lundi 13 mai 2013

Tous les Matins du Monde (1991) d'Alain Corneau

Centré sur la rencontre entre deux authentiques musiciens de l'époque de Louis XIV (Marin Marais et Monsieur de Sainte-Colombe), Tous les Matins du Monde a contribué, lors de sa sortie, à un regain d'intérêt certain pour la musique baroque.
 
On pourrait penser que le film de Corneau s'inscrit dans un genre conventionnel, le films en costume, genre dans lequel excelle le cinéma français de l'époque qui se plait à reconstituer le Grand Siècle[1]. Néanmoins, l'action du film, bien que située au XVIIème siècle, n'insiste pas sur le faste de la Cour du Roi Soleil.
 
En effet, le film de Corneau montre la fascination de Marin Marais, prestigieux musicien de la Cour, pour son maitre de viole Monsieur de Sainte-Colombe, un vieil homme, veuf et misanthrope, qui s'est retiré de la vie publique et joue dans le noir d'une cabane installée dans le jardin de sa demeure. Les sympathies du réalisateur vont envers la vie austère mais sincère du janséniste Sainte-Colombe. Dès lors, Versailles ne nous est que très peu montré, le film insistant sur la vie rurale et champêtre de Sainte-Colombe.
 
Visuellement, le film recherche également l'ascèse et s'inspire des natures mortes du peintre Lubin Baugin (présenté dans le film comme un ami de Sainte Colombe) ainsi que des toiles en clair-obscur de Rembrandt ou De La Tour où des pièces ne sont éclairées que par la lumière d'une faible bougie. Ce traitement visuel rejoint la conception musicale de Monsieur de Sainte-Colombe qui recherche l'absolu et le recueillement dans son art. L'idée est simple: la musique n'est pas à la Cour du Roi, la musique se trouve dans les profondeurs du cœur du musicien qui, par son instrument, parvient à communiquer sa douleur.
 
Stylistiquement épuré, centré sur un nombre restreint de personnages et délaissant les enjeux politiques de l'époque, Tous les Matins du Monde se consacre entièrement à son sujet principal qui est la musique. La viole de gambe, instrument archaïque (ancêtre du violoncelle), peut parfois paraître ennuyeux mais force est de reconnaître que la beauté de ses sonorités reste intacte. Elle est la manifestation de l'idée majeure du film qui consiste à allier la beauté avec la sobriété.
 
25.04.13.



[1] Le césar du meilleur film de l'année 1991 revient à Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau; le césar de l'année 1992 à Tous les Matins du Monde de Corneau, également avec Gérard Depardieu; le césar de l'année 1997 à Ridicule de Patrice Leconte. Dans la même veine, on recensera L'allée du Roi (1995) de Nina Companéez, Saint-Cyr (2000) de Patricia Mazuy, Vatel (2000) de Roland Joffé, Le Roi danse (2000) de Gérard Corbiau.