samedi 25 août 2012

The Bank Job / Braquage à l'anglaise (2007) de Roger Donaldson

 
            The Bank Job est sorti en France sous le titre de Braquage à l'anglaise, dans une logique d'exploitation du succès Braquage à l'italienne (2003) de F. Gary Gray dont il partage le genre (le film de casse) et l'une des vedettes (Jason Statham). En fait, Braquage à l'anglaise marche avant surtout sur les pas de cinéma de Guy Ritchie. Le film bénéficie de surcroit d'un scénario inventif et d'une réalisation énergique.
 
 
            Braquage à l'anglaise met en scène l'histoire de cinq malfrats qui décident de cambrioler une banque à Londres dans les années 70. Il prend l'apparence d'un film de casse classique avec la préparation méticuleuse du coup, son déroulement et ses suites. Servi par un montage énergique et la mise en scène "punchy" de Roger Donaldson, vieux routier du film d'action, Braquage à l'anglaise répond aux exigences d'un film de genre rudement bien mené.
            La bande de voyous qui nous est ici présentée est héritière de celles des films de Guy Ritchie comme Arnaques, Crimes et Botanique (1998) ou Snatch (2000), dans lesquels jouait déjà Jason Statham. Ces petites frappes attirent la sympathie du spectateur par leur camaraderie et leur pathétique : le leader, qui revend des voitures volés, s’associe avec un acteur porno, un photographe à la manque, un mécanicien roublard ou encore un vieux "major" old-fashioned.
Comme dans Arnaques, Crimes et Botanique, les compères vont être dépassés par les évènements et vont voir beaucoup de monde tourner autour de leur butin. Le Londres populaire et ordurier, une touche de cynisme et de violence ainsi que la bande-son rock de Braquage à l'anglaise sont encore autant de points communs avec le cinéma criminel de Guy Ritchie.
 
            La valeur ajoutée de Braquage à l'anglaise réside surtout dans son cadre historique. En effet, le film s'inspire d'un authentique cambriolage qui s'est déroulé en 1971. A l'époque, la presse britannique fut interdite de publication par une "D notice"[1] émise par le gouvernement britannique ce qui peut étonner au regard de la nature de l'infraction, un simple vol. C'est la raison pour laquelle des théories les plus diverses sont nées autour de ce fameux casse.
            Le scénario de Braquage à l'anglaise mélange fiction et réalité en associant le casse avec des obscurs évènements de l'Angleterre des seventies: l'existence de possibles photographies compromettantes pour la princesse Margareth (et ses relations sulfureuses sur l'ile Moustique) et pour plusieurs membres du Parlement (ce qui aurait conduit à des démissions), ainsi que les actions de Michael X, activiste de Trinité et Tobago qui prônait le Black power à Londres et qui a été pendu pour l'assassinat de Gale Benson, la fille d'un député conservateur.
            Braquage à l'anglaise prétend révéler la réalité sur le casse et le flou qui l'entoure permet de rendre crédible l'hypothèse que les scénaristes proposent. La version présentée explore les sombres dessous de la monarchie britannique. Le film s’aventure dans la théorie du complot et le thriller paranoïaque, sous entendant que les services secrets britanniques auraient commandité le casse....
 
 
            Le cadre seventies de Braquage à l'anglaise s'avère plus qu'un simple paysage rétro et "stylé": au contraire, le scénario malin en profite pour explorer quelques mystères de l'histoire anglaise de l'époque. Cela permet à Braquage à l'anglaise, film de casse conventionnel, de se doter d'une petite originalité.  
 
12.08.2012.


[1] En Grande-Bretagne, une "DA-Notice" (abréviation de "Defence Advisory Notice"), aussi appelée une "D-Notice" jusqu'en 1993, est une demande du gouvernement britannique auprès des éditeurs de ne pas publier ou de ne pas diffuser d'informations à propos de certains sujets en raison de la défense de la sécurité nationale.

Le Guignolo (1979) de Georges Lautner

 
            Sorti un an après Flic ou Voyou (1978), Le Guignolo reprend une affiche assez similaire: Jean-Paul Belmondo en vedette, Georges Lautner à la réalisation, Michel Audiard et Jean Herman au scénario, Philippe Sarde à la musique, Henri Decae à la photographie et Alain Poiré en producteur. Le Guignolo constitue un cocktail explosif d'action et d'humour.
 
 
            Jean-Paul Belmondo joue le rôle d'Alexandre Dupré, alias "le Guignolo", un cambrioleur amateur d'œuvres d'art, une sorte d'Arsène Lupin des temps modernes, expert dans l'art du déguisement et de la fuite. Vêtu d'un chapeau haut de forme, il vole les riches, revend des fausses toiles du Canaletto et file toujours entre les mailles du filet tendu par la police. La tentative d'escroquerie sur un paquebot est ainsi directement reprise de L'arrestation d'Arsène Lupin, première histoire du personnage crée par Maurice Leblanc en 1905.    
            Le film commence par un générique où la tête de Belmondo est fixée sur une figurine de Guignol. Simiesque, Bebel, superstar du film, principale attraction pour le public, est de tous les plans et fait n'importe quoi pour épater la galerie: il s'amuse à jouer au charmeur, saute partout, se déguise en maharajah ou en officier, traverse tout Venise vêtu d'un caleçon à pois rouges...
 
