mercredi 25 février 2009

Leatherheads / Jeux de Dupes (2008) de George Clooney

         L’engagement politique de George Clooney est bien réel (aide pour les victimes des tsunamis, mobilisation contre le génocide au Darfour, ambassadeur de l’ONU en tant que « gardien de la paix ») mais il ne va pas de soi : Clooney est aussi un homme tourné vers le passé comme le montre parfaitement son passage à la réalisation. Après Confessions d’un homme dangereux (2002) situé dans les années 70 et Good Night and Good Luck (2005) sur fond de maccarthysme des années 50, Clooney plonge son Jeux de Dupes dans l’Amérique des années folles. Suivant les pas de ses amis les frères Coen, il signe une comédie dans le style des grands classiques des années 40.


         Jeux de Dupes est centré sur le monde du football américain en 1925. Clooney y incarne Dodge Connolly, entraineur de l’équipe des « Bulldogs ». Les scènes sportives, heureusement assez peu nombreuses, tournent souvent au grand n’importe quoi (l’absence de règles conduit à de véritables affrontements physiques dans la boue) et Clooney semble s’inspirer de la folie des matches de Plumes de Cheval (1932) de Norman McCleod, avec les frères Marx, ou de ceux de Vive le sport (1925) avec Harold Lloyd.
         Car, si dans Jeux de Dupes, les références ne sont pas directes, les diverses influences se laissent apercevoir. George Clooney, le Cary Grant d’aujourd’hui, se lance en effet dans une « screwball comedy » à l’ancienne. Howard Hawks est le premier convoqué : les dialogues sont menés à 100 à l’heure et un jeu du chat et de la souris s’installe entre l’homme et la femme. Renée Zellweger joue quant à elle une journaliste émancipée et malicieuse dans la veine de celle de La Dame du Vendredi (1940).
         Cette dernière se met bien sûr en tête d’écrire le plus grand scoop de l’histoire pour gagner le prix Pulitzer. L’occasion se présente lorsqu’elle découvre que le joueur vedette de l’équipe n’est pas le véritable héros de la Grande Guerre que l’on croyait. Clooney pastiche alors le récit guerrier du Sergent York (1941) d’Hawks, biographie du soldat américain le plus décoré de la Première guerre mondiale.

         Mais surtout, il suit les pas de Preston Sturges (très admiré des Coen aussi) qui se moquait de l’icône du héros et du patriotisme dans Héros d’occasion (1944), film dans lequel un jeune marin réformé se faisait passer pour un héros de guerre. C’est également de Sturges que vient la scène de la dispute dans un wagon lit comme dans The Palm Beach Story (1942).
         Clooney rend aussi un hommage au cinéma burlesque de Chaplin (le déguisement en policier) ainsi qu’à John Ford (pour le folklore irlandais et les bagarres de saloon avec des militaires).

         Depuis Mémoires de nos pères (2006) de Clint Eastwood, l’interrogation sur la notion du héros (qui est-il ?) et sa réponse (quel qu’il soit, la patrie en a besoin) semble être de rigueur dans le chaos de l’Amérique après le 11 septembre. Pourtant, avouons que ce n’est une fois de plus pas la question la plus importante et intéressante du film, surtout vus son ton et son genre.
         En effet, Jeux de Dupes baigne dans un esprit léger et très bon enfant. Clooney subit ainsi l’influence des Coen : la photographie (en sépia) léchée et la musique rétro, l’image visuellement très « forte » (cadrée, storybordée), l’humour cartoonesque parfois un peu lourd, le goût pour les gros et les imbéciles…


         Carte postale nostalgique du passé, Jeux de Dupes est une attachante comédie au charme fort désuet et sympathique. Le film ressemble beaucoup à ceux des Coen, c’est-à-dire que c’est un hommage au cinéma d’antan dont le caractère vain (on refait plus ou moins la même chose) disparaît au profit d’une approche novatrice et stylisée du visuel. On a conscience qu’on fait du neuf à partir d’ancien mais on marche à fond, on est enchanté et on en redemande.

13.02.09.