jeudi 9 février 2012

The Girl with the Dragon Tattoo / Millénium, les Hommes qui n’aimaient pas les Femmes (2012) de David Fincher


          Millénium, trilogie de romans policiers de l'écrivain suédois Stieg Larsson, a connu un succès considérable au début des années 2000 avec plus de 20 millions d'exemplaires vendus à travers le monde. Après une série de films en Suède, Hollywood s’empare de la saga avec David Fincher aux commandes de l’adaptation cinématographique du premier opus.


          Le succès du polar nordique n’est pas nouveau : il avait déjà connu ses lettres de noblesse avec le duo d’écrivains Maj Sjöwall et Per Wahlöö et leur personnage du policier Martin Beck . Kurt Wallander (et son personnage de flic Henning Mankell), Jo Nesbø (auteur norvégien que Scorsese compte adapter) s’inscrivent également dans la même veine. Cette littérature relate des enquêtes criminelles qui privilégient le suspense et le sordide. Une lecture sociale densifie de surcroit le récit.
          Millénium ne fait pas exception à la règle. L’histoire met en scène un duo de limiers assez étonnant : Mikael Blomkvist, quarantenaire, est un journaliste d’investigation (au journal le Millénium) récemment condamné (à tort) pour diffamation. Il fait équipe avec une hackeuse, Lisbeth Salander, une sorte d’adolescente attardée, une rebelle asociale au look gothique (elle arbore de nombreux tatouages et piercings). L’un des plus puissants industriels de Suède demande à Blomkvist d’enquêter sur sa nièce, disparue dans les années 60. Le vieux magnat suspecte un assassinat, commis par un membre de sa propre famille. Mais les recherches des protagonistes les mènent à la poursuite d’un serial killer dangereux.

          L’univers de Millénium se révèle aussi glacial qu’abject. Le récit criminel permet ainsi d’établir un regard sombre sur la société suédoise. La Suède d’antan, peuplée de nazis, est représentée par la riche famille industrielle qui recrute Blomkvist : cette famille désunie et aigrie n’arrive pas à masquer les blessures et les secrets du passé malgré leur apparence d’honnêteté reflétée par le mobilier lisse de leur maison, hit-tech ou Ikea. La Suède nouvelle, incarnée par le personnage de Lisabeth, nous fait également peur : il s’agit d’une jeunesse orpheline et déviante (Lisabeth a de graves antécédents psychiatriques), qui a du mal à communiquer. Entre ces deux générations, Blomkvist apparaît comme un personnage plus positif mais sa soif de vérité est contrecarrée par une société corrompue.
          La mise en scène de Fincher, privilégiant les couleurs grises et tristes, contribue à développer le climax ignoble de Millénium. Le réalisateur explore les domaines de ses films précédents: un monde inquiétant (comme dans Fight Club), un intérêt pour la modernité et la technologie (comme dans The Social Network) ou encore un jeu de piste captivant après un serial killer (comme dans Zodiac).
          Cependant, la bonne volonté de Fincher et sa détermination à rester fidèle au texte nuisent surement au film : le spectateur est dégouté par la violence de certaines scènes qui ne paraissent pas indispensables. Par exemple, on aurait pu se passer de ce générique à l’atmosphère punk ainsi que des péripéties particulièrement infectes de Lisabeth avec son tuteur-violeur.


          La violence du spectacle de Millénium (interdit aux moins de 17 ans aux Etats-Unis) est telle que même l’acteur Daniel Craig (qui interprète le personnage de Blomkvist) a avoué avoir été choqué par le film. On l’aura compris : Fincher n’a pas eu froid aux yeux et a refusé de signer une œuvre policée. Il en résulte un thriller particulièrement cru, paradoxalement difficile à voir, mais toujours haletant.

09.02.12.