            L'intrigue, très légère, tourne autour d'un McGuffin et d’une méprise que n’auraient pas reniés d'Hitchcock: Dupré se retrouve à Venise avec une valise qui n'est pas la sienne. Une horde d'espions étrangers se lance à ses trousses pour mettre la main sur un fameux microfilm caché dans un briquet qui était contenu dans la mallette. Le scénario importe peu: le spectateur est juste là pour assister aux pitreries de Belmondo. Le spectaculaire est également au rendez-vous : on voit ainsi le guignolo dévaster le hall du Cipriani avec un hors-bord; plus tard, il sera suspendu par un hélicoptère au dessus de toute la ville.
            Les dialogues et l'humour sont à la hauteur de l'action. Le Guignolo n'a pas peur d'un comique bête et méchant: on se moque de la cravate des méchants quand on ne leur donne pas des coups dans les testicules, chocs suivis par de grossiers gémissements. Une amusante voix off raconte l'histoire avec un sérieux inattendu: "Ce n'était plus l'aiguille  dans la botte de foin mais le microfilm dans le pain complet". A cela, s'ajoutent des seconds rôles truculents, déjà de la partie de Flic ou Voyou: Michel Galabru, Georges Géret, Charles Gérard, Philippe Castelli, Tony Kendall ou encore Michel Beaune.
 
 
            Avec son humour nigaud et ses scènes spectaculaires, Le Guignolo fascine par sa bêtise et sa décontraction assumées. Véritable succès, le film atteint 2 849 000 entrées au box office national, score néanmoins inférieur à celui de Flic ou Voyou (3 950 691 entrées).
 
 
15.08.2012.

Le Amiche / Femmes entre elles (1955) de Michelangelo Antonioni

 
            Quatrième film d'Antonioni, Femmes entre elles est l'adaptation d'un roman de Cesare Pavese, auteur turinois engagé à gauche. Avec Le Amiche, Michelangelo Antonioni explore ce qui va devenir son sujet de prédilection (la vacuité de la classe bourgeoise observée depuis le point de vue d’une femme) bien qu'il n'ait encore trouvé la forme qui servira le mieux son propos, à savoir un cinéma de l'image-temps, froid et silencieux, qui fait écho à la disparition du sujet, à l’érosion de l’identité.
 
 
            Le Amiche met en scène cinq femmes de la bourgeoisie de Turin. La tentative de suicide de l'une d'elles tient un rôle d’élément déclencheur et perturbe leur petit monde hypocrite et mesquin. La question du suicide avait déjà été abordée par Antonioni dans son sketch de L'Amour à la Ville (1953), cosigné par Carlo Lizzani, Dino Risi, Federico Fellini, Cesare Zavattini et Alberto Lattuada et elle reviendra dans Le Désert rouge en 1966. Ce sujet préoccupait également tout particulièrement Pavese qui se donna la mort en 1950. Comme plus tard dans la série des Desperate Housewives, le suicide est un évènement qui révèle les failles que personne ne soupçonnait d'une société composée essentiellement de femmes aussi aisées qu’oisives.
            Quand on demande à la dépressive Rosetta les motivations de son geste mystérieux, la première réponse de la jeune femme est avant tout la révélation de son mal être: le seul choix qui s’offre à elle, chaque matin, est celui qui consiste à déterminer quelle robe elle va porter dans la journée. Bien entendu, l’explication avancée par Rosetta dissimule un amour malheureux qui justifie davantage son action mais l'idée générale, celle du vide, est là.  A Turin, dans Le Amiche, l’existence semble suivre son cours, les jours passent mais les personnages ne connaissent pas de raison de vivre. Sur les cinq femmes présentées, deux d'eux d'entre elles seulement sont actives mais le domaine de leur travail (la mode et l'art) peut aussi être considéré comme futile.
            Toutes affublées de manteaux de fourrure, ces bourgeoises agacent voire dégoûtent: à peine arrivée au chantier de sa boutique en travaux, Clélia critique la lenteur des ouvriers; le cynisme de la monstrueuse Monina semble inappropriée au regard des événements et des douleurs profondes cachées par Rosetta; la frivole Mariella, elle, accumule les amants, trompant l’ennui dans le renouvellement. En fait, seules Nene, artiste-peintre trompée par son mari, et Clélia, arriviste qui a réussi grâce à sa volonté, suscitent réellement la compassion du spectateur. Le titre original, Le Amiche, s'avère ironique: les "amies" se mentent les unes les autres, s'échangent les maris et peinent à se comprendre.     
            Autour de ces femmes gravitent des hommes dont le comportement n’est pas moins méprisable. Cesare, l’architecte, s’avère un vrai cavaleur qui drague toutes les femmes qu’il rencontre. Le peintre Lorenzo occupe une place plus ambiguë dans la petite société turinoise et pourrait faire office de double du cinéaste. En effet, Lorenzo est partagé entre d'un côté, ses aspirations à créer, à s’élever au-dessus de la médiocrité ambiante et de l'autre, sa propre faiblesse, qui l’invite à tromper sa compagne parce qu’elle a du succès, à tomber dans les bras d’une jeune femme à qui il ne peut proposer qu’une relation sordide. Le seul être profondément sain demeure Carlo, l’apprenti de l’architecte, méprisé par les bourgeoises. Issu du peuple et fidèle à sa classe, il représente pour Clelia l’idéal d’une vie modeste mais digne. L’héroïne, attirée par la bonne société, ne saura saisir cette chance et la fin du film est dominée par l’amertume.
 
