Il Decamerone / Le
Décaméron (1971)
I Raconti di
Canterbury / Les Contes de Canterbury (1972)
Il fiore delle
mille e una notte / Les Mille et Une Nuits (1974)
Après l'adaptation de l'Ancien
Testament (L'évangile selon Saint
Matthieu, 1964) et de mythes antiques (Oedipe
Roi en 1967 et Médée en 1970),
Pasolini poursuit sa relecture des textes fondateurs avec la trilogie de la
Vie.
Retour aux textes premiers. Pour Pasolini, revenir aux grands
récits de la littérature, c'est retourner aux fondements de la culture et de
l'histoire. Ces classiques nous frappent aujourd'hui par leur audace subversive,
leur violence première et leur crudité intacte. Les contes proposés par Le Décaméron, Les Contes de Canterbury ou Les
Mille et Une Nuits se présentent ainsi comme des histoires simples et
triviales, accessibles à tous[1]:
on y énonce des moralités élémentaires et universelles (la dénonciation de
l'injustice, de l'avarice, du pouvoir), on se moque des puissants (les
autorités religieuses, le pouvoir politique) et on y prône la vie, l'humour et
le désir.
Le sexe et l'art comme moteurs de la vie. Le sexe, thématique
récurrente de la trilogie, apparaît comme le moteur de cette vitalité, le sang
indispensable à la vie. L'art apparaît lui aussi comme un élément nécessaire
pour réinventer notre vie et notre quotidien: l'idée est portée par Pasolini
lui même qui incarne dans ses films deux
personnages d'artistes (l'écrivain Chaucer dans Les Contes de Canterbury et le peintre Giotto dans Le Décaméron). Les trois films de la
trilogie forment donc bien un corpus cohérent bien que chacun se différencie
par des éléments singuliers: Le Décaméron
revient régulièrement sur la thématique de la duperie, Les Contes de Canterbury se distingue par son sens du grotesque
(scatologie et vision de l'enfer) alors que Les
Mille et Une Nuits séduit par son exotisme et peut être par un érotisme
plus assumé que dans les deux autres films.
La reconstitution selon Pasolini. Dans la lignée de son travail sur
Oedipe Roi et Médée, Pasolini réinvente le film à reconstitution. Pasolini
participe à un double mouvement: d'un côté, il rompt avec le péplum en nous
montrant une vision réaliste et brute du passé (on y voit des animaux, des
basses-cours, des vêtements cousus à main ou déchirés, des corps nus); de
l'autre, il procède en même temps à une stylisation extrême de certains
costumes ou décors. En faisant renaître le passé avec du neuf, en procédant à
un bricolage syncrétique, un mélange des différentes cultures et nationalités,
Pasolini produit une sorte d'esthétique "new age". Ainsi, dans Le Décaméron, un roi est coiffé d'une
toque russe et ses soldats sont armés de hallebardes de taille démesurée, dans Les Contes de Canterbury, un sketch avec
un clochard débrouillard renvoie aux muets de Chaplin, dans Les Mille et Une Nuits, une armure en
toc évoque moins le Moyen-âge qu'un robot de Science-fiction...
Après la sortie des Les Mille et Une Nuits, Pasolini renie
la trilogie de la Vie car il considère les films comme trop convenus. Il se
lance alors dans une "trilogie de la mort", initiée par Salo ou Les 120 jours de Sodome en 1975
mais qui restera inachevée en raison de la mort du cinéaste la même année.
06.01.14.
[1]
Avec la trilogie de la Vie, qui se caractérise par un regard décomplexé sur le
sexe et la nudité, Pasolini trace la voie pour un genre spécifique de la
comédie populaire italienne qui est la "sexy comedy" dans les années
70.