Avec En route vers la Gloire, Hal Ashby, à la façon de Michael Cimino et de sa Porte du Paradis, parvient à concilier le ton contestataire du Nouvel Hollywood avec un sens de l’épique et de l’Americana.
Adaptation de l’autobiographie de Woody Guthrie, En route vers la Gloire est centré sur la vie du chanteur folk entre 1936 et 1940. A 24 ans, Guthrie laisse sa famille (une femme et deux enfants) et sa terre (le Texas, ravagé par le Dust Bowl), pour la Californie, suivant des milliers de okies dans leur migration et leur quête de travail. Révolté par l’exploitation de ouvriers agricoles, sous payés par les patrons, il va se lancer dans une lutte pro-syndicaliste avec comme seule arme sa guitare et ses chansons engagées. Sa proximité avec le peuple et sa soif de liberté lui permettent de se détourner des pièges de la Gloire et il se dirigera alors vers New York pour continuer son combat.
Film épique (de près de 2h30), En route vers la Gloire illustre une page de l’histoire de l’Amérique. Dans cette période de Grande Dépression, l’espoir, incarné par Woody Guthrie, semble être la seule façon de sortir du misère. Les images du Dust Bowl et des camps de travailleurs sont très impressionnantes : on n’est pas loin des Raisins de la Colère de Steinbeck mais aussi du film de John Ford ou des photographies de Dorothea Lange, œuvres qui partagent la même volonté de montrer la dignité de l’homme dans la pauvreté.
Le récit de la vie errante et mouvementée de ce grand patriote est aussi grandiose. Ceci explique le sentiment que la biographie tourne parfois à l’hagiographie. La photographie d’Haskell Wexler [1], sépia et nostalgique, contribue également à donner au film un aspect un peu académique. On peut néanmoins nuancer ce classicisme avec la modernité de la mise en scène dont la souplesse est due à la toute première utilisation de la steady cam.
Woody Guthrie reste une figure contestataire et libertaire, adulée par la génération des années 60 (Bob Dylan, Joan Baez, Phil Ochs...). Bien qu’il ne fut jamais membre du parti communiste, Guthrie était engagé bien à gauche. Hal Ashby, qui avait passé son enfance dans une petite ferme de l’Utah dans les années 30, s’est senti proche de Guthrie : sans aucun doute, il a pu se reconnaître dans ce personnage de marginal indépendant.
Du point de vue de la distribution, David Carradine est parfait dans le rôle du chanteur. Il semble poursuivre son rôle de syndicaliste convaincu qu’il avait tenu dans Boxcar Bertha de Scorsese (1972) [2]. Interprétant lui-même les chansons de Guthrie, il venait de se lancer dans la musique et avait sorti l’année précédente un album unique intitulé Grasshopper.
Toujours authentique, En Route vers la Gloire mêle avec intelligence l’enthousiasme innocent à la contestation ardente.
26.11.11.
[1] Haskell Wexler gagna l’oscar de la meilleure photographie 1976 pour En Route vers la Gloire. Il s’agit de sa deuxième statuette, après celle remportée pour son travail sur Qui a peur de Virginia Woolf ? en 1966. En Route vers la Gloire a aussi remporté l’oscar de la meilleure bande-son.
[2] Il faut re-contextualiser la sortie d’En Route pour la Gloire dans l’époque où l’on redécouvrait les grands noms de la culture gauchiste : le syndicaliste Joe Hill a fait l’objet d’un film par Bo Widerberg en 1971 alors que le journaliste américain et communiste John Reed est sujet de Reds (1981) de Warren Beatty.
[2] Il faut re-contextualiser la sortie d’En Route pour la Gloire dans l’époque où l’on redécouvrait les grands noms de la culture gauchiste : le syndicaliste Joe Hill a fait l’objet d’un film par Bo Widerberg en 1971 alors que le journaliste américain et communiste John Reed est sujet de Reds (1981) de Warren Beatty.