jeudi 2 février 2012

L’Amour dure trois ans (2012) de Frédéric Beigbeder


            Après 99 Francs adapté par Jan Kounen en 2007, l’écrivain Frédéric Beigbeder passe à la mise en scène en transposant lui-même au cinéma un de ses romans. L’Amour dure trois ans, le film, développe bien entendu des éléments nouveaux mais il reste assez fidèle à l’œuvre d’origine, partageant les mêmes qualités et s’échouant sur les mêmes écueils.

 

            L’histoire relève de l’autofiction : Marc Marronnier est critique littéraire le jour et chroniqueur mondain la nuit. Récemment divorcé de sa femme, il écrit un pamphlet démontrant que l’amour ne dure que trois ans. Mais sa rencontre avec Alice va renverser toutes ses certitudes.
            Le première partie du film excelle dans la provocation et le mauvais esprit, Marc Marronnier dénonçant l’hypocrisie du mariage et le caractère éphémère de l’Amour, si toutefois celui-ci existe. Beigbeder cite lui-même son bouquin et on se délecte des formules assassines du genre « l’Amour est le problème de ceux qui n’en ont pas ».
            Mais, par la suite, et comme dans le roman, Beigbeder revient sur ses propos et se vautre dans le sentimentalisme : rassurons nous, l’Amour existe bien, il s’agit juste de trouver la bonne personne. Dans le film, le romantisme est renforcé par l’utilisation de la musique de Michel Legrand (doublé de sa présence physique !), par quelques ralentis ainsi que par le glamour du couple formé par Gaspard Proust, parfait en alter ego du romancier, et la pétillante Louise Bourgoin. 

            Comme dans son livre, Beigbeder se tire donc une balle dans le pied : en contredisant l’explosion jouissive d’amoralité que lui dictait sa frustration d’homme divorcé, l’auteur condamne sa propre thèse et signe une œuvre conventionnelle comme les autres. Si le film souffre des mêmes insatisfactions que le roman, qu’apporte-t-il donc ?
            D’un point de vue cinématographique, L’Amour dure trois ans est plus satisfaisant que le 99 Francs de Jan Kounen, film un peu « m’a-tu vu » qui accumulait les effets. Pour son film, Beigbeder utilise pleinement les ressources de la forme cinématographique sans toutefois en abuser : voix-off, montage énergique, quelques effets spéciaux de découplage des personnages, caméra mouvante… Le bris du quatrième mur avec le personnage principal qui parle directement à la caméra et l'autodérision à laquelle se prête Beigbeder via son double Marc Marronier font penser au cinéma de Woody Allen. Beigbeder a recours à ses amis de Canal + (il recrée une émission du Grand Journal) et entrecoupe son film d’entretiens (réels ou bidons) avec des écrivains tel que Charles Bukowski ou Alain Finkielkraut.
 

Finalement, L’Amour dure trois ans ressemble à une simple comédie romantique française. Non sans ironie, sur l’affiche du film il y a écrit « le meilleur film de Frédéric Beigbeder ». On pardonne toujours Beigbeder car l’auteur ne manque jamais d’autodérision et se ne se prend jamais au sérieux. On retient donc un film sympathique, léger et amusant, c’est tout. Car Beigbeder, faux cynique, demeure un vrai sentimental.

 

02.02.12.