 
            Dénonçant déjà l'ennui et la fausseté du monde bourgeois, Antonioni n'a cependant pas encore trouvé le moyen filmique pour renforcer son propos. Ainsi, au lieu et place du silence et du vide qui pèseront dans L'Aventura, La Nuit ou L'éclipse, films à la limite du cinéma expérimental, Femmes entre elles embrasse certains codes du mélodrame et la satire passe à travers les dialogues. On trouve néanmoins dans Femmes entre elles quelques éléments qui feront la force des films à venir du cinéaste: une guitare cool jazz et surtout un intérêt, à travers les personnages, pour l'art (le couple de peintres), la mode (le métier de Clélia) ou encore l'architecture (l'architecte de l'appartement de Clélia), des domaines dont l’appropriation par Antonioni va lui permettre de créer un univers à part, à l’unisson de son propos.
 
14.08.2012.

Kenkei tai soshiki boryoku / Police contre Syndicat du Crime (1975) de Kinji Fukasaku


            Dans la filmographie de Fukasaku, Police contre Syndicat du Crime sort après la série des cinq Combats sans code d'honneur (1973-1974) et le crépusculaire Cimetière de la morale (1975). Comme Guerre des Gangs à Okinawa (1971), ce jitsuroku (film de yakuza moderne) marche sur les pas de Melville et de Peckinpah.
 

            Au lieu de dépeindre le quotidien d’un gang, Police contre Syndicat du Crime décortique les liens que tissent les flics et les mafieux et, dans une moindre mesure, les hommes politiques (un adjoint au maire est associé aux yakuzas). Le film met en scène deux amis séparés par la loi: Kuno (Bunta Sugawara) est commissaire de police alors que Hirotani (Hiroki Matsukata) est gangster. Kuno est devenu flic après la guerre parce que c'était le seul métier qui pouvait lui procurer à la fois du pain et une arme. D'emblée, les motivations initiales qui ont mené Kuno à se ranger du côté de la loi sont douteuses.
            Police contre Syndicat du Crime ressemble à une variation sur Un flic (1971) de Melville. Selon Fukasaku, les différences entre policier et gangster sont poreuses: "flic ou yakuza, c'est pareil; seules les règles changent" déclare un des personnages. Les deux mondes se connaissent, se respectent et s'apprécient. Ils boivent même ensemble et, dans un séquence de beuverie, les yakuzas sont ramenés chez eux en voiture de police ! Leurs comportements (violents et impulsifs) sont similaires et mènent à une confusion des identités. Dès lors, on ne s'étonnera pas de voir un policier déchu passer du côté de la mafia. Le choix pour interpréter le personnage du flic de l'acteur Bunta Sugawara, habitué aux rôles de gangsters incontrôlables, contribue fortement à la théorie principale du film. 

            Police contre Syndicat du Crime fait également penser au crépuscule qui est au cœur du cinéma de Sam Peckinpah. En effet, un jeune inspecteur intègre, tout droit sorti de l'école, est spécialement envoyé pour lutter contre les gangs: sa mission le conduit à démanteler la corruption qui sévit dans les forces de l'ordre. La confusion, le flou entre flic et gangster tend ainsi à disparaître car Kuno ne parvient plus à défendre son ami. Désormais, il faut choisir son camp: la police ou le milieu. Il n'y a plus d'entre deux, plus de règles et de valeurs partagées, une page de l'histoire du crime se tourne.
            Ainsi, Kuno finit par abattre Hirotani en public, devant une foule et des journalistes déchainés. Comme dans Pat Garrett et Billy le Kid (1973), le final, pessimiste et tragique, constate l'impossibilité de faire perdurer une amitié dans les temps nouveaux. Comme Pat Garrett, Kuno finira par être descendu à son tour après avoir donné la mort à son ami. 
 

            Fukasaku, qui n'avait jusque là pas vraiment abordé la police dans ses films, contrevient à cette carence. A mi chemin entre Melville et Peckinpah, Police contre Syndicat du Crime reste un jitsuroku exemplaire: un film de genre violent, peuplé d'êtres sombres et emmené par une musique tonitruante.

07.08.2012.


