962) de Michelangelo Antonioni

  
L’Aventura (1960), La Nuit (1961) et L’éclipse (1962) sont souvent envisagés comme formant une trilogie parce que les trois films présentent des couples hantés par la disparition de l’amour, voire la disparition tout court. Dans L’Aventura, une femme s’évanouit dans le paysage. Dans La Nuit, l’amour agonise le temps d’une soirée. Dans L’Eclipse, le couple « s’éclipse ».
A cause de ces trois films, Michelangelo Antonioni est réputé être un cinéaste dont la thématique principale serait celle de l’incommunicabilité entre les êtres. Peintre du vide et du silence, il s’avère être un observateur minutieux de la froideur d’un monde moderne et étouffant. Les sentiments et l’atmosphère vont de pair, sans que l’on sache ce qui est cause et ce qui est conséquence.

 
L’éclipse commence là La Nuit semble s’arrêter : par la séparation d’un couple. Cet incipit audacieux devient vite insupportable pour le spectateur : la longueur et la fixité des plans rendent la scène interminable. La dispute de la veille nous a été épargnée et c’est l’air pesant qui règne dans la pièce (où se déchire le ménage) qui révèle toute la lassitude d’un couple épuisé, à bout. Lascifs, l’homme comme la femme, bougent peu et seul un vent léger, engendré par un ventilateur électrique, insuffle un souffle de vie dans cette atmosphère moribonde.
On retrouve alors cette douleur de l’incommunicabilité: Vittoria décide de quitter son fiancé, sans qu'elle puisse lui expliquer pourquoi ni depuis quand elle ne l'aime plus. Elle ne parviendra pas par la suite à avouer cette rupture à sa mère, qui ne l'écoute pas, trop occupée à suivre le cours de ses actions. Le monde de la Bourse offre un contrepoint saisissant à l’univers silencieux de Vittoria: si les individus utilisent désormais la parole, ce n’est que pour vociférer afin de participer à un jeu aussi cacophonique qu’absurde.
Ensuite, la romance qui naît entre Vittoria et le beau Piero nous paraît vite illusoire. Les deux personnages se rejoignent pourtant dans leur futilité. Vittoria, la bourgeoise sentimentale, passe son temps à ne rien faire. Antonioni dresse le portrait d’une femme constamment indécise (qui « ne sait pas ») et se rapproche de la « misogynie » du cinéma de Jean-Luc Godard[1]. Piero, lui, est le représentant d’un monde capitaliste matérialiste et cupide, caractérisé par l’hyperactivité. 
 
Antonioni nous présente donc des personnages vains, ayant des relations fragiles voire inexistantes les uns avec les autres. Ceux-ci sont perdus dans un paysage urbain souvent glauque. Par la photographie en noir et blanc et son choix de filmer une architecture moderne et froide, Antonioni nous montre un monde triste. Le seul échappatoire de nos protagonistes, ce sont des photos d’un pays africain lointain, presqu’imaginaire. Et les rares instants de bonheur (une danse exotique interrompue, la marche grotesque à deux pates d’un chien égaré,  les mamours puérils du jeune couple) sont tellement peu nombreux que le spectateur les vit comme un moment extraordinaire.
Ce monde insignifiant se révèle être un vide. Et pour Antonioni, la tentation est celle de l’abstraction. Déjà au milieu du film, Vitoria traversait le nuit comme dans un rêve et se retrouvait face à des tiges géantes, se balançant au grès du vent, tels de véritables œuvres d’art étranges. L’éclipse, c’est finalement la disparition des protagonistes qui, sans s’être concertés, ne se reverront jamais, laissant leur relation à l’abandon comme le symbolise la maison en construction inachevée qui constituait le lieu de leur rendez-vous. L’effacement des personnages apparaît comme l’aboutissement de la déconstruction, de l’annulation du récit. La nuit tombe, le monde suit son cours et c’est sur une image de lumière électrique (un réverbère s’allume) que se clôt le film. Seule subsiste la réalité matérielle.

 
En nous exposant l’évaporation des sentiments et la consumation des personnages, L’éclipse nous hypnose. Comme L’Aventura ou Le Désert rouge, le film apparaît comme un sommet de la période italienne d’Antonioni.

