lundi 13 mai 2013

Sleepers (1996) de Barry Levinson


Auteur de Rain Man, oscar du meilleur film de l'année 1989, Barry Levinson enchaîne les succès populaires dans les années 80-90. Bénéficiant d'une belle distribution, Sleepers dénonce les violences sexuelles dans le système carcéral.

Une modernisation des films des Dead End Kids. La première partie de Sleepers, chronique des années de jeunesse d'adolescents délinquants dans le Hell's Kitchen des années 60, apparaît comme une modernisation des Anges aux Figures Sales ou d'autres films avec les Dead End Kids, populaires dans les années 30. Les protagonistes, quatre jeunes copains, font les quatre cent coups: ils s'éclaboussent avec les bouches incendies dans la rue, zieutent en cachette les filles se déshabiller et bronzent au soleil sur le toit des immeubles. Mais la bande va plus loin, aide les gangsters locaux et vole des hot dog au marchand ambulant. Robert De Niro, dans le rôle du père Bobby, remplace Pat O'Brien dans la figure du prêtre bienveillant qui échoue à remettre dans le droit chemin des gosses perdus, en proie à la criminalité. Vittorio Gassman joue lui un vieux mafieux à la retraite qui fascine les gamins et qui écoute du Dean Martin dans son restaurant. 

L'action de cette première partie est située dans les années 60, évoquées principalement grâce à la bande-son (les Four Seasons, les Beach Boys, Donovan...). Barry Levinson, qui adapte le récit autobiographique de Lorenzo Carcaterra, se sent à l'aise dans cette période, ayant lui même également signé une série de films à caractère autobiographique sur sa jeunesse dans les années 50 à Baltimore (Diner, 1982; Tin Men, 1984; Avalon, 1990 et Liberty Heights, 1999).[1]  

Un film engagé contre les dérives du système carcéral doublé d'un film de procès. La seconde partie de Sleepers est consacrée à la dure incarcération des délinquants juvéniles dans une maison de redressement. Les enfants connaissent un châtiment bien plus cruel que celui qu'ils méritaient et font l'objet de tortures et de viols par les gardiens. Cette partie, particulièrement sombre et violente, est le cœur du film qui entend dénoncer ces pratiques qui auraient existé mais que renie catégoriquement l'administration pénitentiaire. En ce sens, Sleepers est un film à thèse, un film engagé: la violence qu'a subi les garçons conduira la moitié d'entre eux à la récidive alors que tous resteront à jamais détruits et traumatisés par cette expérience horrible.

La troisième et dernière partie de Sleepers s'apparente au film de procès: les gamins ont grandi et deux d'eux d'entre se vengent en tuant un ancien geôlier. Les deux derniers (dont un est devenu procureur) orchestrent leur revanche et retournent la situation en dirigeant le procès à l'encontre des gardiens. Le père Bobby viendra témoigner en leur faveur et sacrifier un temps sa foi par un parjure au profit de la rédemption des anges déchus.

Le récit, coupé en trois temps, repart donc à plusieurs reprises dans des directions différentes et on a parfois l'impression que le film manque d'unité dramatique. Par plusieurs aspects (modernisation d'une forme du cinéma des années 30, mise en scène classique, reconstitution soignée) Sleepers est un film conventionnel mais on retient néanmoins sa noirceur, sa violence ainsi que son propos engagé.

 

28.04.13



[1] Levinson privilégie en effet les films faisant l'objet de reconstitution: Le Secret de la Pyramide (1986) se déroule dans le Londres des années 1880, Le Meilleur (1982) dans les années 20, Bugsy (1991) dans les années 30, Good Morning Vietnam dans les années 60.