Dressed to Kill / Pulsions (1981) de Brian De Palma


                Comme Obsession (1976) et Body Double (1984), Pulsions est un hommage de Brian De Palma à Alfred Hitchcock, le maître du suspense. Le film s'apparente à un pastiche, à un exercice de style : Pulsions fonctionne comme une extension des scènes-clés et des motifs fondamentaux du cinéma hitchcockien.
 

                Pulsions fait principalement référence à Psychose (1960). Comme dans le film d'Hitchcock, un personnage féminin se fait assassiner dès la première demi-heure, allant à l'encontre des attentes du spectateur qui pensait avoir affaire au personnage principal. Comme dans Psycho, la femme va trouver la mort en se faisant poignarder sauvagement dans un lieu clos: ici un ascenseur vient remplacer la salle de bain. Mais De Palma, obsédé par les tueries de Norman Bates, s'amuse par ailleurs à revisiter la fameuse scène de la douche, au début et à la fin du film, jouant sur la connaissance que le spectateur a de Psychose.
                Comme Hitchcock dans Psychose toujours, De Palma trouble les pistes sur l'identité du tueur: on nous le montre sous l'apparence d'une femme mais en réalité, il s'agit d'un psychopathe schizophrène, d'un adepte du travestissement. Il n'est autre que le psychiatre de la victime et son interprétation par Michael Caine confirme son personnage cinématographique à la sexualité troublée: son physique (cheveux bouclés et regard attentionné) un peu efféminé lui a valu de jouer à deux reprises des hommes aux tendances homosexuelles dans Piège mortel (1982) de Sidney Lumet et dans le remake du Limier par Kenneth Branagh en 2007.
                Tel Norman Bates, le tueur de Pulsions souffre de schizophrénie et finira par être interné dans un asile de fous. Mais avant cela, De Palma aura usé des procédés déloyaux. Comme dans Psychose où Norman Bates imitait hors champ la voix de sa mère défunte, De Palma manipule le spectateur, se joue de lui, en montrant des images mensongères: dans Pulsions, le psychiatre écoute les messages du tueur sur le répondeur de son téléphone alors qu'il s'agit d'une seule et même personne ! 

                Le personnage du psychiatre et le titre français du film viennent souligner l'importance de la psychanalyse, matière déjà chère à Hitchcock. Pulsions est un film extrêmement sexué, un film sur le désir, aux relents puritains. Ainsi, la femme du début est une bourgeoise new-yorkaise insatisfaite par sa vie conjugale: la scène d'ouverture, un rêve érotique du personnage, est suivie par une séquence de sexe crue et sans passion. Notre bourgeoise va alors chercher son bien-être ailleurs et coucher avec un inconnu, rencontré au musée, dans une séquence virtuose qui revisite celle de Sueurs Froides où Madeleine contemple le portrait de Carlotta.[1] Mais, à peine son plaisir sexuel sera-t-il comblé qu'elle trouvera la mort...
                La séquence du musée est à ce titre révélatrice : un plan bref chez Hitchcock devient un plan-séquence aussi virtuose qu’interminable chez De Palma. Chaque scène revisite le cinéma d’Hitchcock, le prolonge, le modifie, l’allonge, le dilate. Le film de De Palma veut susciter un plaisir cinéphile de la répétition, de la variation. Ce cinéma va jusqu'à l'épuisement des formes (le film compte presque trois remakes de la scène de la douche de Psychose), il recherche la jouissance, l'extase. Ce plaisir de spectateur est renforcé par une mise en scène exquise, une caméra constamment en mouvement et une musique lyrique.
                De Palma réussit son pari, celui d'égaler le maître du suspens dans la création d'un climat de peur et de tension: le spectateur, qui sait ce qui l'attend, est continuellement agrippé sur son fauteuil, toujours sur ses gardes. Mais si l'exploration du cinéma d'Hitchcock révèle le fort impact des images terrifiantes créées par "Hitch" dans notre imaginaire, le cinéma de De Palma s'avère un souvenir obsessionnel et maladif, qui tourne en boucle. Tout le paradoxe de De Palma est là: le cinéaste se livre à une compétition un peu vaine, à un pur exercice formel. 

                On trouve dans Pulsions des thématiques déjà ébauchées chez Hitchcock (je pense au voyeurisme de Fenêtre sur Cour) mais devenues centrales dans le cinéma américain des années 70, marqué par le spectre des scandales politiques. Le fils de la bourgeoise assassinée, un amusant adolescent bricoleur, un « geek » avant l’heure, s’inspire de De Palma lui-même. Le personnage veut retrouver l'assassin de sa mère parce qu'il a déjà perdu son père à la guerre du Vietnam. Ce rappel des blessures du conflit inscrivent le film dans une époque troublée.
Dans son enquête menée avec la complicité d’une escort girl qui a été témoin du meurtre, le jeune homme se prête à des écoutes pour suivre l’avancée des travaux de la police. De même, il espionne le psychiatre en filmant l'entrée de sa maison: le cinéma, sensé enregistrer la vérité, sensé permettre une surveillance, s’avère incapable de montrer la vérité. L’image du coupable ne suffit pas à donner son identité, il faut pour cela questionner le film, l’interpréter. C’est également le cas de cette autre image traumatique, celle du reflet du tueur dans le miroir de l’ascenseur, qui va aiguiller l’enquête sur une fausse piste (ce n’est pas une femme mais un homme). 
 

