samedi 14 juin 2008

Groundhog Day / Un Jour sans Fin (1993) de Harold Ramis



        Harold Ramis, à la fois acteur, scénariste et réalisateur, est aujourd’hui une des figures du renouveau de la comédie américaine. Pour Un Jour sans Fin, son quatrième film, il a fait appel à Bill Murray, acteur au registre de clown triste qui jouait déjà dans son premier film, Caddyschack - Le Golf en folie (1980), mais aussi dans les films d’Ivan Reitman qu’il avait scénarisés: Arrête de ramer, t’es sur le sable (1979), Les Bleus (1981) et les deux SOS fantôme (1984, 1989). Ce film indépendant qui part d’une excellente trouvaille scénaristique aborde de façon évidente la thématique du temps.


        Un Jour sans Fin fait partie de ces films qu’il faut voir pour les comprendre. Il s’agit d’une comédie basée sur un ressort fantastique et absurde, totalement inexpliqué : l’absence de lendemain. Phil Connors, le personnage principal, est un présentateur météo. Il doit se rendre chaque 2 février à Punxsutawney, petite bourgade de Pennsylvanie, pour y faire un reportage télévisé sur le « jour de la marmotte » : selon la légende locale, une marmotte annonce l'arrivée du printemps ou le prolongement de l'hiver devant la population du village rassemblée sur une place publique. Alors qu’il décide de quitter en hâte ce trou perdu, un blizzard l’oblige à passer la nuit à Punsxutawney.
        A son réveil, Phil constate avec effarement que le temps s’est déréglé, qu’hier s’est effacé et qu’il doit refaire ce reportage. D’abord agacé d’être condamné seul à revivre indéfiniment cette journée de la marmotte, il décide ensuite de s’en amuser…

        Le film développe le thème du temps : celui du climat (annoncé dès le générique) que présente chaque matin Phil à la télévision ou celui de la durée du « jour de la marmotte » constamment imposé à Phil. De même, Phil est contraint de rester à Punsxutawney tant à cause du retour incessant de la sonnerie du réveil que du blizzard.

        Un Jour sans Fin s’apparente à un conte philosophique, une fable ou une parabole, bref, à une expérience initiatique dans laquelle Phil va apprendre à apprécier la joie de vivre et à s’accepter en donnant un sens à sa vie. En effet, après la dépression et le suicide impossible, le grincheux du début, odieux et cynique, va s’humaniser en devenant un ange gardien de la ville.
        Le film semble donc être placé sous l’influence de Frank Capra et de sa Vie est belle (1947). Prônant la beauté des gens simples, le film donne une vision de l’Amérique profonde, pleine d’optimisme et d’humanisme dans le sens d’une croyance en l’homme et au changement. Refusant l’égoïsme de l’intérêt personnel, Phil va trouver la joie en aidant les plus démunis et en se dévouant à la collectivité. Phil se sacrifie pour les autres : il sauve un enfant tombant d’un arbre, répare un pneu crevé, paye le repas d’un clochard…

        Dans ce même enseignement, le présentateur météo va comprendre que le spontané l’emporte sur la prévision. En effet, lorsque Phil tente de se rapprocher de Rita, sa collègue de travail, il va préparer sa séduction en explorant la connaissance de ses goûts et de ses envies. Dans cette optique, il va apprendre des poèmes français et s’habituer aux cocktails favoris de Rita. Mais Phil va s’apercevoir qu’il ne s’agit que d’une vicieuse manipulation.
        Ce n’est que lorsqu’il sera naturel qu’il arrivera à conquérir son cœur. Alors, quand il se réveille, parce qu’il a trouvé l’amour, le lendemain est permis. C’est donc sur ce happy-end conventionnel mais somme toute difficilement inévitable puisque cohérent avec la structure de la fable que se clôt le film.

        En étudiant les changements de situations et en explorant les différents tons possibles pour une même scène, Harold Ramis procède à un véritable jeu de cinéma qu’il poursuit aussi grâce au montage et aux nombreuses ellipses qui permettent l’éternel réveil. Le comique d’Un Jour sans Fin réside en effet beaucoup dans celui de la répétition. Il faut dire que voir une quinzaine de fois le sempiternel réveil exécuté avec les mêmes gestes toujours avec en fond la chanson « I got you babe » à la radio est particulièrement désopilant.


        Malgré un manque d’esthétique (la photographie et la musique sont un peu pourries) et de virtuosité dans la mise en scène, Un Jour sans Fin excelle grâce à son ingénieux scénario et à ses acteurs brillants (Bill Murray et Andie MacDowell). C’est un film euphorique et fantasque que l’on ne se lasserait jamais de revoir.
        Continuant apparemment de façon plutôt inégale son renouveau de la comédie américaine, Harold Ramis a pourtant renoué avec le succès avec le parodique Mafia Blues (1999), et sa suite sortie en 2002, que l’ont dit fort drôles.

14.06.08.