 

 

10.05.12.

 

[1] Idée renforcée par la même utilisation d’une actrice/compagne : Anna Karina pour Godard, Monica Vitti pour Antonioni.

Triumph Des Willems / Le Triomphe de la Volonté (1935) de Leni Riefenstahl


En mai 1932, Leni Riefenstahl, actrice vedette de films de montagne (La Montagne sacrée, L’enfer blanc du Piz Palü, La Lumière bleue…), aurait rencontré pour la première fois Adolf Hitler. Après son accession au pouvoir, Hitler demande à Riefenstahl de filmer les congrès du parti nazi qui se tiennent à Nuremberg : ce sera Sieg des Glaubens (La Victoire de la Foi) sur le congrès de 1933, Triumph des Willens (Le Triomphe de la volonté) sur le congrès de 1934 et Tag der Freiheit: Unsere Wehrmacht (Jour de la Liberté : Nos Forces de Défense) sur le congrès de 1935.
Le nombre de participants (plus de 700 000 supporters sont réunis) et les techniques de Riefenstahl font du Le Triomphe de la Vérité, sur le 6ème congrès du Parti, le film de propagande le plus impressionnant du cinéma nazi. Le Triomphe de la Vérité serait un des plus grands films de l’histoire du cinéma, une réputation renforcée par la difficulté à pouvoir le visionner.


D’un point de vue technique et cinématographique, Le Triomphe de la Vérité s’avère spectaculaire. Seize équipes de tournage sont ainsi mobilisées (avec Walter Ruttmann parmi les techniciens). Lorsque la caméra n’est pas mouvante (les travellings circulaires et les mouvements de caméra ascendant sont nombreux), c’est pour se fixer sur la grandeur du rassemblement, filmée en plan large. Le montage alterne le cadrage du meeting avec des contre-champs de spectateurs enthousiastes (cadrés en gros plans) pour humaniser la foule innombrable. Enfin, la réalisatrice use abondement la contre-plongée pour mythifier le héros principal du film qu’est le Führer.
La séquence d'ouverture fait d'Hitler un dieu descendu des cieux pour sauver le peuple allemand. « Un dieu nouveau descendant du Walhalla », selon Jean Mitry[1] qui reprend l'analyse de Georges Sadoul[2] (« L'avion du nouveau Messie se posait à Nuremberg ») qui, plus loin, parle de « pompeuse déification wagnérienne » : il faut dire qu’en plus de l’utilisation de la musique du compositeur, Sigfried Kracauer, dans Caligari à Hitler[3], fait un lien entre les trompettes théâtrales que l’on aperçoit dans le film de Riefenstahl et celles des Nibelungen.
Mais sur terre, après ce début efficace, le spectateur se laisse envahir par l’ennui et ce, malgré la mise en scène énergique de Riefenstahl. Car le spectateur constate au bout d’une demi-heure l’absence de sujet : Le Triomphe de la Vérité n’est qu’une suite de parades militaires sous l’œil bienveillant d’Hitler, parfois entrecoupées de discours idéologiques. Il existe un problème de rythme car la lassitude est inévitable devant toutes ces démonstrations de force pompeuses. Kracauer parle de « triomphe de volonté nihiliste » où l’on tente de remplacer « le défaut de contenu » par des « structures artistiques formelles ».