Film cinéphile, construit autour d’Hitchcock, Pulsions trahit donc également les craintes de la société américaine dans les années qui suivirent l’assassinat de Kennedy, une société obsédée par les images en même temps persuadée qu’elles ne recèlent pas la réalité. Brian De Palma parvient ainsi à dépasser les limites de sa re-visitation et l’inévitable manque de créativité qu’elle implique. Le réalisateur devait se libérer de l’influence d’Hitchcock avec son film suivant, le thriller paranoïaque Blow Out (1981), centré sur la question de la crise de la représentation. 

13.08.2012.


[1] Psychose  et Sueurs froides ne sont pas les seuls films cités par De Palma. Comme Cay Grant dans La Mort aux Trousses, Nancy Allen récupère le couteau des mains de l'assassin et est sur le moment accusée du meurtre.

Diéxuè shuāngxióng / The Killer (1989) de John Woo


            Après le succès du Syndicat du Crime (1986) et de sa suite (1987), John Woo réalise The Killer, également produit par son compère Tsui Hark. A défaut d'égaler le triomphe commercial de la série des Syndicats, The Killer est considéré par la critique occidentale comme le chef d'œuvre de John Woo. Il est vrai que le cinéaste, aux confluents de ses différentes influences tutélaires et au sommet de son art stylisé, atteint l'excellence. 
 

            La renommée de The Killer dans nos pays peut être expliquée précisément par le fait que le film ne puise pas ses origines dans le cinéma asiatique mais s’inspire profondément du cinéma occidental. Le film marche tout d'abord sur les pas de Jean-Pierre Melville: comme dans Le Samouraï (1967), le protagoniste principal est un tueur solitaire dénommé Jeff; et comme dans le film de Melville, une chanteuse est témoin d'une tuerie dans un bar mais refuse de dénoncer le flingueur[1].
            The Killer épouse également un vieux poncif du cinéma criminel qui était le sujet principal d'Un Flic (1972): la thématique de la dualité, de l'interchangeabilité entre gangster et policier, deux êtres dont l'amitié est néanmoins impossible. Comme à la fin du Syndicat du Crime, le policier (celui qui poursuit Jeff) et le criminel font front commun contre la mafia. Les scènes où Jeff et le policier pointent leurs flingues l'un contre l'autre, front contre front, matérialisent la similitude entre les deux personnages: in-différenciables, ils sont juste situés de part et d'autre de la loi comme deux ennemis d'un jeu sans morale et sans passion. Cette image sera reprise dans la série des Infernal Affairs (2002-2003) d'Andrew Lau, films qui explorent les mêmes questions. A un autre moment, un montage en fondu met en parallèle le tueur et le flic, assis sur un fauteuil avec la même pose. 

            Responsable de l'aveuglement de la jeune femme, Jeff se sent coupable et veut se racheter comme le personnage de Rock Hudson dans Le secret magnifique (1953): il continue alors ses "contrats" mais seulement pour réunir les fonds nécessaires à l'opération médicale qui rendra la vue à la jeune femme. John Woo a retenu les leçons des mélodrames de Douglas Sirk et signe un film aux couleurs flamboyantes et irréalistes. Comme les autres films hongkongais de Woo, The Killer est une œuvre lyrique, toujours au premier degré. Proche de celle du Syndicat du Crime, la bande son de The Killer, avec harmonica et cliquetis d'horloge, renvoie à la musique d'Ennio Morricone. Notons toutefois que, avec son intrigue centré sur le rachat d’un tueur, John Woo déclare également s'être inspiré de Nazaru Mono (1964), de Teruo Ishii, un film japonais situé à Hong Kong, dans lequel un tueur à gages joué par Ken Takakura se met en tête d'aider une tuberculeuse. Perfectionniste autant que cinéphile, John Woo aurait aussi repris du film nippon le plan où le tueur repère un ennemi dans le reflet de ses lunettes de soleil.

            La thématique de la rédemption, centrale dans The Killer, est autant héritière de Sirk que de Scorsese. Du réalisateur de Mean Streats, John Woo réemploie l'imagerie catholique: le final du killer se déroule dans une église illuminée par de nombreux cierges et où trône une statue de madone. Le baroque visuel trouve alors écho dans l'utilisation en bande-son de l'ouverture du Messie, l'oratorio d'Haendel, qui accompagne la scène de règlement de comptes, sanglante et opératique. Là, la violence est moins héritière de Scorsese que de Peckinpah: on assiste à des gunfights au ralenti, interminables et d’une sauvagerie inégalée[2]. Comme les hors-la-loi de La Horde sauvage (1968), acceptant leur destin, se sachant dépassés et condamnés, Jeff et son ami policier sortent de leur cachette pour mourir le sourire aux lèvres et l'arme à la main. 

