vendredi 11 janvier 2013

The Messenger (2009) d'Oren Moverman

  
Inédit en salles en France mais succès critique aux Etats-Unis, The Messenger peut être vu comme une extension d'une des scènes inaugurales d'Il Faut sauver le soldat Ryan (1998) de Steven Spielberg, lorsque la famille du soldat apprend la mort de trois de leurs fils.[1] Dans le film de Moverman, Will, sergent fraichement revenu de la guerre en Irak, et Tony, vieux capitaine bourru, sont les "messengers" , chargés d'annoncer aux familles le décès des victimes tombées au combat. 

Le sujet, singulier et jamais traité au cinéma, s'avère particulièrement fort et éprouvant. Chaque famille réagit de façon différente: certains frappent les soldats, d'autres s'effondrent, d'autres encore, silencieux et calmes, paraissent désœuvrés. Mais quelque soit le comportement adopté, la douleur, elle, est toujours présente. Les soldats souffrent de leur impuissance et de leur immixtion terrible dans la vie d'autrui. Moverman, le réalisateur, privilégie les plans séquences et la caméra à l'épaule, proche des protagonistes, pour retransmettre le sentiment de réalité et la gravité des situations. 

Parallèlement à la description de ce corps d'armée singulier, The Messenger, sans rentrer dans un débat sur l'opportunité de la guerre en Irak, dénonce les conséquences destructrices de la guerre sur les combattants. Will, le vétéran, vit seul et se réfugie chez lui pour écouter du hard-rock. Son mal être est manifeste. La douleur et les pleurs rentrés du personnage trouvent une métaphore dans son besoin médical de mettre une lotion sur ses yeux. Ses pairs vivent un retour similaire, caractérisé par un sentiment d'extranéité à leur environnement d'antan. Les soldat sont obnubilés par l'idée que leurs épouses soient parties avec un autre et le calme quotidien qu'ils trouvent n'a aucun rapport avec l'horreur qu'ils ont vécue au front. La description de la difficile réadaptation des soldats à la vie civile fait penser à certains films sur l'après Vietnam tel que Rolling Thunder (1977) de John Flynn, Voyage au Bout de l'Enfer (1978) de Michael Cimino ou encore Le Retour (1978) d'Hal Ashby. 

Il en résulte donc un film pacifiste à défaut d'être antimilitariste. On voit tout de même à un moment les familles des victimes s'opposer à l'embrigadement des jeunes américains dans les supermarchés. Will est un être détruit alors que Tony, le capitaine bourru, n'est qu'un militaire de parade qui n'a jamais vraiment combattu. Le duo, au début incompatible (la sensibilité du sergent s'oppose à la rigueur du capitaine), se rapproche finalement au fil des missions et des bières. C'est sur une note ouverte mais positive (le sergent aide une veuve et son jeune enfant à déménager) que se clôt ce film particulièrement émouvant.

01.01.13.



[1] Mark Gordon, l'un des producteurs de The Messenger, avait par ailleurs participé à la production du film de Spielberg.