samedi 6 octobre 2007

The Fortune Cookie / La Grande Combine (1966) de Billy Wilder


         Billy Wilder a toujours réalisé des films assez irrévérencieux : Assurance sur la Mort (1944) montrait un couple adultère prêt à tout, Le Poison (1945) s’intéressait à l’alcoolisme, Boulevard du Crépuscule (1950) décrivait le destin d’une star hollywoodienne en déclin, La Garçonnière (1960) critiquait le monde du travail et Un, Deux, Trois (1961) s’attaquait à la guerre froide. Même s’il s’agit d’une comédie, La Grande Combine est directement une critique au vitriol de la société américaine qui n’épargne personne.


         Si Jack Lemmon avait déjà collaboré avec Billy Wilder , c’est en revanche dans La Grande Combine qu’apparait pour la première fois le tandem Jack Lemmon/Walter Matthau. Dans le duo, Walter Matthau joue le grincheux ; Jack Lemmon est toujours la victime maladroite. Dans La Grande Combine, Walter Matthau est le sarcastique beau-frère de Jack Lemmon, un caméraman qui a été accidentellement heurté par un joueur de football américain lors d’un match. Matthau excelle dans le rôle de l’avocat véreux qui décide de monter l’arnaque du siècle : il propose à son beau frère de prétendre qu’il est paralysé pour toucher un maximum de dommages et intérêts. On retrouve ainsi les hantises du réalisateur concernant les problèmes d’assurance qui étaient déjà posés dans Assurance sur le Mort (1944).
         La Grande Combine dénonce ainsi la perversité de la société américaine où tout le monde cherche à duper l’autre et à l’exploiter. Matthau persuade son beau frère en le prenant par les bons sentiments : sa maladie peut le rapprocher de sa femme qui l’a quitté et, en plus, avec l’argent ainsi gagné, il pourra offrir une vie décente à sa famille. Bien sûr, la femme de notre infirme, jouée par Judi Dench, ne s’intéresse elle aussi qu’à l’argent. La cupidité et le vice sont donc au cœur de ce film. Dans La Grande Combine, même les infirmières religieuses font des paris sur des résultats sportifs. Egalement, à travers le personnage de Boom Boom (Ron Rich), le footballeur qui a renversé notre idiot, Wilder dénonce aussi le racisme qui règne au sein de la société. Mais ce n’est pas tout : Wilder critique enfin le monde médical en ridiculisant les spécialistes dans une scène hilarante avec un docteur anciennement nazi joué de façon très outrée par Sig Ruman . Finalement, le cinéaste s’attaque même à un symbole de l’Amérique : Abraham Lincoln à qui il fait dire « On peut tromper une fois mille personnes mais on ne peut pas tromper mille fois une personne ».
         C’est surement en raison de sa satire féroce que le film de Wilder a été un énorme flop. Déjà, son film précédant Embrasse-moi Idiot (1964) avait connu un échec retentissant après une série de grands succès. Peut-être aussi le public a-t-il trouvé le film vieillot à cause de sa photographie en noir et blanc (pourtant magnifique de Joseph La Shelle ) et de la musique jazzy d’André Previn qui peut paraitre pour certains un peu démodée. Pourtant le scénario d’I.A.L. Diamond est brillant et le tandem comique excellent. Walter Matthau remporte d’ailleurs l’oscar du meilleur second rôle. Le duo qu’il forme avec Jack Lemmon sera très fructueux puisqu’ils se retrouveront ensemble plus tard dans une dizaine d’autres films. En revanche, La Grande Combine n’a pas réussi à lancer la carrière (comme il semblait vouloir le faire) de Ron Rich, un acteur venant de la télévision. Il en est de même pour Judi West dont le seul mérite semble d’avoir remplacé le rôle que tenait Jeanne Crain dans L’Homme qui n’a pas d’Etoile (1955) de King Vidor avec son remake Un Colt nommé Gannon (1969) de James Goldstone. Quant à Billy Wilder, dégoûté face à ce nouvel échec cuisant, il faudra attendre quatre ans pour qu’il tourne son film suivant La Vie privée de Sherlock Holmes.

06.10.07.