            Avec son final grandiose et la noirceur de son récit, The Killer s’avère plus impressionnant encore que Le Syndicat du Crime ou A toute épreuve. The Killer apparaît comme la quintessence du cinéma de John Woo où l'action devient la condition d’un exercice formel somptueux, d’un hommage amoureux aux cinéastes que révère Woo.
 

10.08.2012.



[1] Dans Le Syndicat du crime, le personnage joué par Chow Yun Fat porte des lunettes de soleil de la marque d'Alain Delon.
[2]En raison de sa violence, le film ne sortit en France qu'en 1995 avec un montage raccourci.


To Rome with Love (2012) de Woody Allen

 
           Après l'Angleterre (Match Point, Scoop, Le rêve de Cassandre), l'Espagne (Vicky Cristina Barcelona) et la France (Minuit à Paris), Woody Allen continue son périple européen et plante sa caméra sous le soleil d'Italie. To Rome with Love met en scène quatre sketchs dont le seul point commun semble être que l'action est située à Rome.
 
 
            Dans la première histoire, on suit la rencontre entre un vieux couple d'américains qui débarque à Rome pour rencontrer leur future belle famille, italienne. Comme les beaux-parents de Midnight in Paris qui ne voyaient de la capitale que le Bristol, le ménage de touristes est pour Allen un prétexte pour moquer le comportement des américains à l'étranger: l’ethnocentrisme évident, la peur irréductible du communisme, la recherche systématique du profit. La mère, une Judy Davis aux allures de Diane Keaton, est psychiatre, le père, interprété par Woody Allen (de retour à l’écran  pour la première fois depuis Scoop), est une parodie d'intellectuel new-yorkais: il s'agit d'un metteur en scène d'opéras avant-gardiste, réputé pour une version du Rigoletto où les comédiens sont déguisés en souris blanches. Le temps passe mais Woody Allen joue son personnage de toujours: ronchon, lâche, famélique, bourré de mimiques....
            Lorsqu'il découvre que son beau-père chante merveilleusement bien sous la douche, Allen lui propose de passer une audition. Intimidé par le public, l'homme à la voix de baryton échoue. Pour pallier à sa timidité, Allen trouve une parade: l'italien devra toujours chanter sous sa douche. Le burlesque de la situation est poussé jusqu'au bout ! Ce sketch est de toute évidence le plus  en accord avec l’esprit "allenien" des années 60-70, quand le cinéaste se posait en héritier de Groucho Marx.
 
            Le second sketch décrit les tourments amoureux d'un jeune américain étudiant à Rome qui devient attiré par la copine de sa petite amie. Cette partie fait penser aux récents films d'Allen où le cinéaste essaye d’insuffler une bouffée d'air frais dans son cinéma avec des acteurs jeunes et sexys. Ainsi, à côté de Jesse Eisenberg, le Mark Zuckerberg du Social Network, Ella Page, alias Miss Juno, joue une actrice délurée qui attend le rôle de sa vie. Un jour, le candide étudiant rencontre un architecte interprété par Alec Baldwin, un sage au regard fatigué, un fin connaisseur des ficelles du jeu amoureux. Dès lors, les scènes de romance sont interrompues par les discussions fictives du jeune homme avec le fantôme de l'homme aguerri en amour. On peut y voir une poursuite du dialogue maitre-élève, à la limite du fantastique, de Play It Again, Sam ? (1972). Bien écrit et interprété, ce sketch séduit dans l'ensemble.
 
            Dans un troisième sketch, Roberto Benigni joue un quidam qui devient sans aucune raison une star du jour au lendemain[1]. Allen critique la super médiatisation de notre société où des personnes deviennent célèbres sans que l'on sache vraiment pourquoi. On leur demande leur avis sur tout, même sur des choses bénignes et la gloire, éphémère, peut s'effondrer en un instant. D'abord agacé par ce jeu absurde, le personnage finit par regretter ses anciens privilèges, une fois sa célébrité dépassée. Ce sketch sur les dérives de la notoriété, thématique déjà abordée par le cinéaste dans Celebrity (1998), trouve tout à fait sa place dans l'humour absurde allenien.
 
            Le quatrième sketch semble être le seul qui justifie le cadre italien. Dans cette péripétie, un couple d'italiens se perd dans Rome: le jeune marié fait passer une prostituée pour sa femme devant sa famille; son épouse finit dans le lit d'un acteur de cinéma mais couche avec un voleur qui voulait dévaliser la vedette. Quiproquos et théâtre de vaudeville avec amants  cachés dans les placards: le sketch semble héritier de la commedia dell'arte.
 
            Les sketchs ne se recoupent donc pas, tant dans les récits que dans leurs sujets. Peut-être que Allen a voulu recréer l'esprit de l'âge d'or des films à sketchs dans le cinéma italien des années 60 ? Toujours, est-il que de cette confusion (profusion ?) découle un regrettable manque d’unité. A ce  défaut majeur s'ajoute une vision de Rome, aussi cliché que l’était celle de Paris dans l'avant dernier film de Woody Allen. Le film s'appelle tout de même To Rome with Love, s'ouvre avec Volare en bande sonore et nous montre la ville touristique que tout le monde connait: le Colisée, le monument de Victor Emmanuel II, la fontaine de Trevi, la place d'Espagne... Rome n'est rien d'autre qu'un cadre romantique, un paysage pour les badinages que nous propose Allen.
 