Riefenstahl s’est toujours défendu d’avoir tourné un film de propagande, déclarant n’avoir tourné qu’un documentaire. Cette affirmation ne peut paraître que mensongère au regard des moyens mis en œuvre au service du spectacle majestueux et mystificateur. De plus, selon la réalisatrice, « les préparatifs pour le congrès du parti furent faits parallèlement aux préparatifs pour les activités de la réalisation cinématographique ».
 Pour Sadoul, le but du Triomphe de la Vérité est double lors de sa sortie en 1935: « Montrer aux nazis la solidarité du parti, ce qui était nécessaire au lendemain de l'affaire Roehm[4]; introduire les leaders dans le film ; ils diraient quelques mots et les Allemands pourraient ainsi identifier leurs véritables chefs. » Le deuxième objectif serait d'impressionner l'étranger. Dans cette optique, il est évident que le film est une réussite : seulement un an après l’accession d’Hitler au pouvoir, le spectateur est persuadé de la toute puissance du parti nazi et a le sentiment d’assister à un moment d’une grande cohésion sociale autour d’un leader.
L’idéologie s’avère parfois plus étonnante. A l’époque, le discours est encore pacifiste (malgré tous les défilés militaires!). De même, l’union du peuple allemand, meurtri par la défaite de 1918, l’emporte sur un discours raciste pratiquement manquant. Pour Roger Ebert, cette absence d’antisémitisme serait un « calcul » pour mieux édulcorer la propagande[5].


Le Triomphe de la Vérité fut apparemment un succès en salle en Allemagne à sa sortie. Le film sera couronné en 1934 par le Prix du film allemand et par le Lion d'or de la Mostra de Venise mais également… par un Grand Prix international lors de l’Exposition universelle de Paris en 1937. A l’étranger, le film fit peur et mena à la prise de conscience de l’importance de la montée en puissance du nazisme.
C’est la terreur que lui inspira le film de Riefenstahl qui incitera Frank Capra à tourner le projet Why We Fight pendant la guerre. Chaplin s’inspirera aussi directement des discours du Führer dans Le Triomphe de la Vérité pour son Dictateur (1940). Presque quatre vingt ans après sa sortie, Le Triomphe de la Vérité n’a rien perdu de sa puissance visuelle ni de la terreur qu’il inspire.

28.04.12.






[1] In Histoire du cinéma (1967-1980), Tome 4, Jean-Pierre Delarge, 1980, p. 548.
[2] In Histoire du cinéma mondial (1949), Flammarion, 9ème édition, 1993, p. 161.
[3] In De Caligari à Hitler (1947), L’Age d’Homme, 1973, p. 102.
[4] Dans le montage original du film, Hitler évoque la nuit des longs couteaux dans un discours et affirme son absence de responsabilité. Un montage ultérieur coupera cette référence.
[5] In "The Wonderful Horrible Life of Leni Riefenstahl", publié dans le Chicago Sun-Times du 24 Juin 1994.

mardi 8 mai 2012

The Flesh and the Devil / La Chair et le Diable (1926) de Clarence Brown


Après Le Torrent de Monta Bell et La Tentatrice de Fred Niblo, Le Chair et le Diable est le troisième film américain de Greta Garbo. Le film marque la rencontre de l’actrice avec son réalisateur de prédilection, Clarence Brown (avec qui elle tournera encore six films[1]), et la grande vedette du muet John Gilbert (avec qui elle allait former un couple célèbre). Véritable succès, Le Chair et le Diable marque un tournant dans la carrière de la « Divine » et confirme son statut de star. Il faut dire le film de Brown constitue un mélodrame particulièrement réussi.

 
La principale raison de la réussite du film tient à la simplicité de son récit. Le schéma dramatique s’avère très classique :  la promise du héros ne peut attendre son retour, et se marie avec un autre. L’histoire devient plus tragique encore lorsque le mari s’avère être l’ancien meilleur ami du héros: l’amitié doit-elle primer sur l’amour ?
Ce poncif n’est pas nouveau. On peut le faire remonter à l’Odyssée (Ulysse arrivera-t-il à temps à Ithaque pour chasser les prétendants ?) et on le retrouve dans des œuvres mettant des fantômes de la guerre telles que Martin Guerre ou Le colonel Chabert. Pour des variantes guerrières plus récentes et cinématographiques, on peut citer Quand passent les cigognes de Kalatozov ou Le Retour de Hal Ashby.[2] Ce motif narratif, plutôt misogyne, révèle en réalité la peur de l’infidélité féminine, la croyance de l’homme en l’incapacité des femmes à rester seules.

