Après une
période de traversée du désert (la fin des années 70, le début des années 80),
William Friedkin, avec Police Fédérale
Los Angeles, remet sur l’établis la trame et les motifs de French Connection, le film qui lui avait
apporté le succès quatorze ans plus tôt.
Dans Police Fédérale Los Angeles, la brigade des stups de French Connection fait place au
« secret service » chargé de lutter contre les faux monnayeurs[1].
Comme French Connection, le film suit
également un couple de policiers bien déterminés : de même que le
personnage de « Buddy » Russo paraissait plus intègre que celui de
« Popeye » Doyle, de même John Vukovich hésite à suivre son collègue
Richard Chance dans des actions dont les méthodes paraissent expéditives.
Popeye Doyle et Richard Chance semblent deux frères jumeaux : pour eux,
leur métier est leur vie. Obsédés par la capture de leur ennemi criminel, ils
dévient de la légalité pour parvenir à leur fin.
Dans Police
Fédérale Los Angeles, Richard Chance en vient ainsi à voler de l’argent
dans l’optique de le refourguer au malfaiteur qu’il veut cerner lors d’une
opération d’infiltration. Mais ce n’est pas tout : Chance substitue des
preuves sur les lieux de l’enquête ; il magouille avec ses supérieurs
(qu’il méprise) pour libérer des prisonniers sous réserve qu’ils donnent leurs
complices ; chacune de ses arrestations porte atteinte à l’ordre
public ; enfin, il exploite ses indics (y compris sexuellement). Pourri,
plongeant dans la folie, Chance finit inévitablement par ressembler à ceux
qu’il poursuit. Le policier trompe-la-mort y laissera la vie mais pour
créer un autre monstre: son collègue plus craintif ne survit que pour mieux le suivre
sur la voie de la dégradation morale. On retrouve ainsi la même noirceur et dramaturgie
de l’échec propres à French Connection.
Police
Fédérale Los Angeles ne ressemble pas
seulement à French Connection que
dans ses motifs narratifs. Esthétiquement, le film poursuit une même recherche
documentaire avec cette vision d’une ville faite de néons et de terrains vagues,
que ce soit New York (French Connection)
ou Los Angeles (Police fédérale). Le
générique de Police fédérale s’ouvre
d’ailleurs sur des plans d’une casse, soulignant la brutalité d’une ville
moderne qui broie ses sujets.
L’action est tout autant privilégiée que dans French Connection et les scènes se
répondent : les impressionnantes et longues courses poursuites pédestres (filmées
en traveling latéral) ou en voiture (cette fois-ci, sur l’autoroute et à sens
inverse…), conduisent à un véritable état de guerre dans les lieux publics.
L’entrepôt du début de Police fédérale
(où meurt violement un flic dans une poubelle) fait penser à celui du final de French Connection.
Très similaire à French
Connection, Police Fédérale Los
Angeles s’avère néanmoins inférieur. En effet, Friedkin perpétue quelques
poncifs narratifs qui nuisent au sentiment de réalité qui dégage du film. Alors
que Popeye Doyle n’était motivé que par l’accomplissement de son simple labeur,
Chance est mû par un désir de vengeance, voulant rendre justice à son
« partner », violement assassiné à deux jours de la retraite.
De même, Police Fédérale Los Angeles met en scène
un « grand » méchant quelque peu caricatural : il s’agit d’un
artiste perfectionniste (insatisfait, il brûle ses toiles), d’un homme maniéré et
pervers sexuellement (il regarde la retranscription de ses ébats sur des écrans
de télévision et sa copine est lesbienne). Sa mort dans les flammes de son
imprimerie de faux billets accorde même un statut démoniaque à cet être maléfique.
L’antipathie du personnage se retrouve renforcée par le jeu et le physique
inquiétants de son acteur Willem Dafoe, aux airs de David Bowie.
Police
Fédérale Los Angeles constitue donc
une variante années 80 (le ton est donné par la musique du groupe new wave Wang
Chung) de French Connection.
Inférieur à ce dernier, le film n’en demeure pas moins sombre, captivant et spectaculaire.
23.05.12.
[1]
L’autre mission des secret services est d’assurer la protection du président
des États-Unis, du vice-président, de leur famille, de certaines personnalités
(comme des candidats à la présidence ou à la vice-présidence, les anciens
présidents, certains représentants officiels, des personnalités étrangères en
visite aux États-Unis) ainsi que de leurs résidences officielles, comme la Maison
Blanche. On voit d’ailleurs au début de Police
Fédérale Los Angeles les protagonistes déjouer un attentat terroriste
contre Ronald Reagan. Le film de Friedkin est l’adaptation d’un roman écrit par
un ancien agent des secret services du nom Gerald Petievich. D’autres romans
policiers de cet auteur ont été adaptés : Boiling Point / L’extrême limite (1993, de James B. Harris) et The Sentinel (2006, de Clark Johnson, sur
l’histoire d’une tentative d’assassinat du Président des Etats-Unis).