 
            To Rome with Love ressemble beaucoup aux autres derniers films du new-yorkais binoclard: dans deux sketchs, des touristes américains se perdent et marivaudent dans une Europe de carte postale comme dans Vicky Cristina Barcelona ou Minuit à Paris. Le film est sympathique mais le spectateur assidu des rites alleniens a vraiment l'impression de tourner en rond. New-yorkais qui a atteint l’universalité en croquant une communauté spécifique, Woody Allen est devenu le directeur d’un cirque ambulant, actuellement en tournée en Europe. Prochaine étape ?
 
14.08.2012.
 
 


[1] Ce sujet est strictement le même que Superstar de Xavier Giannoli avec Kad Merad, qui sort bientôt sur nos écrans.

jeudi 16 août 2012

ltimo tango a Parigi / Le Dernier Tango à Paris (1972) de Bernardo Bertolucci


Une scène de sodomie et des séquences érotiques contribuèrent fortement à la célébrité du Dernier Tango à Paris. Essayons d’aller au-delà du film scandale[1] pour analyser en profondeur ce film passionnant.

Tout d’abord, Le Dernier Tango à Paris semble poursuivre les thématiques du cinéma italien de l’époque sur la disparition du sujet. Tout en sobriété, Marlon Brando y incarne Paul, un quarantenaire à l’air fatigué et vaguement américain. Sa femme s’est suicidée et lui-même est un fantôme, un vivant en sursis. Il rencontre par hasard une jeune femme, Jeanne (Maria Schneider), dans un appartement à louer du 16ème arrondissement de Paris, au dessus du pont de Bir-Hakeim. Ils font l'amour, puis repartent sans savoir leurs noms respectifs car lui ne veut pas le savoir. A partir de cet instant, ils se retrouvent régulièrement pour vivre un amour charnel et anonyme[2].
Brisé et à bout de souffle, Paul refuse d’élucider le suicide mystérieux de son épouse. Toute sa vie, il déclare avoir essayé de comprendre les femmes qu’il a aimées mais sa personnalité, en raison d’identités multiples[3], n’a jamais été cernée. Dès lors, il renonce à toute recherche de vérité et à toute communication de ses pensées. Comme le souligne Pauline Kael, le sexe est le seul moyen pour Paul d’«être dans le vrai, d’éviter les faux semblants »[4]. Dans une grille de lecture freudo-marxiste, on réalise aussi que le refoulement par Paul de sa souffrance et de sa médiocrité (en réalité, il est le tenancier d’un hôtel de passe glauque) va exploser dans la violence de ses ébats sexuels avec Jeanne, exutoires de sa douleur. La relation entre cet homme mature et cette femme qui pourrait être sa fille témoigne aussi d’un rapport œdipien.

Fortement influencé par la psychanalyse, Le Dernier Tango à Paris, voit un personnage mourant mais tentant de survivre par le sexe : le film s’adonne pleinement au couple Eros et Thanatos, l’association inconsciente entre le désir et la Mort. L’ambiance du Dernier Tango à Paris est particulièrement sombre: le film débute par un mouvement de caméra descendant sur Paul, affublé d’un pardessus marron clair[5], se lamentant sous les arcanes du pont de Bir-Hakeim après la découverte de la mort de sa femme. Comme dans Le Cri de Munch, le personnage cache sa tête entre ses mains.
Paul, au milieu du pont sur la Seine, est entre deux eaux, entre la terre des morts et celle des vivants. Dans l’appartement où il rencontre Jeanne, Paul est prostré dans le noir, statique, comme mort. Morbide, Paul déclare : « on finit toujours par apercevoir la mort au fond du trou du cul ». L’idée de l’état intermédiaire se retrouve également dans la récurrence de plans sur des vitres floues qui transforment les silhouettes en ombres. De nombreux personnages et détails contribuent à développer un climat inquiétant et malsain: une concierge noire grimaçante, une vieille qui remet son dentier, une femme accroupie devant un homme dont on ne sait si elle lui recoud le pantalon ou si elle lui suce le sexe[6]. Le générique avec des toiles de Francis Bacon instaure dès le début une atmosphère de décrépitude et le jazz de Gato Barbieri[7], parfois free et souvent smooth, enrobe le film d’une tonalité mélancolique et lyrique.