                Cette méfiance envers les femmes traverse La Chair et le Diable. Déjà dans le titre, on retrouve cette idée que le plaisir charnel est maléfique et donc par extension que « the Devil is a woman » (pour reprendre le titre d’un film avec Marlene Dietrich). Grace à un pouvoir quasi-démoniaque d’emprise sur la chair, Greta Garbo brise les amitiés et rend les hommes fous, les poussant à s’entretuer (sur la symbolique « ile de l’amitié »). Son personnage de Felicitas n’est pas pour autant une manipulatrice : c’est avant tout une femme égoïste et sans vraie volonté. Fragile, elle demeure néanmoins un monstre vampirique comme nous le suggère sa crise d’hystérie suite à l’écoute d’une prière. Sa mort accidentelle dans les eaux glacées d’un lac renforce également cette idée de la femme maléfique punie par un châtiment divin.
                Cette association volontiers scandaleuse ou choquante avec la religion est récurrente dans les films de Garbo. Dans La Chair et le Diable, Felicitas, lors de la communion, tourne la coupe de vin qui lui est tendue par le prêtre afin que ses lèvres puissent se poser au même endroit que celles de son amant. Dans Mata-Hari, Garbo mettra à l’épreuve son bien-aimé en le forçant à éteindre une bougie devant une icône protectrice de la Vierge. Ces scènes audacieuses le sont d’autant plus qu’elles sont accompagnées d’un érotisme latent. Dans La Chair et le Diable, une cigarette peut devenir chargé de désir sexuel et chaque caresse de cheveux est des plus sensuelles. La photographie précise du chef opérateur William Daniels et la mise en scène talentueuse de Clarence Brown contribuent fortement à cette érotisation: le metteur en scène filme en gros plan sa star pour mieux rendre inaccessible sa froide beauté et il s’attarde sur son visage. Le muet sacralise par l’image les gestes des personnages, les charge de désir et fait du spectateur le témoin de ces instants.


La construction implacable du récit (tiré d’un roman de l’allemand Hermann Sudermann[3]) et les consonances érotiques font de La Chair et Le Diable un sommet du mélodrame muet et font de Garbo une véritable « Sex Godess ».

25.04.12.







[1] A Woman of Affairs / Intrigues (1928) ; Anna Christie, Romance et Inspiration/ L’inspiratrice (1930) ; Anna Karénine (1935) ; et Conquest / Marie Walewska (1937).
[2] Peu après La Chair et le Diable, sort d’ailleurs Heimkehr (1928, de Joe May, également avec Lars Hanson), sur une histoire assez proche. Lars Hanson est une vedette du cinéma muet d’origine suédoise. Découvert aux côtés de Garbo dans le film qui la révéla (La Légende de Gösta Berling, 1924, de Mauritz Stiller), il s’embarqua également aux Etats-Unis où il tourna notamment deux films sous la direction de son compatriote Victor Sjöström : La Lettre écarlate (1926), aux côtés de Lillian Gish et La Divine (1928), où il est nouveau réuni avec Greta Garbo.
[3] D’où la cadre géographie du récit, à savoir une Europe centrale de pacotille avec officiers zélés et rejetons de la grande aristocratie. Notons que L’Aurore (1927) de Murnau est également adapté d’un roman d’Hermann Sudermann.

Paris Vu Par (1965) de Jean Douchet, Jean Rouch, Jean-Daniel Pollet, Eric Rohmer, Jean-Luc Godard et Claude Chabrol


En 1962, Barbet Schroeder fonde avec Éric Rohmer « Les Films du Losange », société de production qui allait produire la quasi totalité des films du cinéaste. Trois ans après, la compagnie se lance dans l’aventure de Paris Vu Par, film à sketches dans lequel plusieurs réalisateurs revisitent un quartier de la capitale, à l’occasion d’une petite histoire volontiers ironique et filmée en 16 mm. Comme plus tard Loin du Vietnam, Paris Vu Par peut apparaître comme un manifeste de la Nouvelle Vague. Si cette impression est fondée au regard de la cohérence du film, ce film à sketches laisse chaque cinéaste exprimer sa singularité.

