Après
99 Francs adapté par Jan Kounen en
2007, l’écrivain Frédéric Beigbeder passe à la mise en scène en transposant
lui-même au cinéma un de ses romans. L’Amour
dure trois ans, le film, développe bien entendu des éléments nouveaux mais
il reste assez fidèle à l’œuvre d’origine, partageant les mêmes qualités et s’échouant
sur les mêmes écueils.
L’histoire relève de l’autofiction :
Marc Marronnier est critique littéraire le jour et chroniqueur mondain la nuit.
Récemment divorcé de sa femme, il écrit un pamphlet démontrant que l’amour ne
dure que trois ans. Mais sa rencontre avec Alice va renverser toutes ses
certitudes.
Le première partie du film excelle
dans la provocation et le mauvais esprit, Marc Marronnier dénonçant
l’hypocrisie du mariage et le caractère éphémère de l’Amour, si toutefois
celui-ci existe. Beigbeder cite lui-même son bouquin et on se délecte des
formules assassines du genre « l’Amour est le problème de ceux qui n’en
ont pas ».
Mais, par la suite, et comme dans le roman, Beigbeder
revient sur ses propos et se vautre dans le sentimentalisme : rassurons
nous, l’Amour existe bien, il s’agit juste de trouver la bonne personne. Dans
le film, le romantisme est renforcé par l’utilisation de la musique de Michel
Legrand (doublé de sa présence physique !), par quelques ralentis ainsi
que par le glamour du couple formé par Gaspard Proust, parfait en alter ego du
romancier, et la pétillante Louise Bourgoin.
Comme dans son livre, Beigbeder se
tire donc une balle dans le pied : en contredisant l’explosion jouissive
d’amoralité que lui dictait sa frustration d’homme divorcé, l’auteur condamne
sa propre thèse et signe une œuvre conventionnelle comme les autres. Si le film
souffre des mêmes insatisfactions que le roman, qu’apporte-t-il donc ?
D’un point de vue cinématographique, L’Amour dure trois ans est plus
satisfaisant que le 99 Francs de Jan
Kounen, film un peu « m’a-tu vu » qui accumulait les effets. Pour son
film, Beigbeder utilise pleinement les ressources de la forme cinématographique
sans toutefois en abuser : voix-off, montage énergique, quelques effets
spéciaux de découplage des personnages, caméra mouvante… Le bris du quatrième
mur avec le personnage principal qui parle directement à la caméra et l'autodérision
à laquelle se prête Beigbeder via son double Marc Marronier font penser au
cinéma de Woody Allen. Beigbeder a recours à ses amis de Canal + (il recrée une
émission du Grand Journal) et entrecoupe son film d’entretiens (réels ou
bidons) avec des écrivains tel que Charles Bukowski ou Alain Finkielkraut.
Finalement, L’Amour
dure trois ans ressemble à une simple comédie romantique française. Non
sans ironie, sur l’affiche du film il y a écrit « le meilleur film de
Frédéric Beigbeder ». On pardonne toujours Beigbeder car l’auteur ne
manque jamais d’autodérision et se ne se prend jamais au sérieux. On retient donc
un film sympathique, léger et amusant, c’est tout. Car Beigbeder, faux cynique,
demeure un vrai sentimental.
02.02.12.