L’appartement vide de Passy où se retrouvent les amants est un lieu abstrait, déconnecté de la réalité. En raison du refus de toute évocation de nom et de passé, les protagonistes s’effacent et perdent leurs identités, ne devenant plus que chair, homme et femme. Il en découle une relation sexuellement bestiale mais aussi une relation simple et libre, même puérile : les deux amants s’amusent comme des enfants, blaguent et se chamaillent. Cette société abstraite sans qualification ni classe n’est pas éloignée de l’idéal communiste : chacun est l’égal de l’autre, dénudé, juste humain.
Mais ce rêve érotique n’est qu’une utopie car Jeanne n’est pas égale de son amant à qui elle est soumise. Paul ne respecte pas les règles du jeu qu’il a lui même inventées et raconte son enfance. Il découvre qu’il aime Jeanne mais il est trop tard : c’est dans un cabaret de tango, danse de la mort, que Paul emmène la jeune fille pour la séduire. L’homme mystérieux est devenu un bout en train, un acteur plein de vie (Paul s’amuse à adopter divers accents). Mais Jeanne, humiliée, lui donne la mort, mettant fin à son sursaut de vie et à son espoir absurde. La seconde mort de Paul révèle donc aussi que son illusion était la seule façon de maintenir en vie sa relation avec Jeanne. Bertolucci semble nous dire avec effroi que le couple ne peut fonctionner que s’il baise et s’il se tait.

Bertolucci propose une alternative au personnage de Paul. Au désir d’autodestruction de Paul, il oppose l’esprit créatif de Tom, petit ami de Jeanne et metteur en scène de cinéma. Alors que Paul domine le couple qu’il forme avec Jeanne bien qu’il ne sache rien d’elle, Tom veut tourner un film sur la femme qu’il veut épouser bien qu’il ne la connaisse pas et qu’il ignore son infidélité. Bertolucci porte donc un regard ironique sur le personnage du réalisateur : à travers le jeu passionné et exacerbé de l’interprète (le Jean-Pierre Léaud lunaire des films de Truffaut), il se moque de son propre romantisme et de sa cinéphilie. La comparaison entre Paul et Tom rend perplexe le spectateur : alors que Paul, le destructeur, séduit en même temps qu’il inspire la pitié et la frayeur, Tom, le créateur, est un personnage sympathique mais bouffon.
A travers le personnage de Jeanne, Bertolucci moque la génération de mai 68 dans laquelle il peut aussi et pourtant se reconnaître. Fille de colonel et sortant avec un artiste, Jeanne est une petite bourgeoise issue de cette nouvelle génération imprégnée par la culture pop[8]. Le plan furtif au début du film où elle traverse une passerelle au-dessus de CRS vient rappeler cet élément. Pourtant, celle qui semble profiter de la libération sexuelle est victime de sa soi-disant indépendance, étant elle-même soumise à son amant, acceptant presque une forme d’esclavagisme[9].


L’érotisme du Dernier Tango à Paris, film sorti deux ans avant Emmanuelle, est peut-être choquant mais il faut avant tout le lire à travers les sexual politics. Cette tragique histoire du sursis d’un homme fantôme vaut donc bien plus que la sulfureuse réputation dont il bénéficie.

27.07.12.





[1] En plus des scènes sexuelles choquantes (sodomie facilitée avec du beurre comme lubrifiant, masturbation, doigtée du cul), une scène où Paul injurie le cadavre de son épouse offusqua également à l’époque. Associations familiales et critiques cinématographiques se déchaînèrent contre le film et le qualifièrent de « débauche pornographique ». La France interdit le film aux moins de 18 ans alors que les Etats-Unis le classèrent comme X. En Italie, le film fut tout simplement interdit de diffusion et Bertolucci fut déchu de ses droits civiques[]. Le film fut également interdit sous l’Espagne de Franco: soit disant, les habitants traversaient la frontière pour aller voir le film à Biarritz ou Perpignan. C’est ce qu’on voit dans Lo Verde empieza en los Pirineos (1973) de Vicente Escriva.
[2] Le sujet de départ du film est un fantasme sexuel de Bertolucci, celui de croiser une femme dans le rue puis de coucher avec elle, sans la connaître. Il n’est pas étonnant que ce rêve, de nature résolument érotique, mène à un film avec des scènes de cinéma érotique.
[3] Les nombreuses vies évoquées du personnage sont inspirées par les différents rôles cinématographiques tenus par son interprète Marlon Brando.
[4] Dans l’article du Reeling du 28 octobre 1972, reproduit dans Chroniques européennes, Sonatine Editions, 2010, p. 175-185.
[5] Le triste pardessus de Paul s’oppose au gai accoutrement à plumes de Jeanne qui renvoie tant à l’idée d’une femme frivole et pleine de vie qu’à une femme fatale et donc à un ange de la mort.
[6] On trouve ce genre d’images dans Le Procès de Kafka à deux reprises.
[7] C’est Astor Piazzolla qui devait à l’origine écrire la bande-son du film. D’où sûrement cette association avec le tango.
[8] Par opposition, on voit la construction de la tour Montparnasse, au milieu des vestiges d’un vieux Paris, à bout de souffle, à l’image de Paul.
[9] La révolution sexuelle et mai 68 seront de nouveau abordés par Bertolucci dans Les Innocents (2003), film qui partage avec Le Dernier Tango à Paris, un même aspect de film « trash », choquant.