Barbet Schroeder refuse de faire un film à sketches proche des coproductions internationales de l’époque, « cuisines » dans lesquelles on a « des grands acteurs pour quelques jours et pour pas trop d’argent » et où le coût de la coproduction est amoindri par le tournage dans un seul pays. Contrairement à ce que le titre pourrait laisser penser, Paris Vu Par n’est pas vraiment un film sur Paris. Pour le jeune Barbet Schroeder, il s’agit de rassembler « la fraction la plus vivante du cinéma français »[1]. Tous différents, les cinéastes se rejoignent pourtant dans la volonté de mélanger la réalité (et le regard documentaire) avec la fiction.

Jean Douchet inaugure le film avec un sketch sur Saint Germain des Près. Cette petite histoire a des airs de nouvelle fantastique : une jeune américaine se laisse séduire par un « germanopratin science-piste » mais découvre son double le lendemain. Dans le même registre anecdotique et amusant, Jean-Daniel Pollet filme les hésitations d’un client avec une prostituée de la Rue Saint-Denis. Un décalage certain existe entre le film attendu (le portrait cru de la prostitution) et le film existant (la mise en scène d’une situation cocasse).
Le sketch de Rohmer, lui, met en scène un vendeur de chemises persuadé d’avoir tué accidentellement un clochard place de l’Etoile. Le changement dans la vie bien réglée de notre héros sans histoire se traduit par la modification de son chemin quotidien: son trajet habituel et circulaire (le tour de la place) est remplacé par un autre plus linéaire (notre héros descendant désormais avenue Kléber…). Ce court métrage sur les peurs d’un petit commerçant surprend de la part de Rohmer, plus habitué à révéler la lascivité de la classe bourgeoise.
On est également étonné par le sketch de Godard sur Montparnasse et Levalois tant le cinéaste paraît se répéter : cette anglaise mignonne perdue à Paris nous fait penser à Jean Seberg dans A bout de Souffle et cette histoire nous avait déjà été racontée par Belmondo dans Une femme est une femme (dont la musique est reprise)[2]. Là encore, on retrouve la formule du conte assorti d’ironie : une femme enfermée dans un double jeu refuse de voir la réalité en face. Les hommes, qu’ils soient de la classe populaire (l’artisan garagiste) ou bourgeoise (l’artiste qui travaille également la tôle), vont remettre la jeune fille à sa place, dans un grand élan de misogynie. Le dualisme se retrouve également au niveau de la construction du film : écrit par Godard, la mise en scène a été en fait confiée à l’américain Albert Maysles.

Deux sketches sortent particulièrement du lot. Claude Chabrol signe un condensé de son œuvre centrée sur la critique de la bourgeoisie: un garçon du XVIème arrondissement met des boules Quiès pour ne plus entendre les disputes entre ses parents et leurs propos vains ou mesquins. Sourd, il n’entendra pas les cris de sa mère quand elle sera victime d’un accident. De façon amusante, le sketch s’appelle la Muette…
Enfin, c’est la partie de Jean Rouch sur le quartier de la gare du Nord qui impressionne le plus. Le cinéaste met en œuvre son cinéma vérité : le court est filmé en un unique plan-séquence (bien que trafiqué). Rouch nous révèle ce qui précède un drame né du hasard. On assiste à une brouille d’un couple qui se transforme en rupture. La femme fait alors la rencontre d’un inconnu qui lui promet la vie dont elle avait rêvée. Cette confrontation apparaît comme une intrusion de l’impossible dans le quotidien. Cette entrée désespérée de la fiction dans le documentaire ne peut qu’échouer.


Pour Jean Douchet, Paris Vu Par constitue l’expression même de la Nouvelle Vague en même temps qu’un point final de ce cinéma (à cette époque, Chabrol ou Godard commencent à connaître des échecs commerciaux). Souvent à la limite de l’expérimental, Paris Vu Par demeure finalement un projet collectif cohérent et abouti.
L’expérience sera renouvelée plus tard avec Paris Vu Par Vingt ans après (1984) et Paris, Je t’aime (2006).

13.04.12.



[1] Cf. l’interview accordé à Schroeder dans le documentaire « Les Ecrans de la Ville ».
[2] A ce moment, Godard filme justement avec Pierrot le Fou, une œuvre-somme qui reprend des éléments de ses films antérieurs.